Propos recueillis par Marie Caroline Missir
L’historien des religions Odon Vallet réagit aux révélations selon lesquelles un « lobby gay » aurait exercé un chantage sur des prélats durant le « Vatileaks ». Un rapport faisant état de ces pressions serait à l’origine de la renonciation du pape Benoît XVI, le 11 février. Pour Odon Vallet, parler d’un lobby gay est hâtif.
La Repubblica révèle qu’un lobby gay serait à l’origine de la démission du pape Benoît XVI. Qu’en pensez-vous?
Les journaux italiens sont généralement bien informés sur le Vatican… mais n’appliquent pas la règle d’or qui consiste à ne jamais frapper en dessous de la ceinture. Une chose est sûre: les informations de la Republicca viennent de l’intérieur du Vatican, qui traverse d’immenses difficultés actuellement. Certains n’approuvent pas la décision du Pape Benoît XVI de renoncer à sa charge. Le rôle du cardinal Bertone, Secrétaire d’Etat du Saint-Siège, est assez contesté. Le Vatican a aussi des problèmes de financement, au point que la Banque d’Italie a demandé que l’on ferme les distributeurs sur ce territoire.
Mais on peut donc parler d’un « lobby gay » au Vatican…
Le mot lobby renvoie à un groupe de pression économique. Parler d’un lobby gay au Vatican, c’est aller assez vite en besogne. Il y a chez les prêtres des homosexuels et des hétérosexuels. Comme beaucoup de prêtres ont quitté le ministère pour se marier, la proportion de prêtres homosexuels a progressé ces dernières années. Tous ne sont pas « pratiquants », mais il y a des prélats gays. Ce n’est pas nouveau: le prédécesseur du cardinal Christoph Schönborn, archevêque de Vienne, avait eu des relations avec un séminariste. A l’occasion d’un conclave particulièrement difficile, des histoires croustillantes et sulfureuses ressortent par voie de presse.
D’autres conclaves dans l’histoire de l’Eglise ont-ils été marqués par de semblables scandales?
Oui, sous la Renaissance, tous les conclaves traitaient de la vie privée des Papes qui avaient souvent des enfants… Avec le temps, l’image du pape est devenue plus lisse. A l’heure actuelle, peut-on dire que les clivages entre les cardinaux et les prélats soient fondés sur un critère sexuel? Je ne le crois pas. On sait bien qu’il y a des progressistes et des réactionnaires chez les prêtres, qu’ils soient homosexuels ou hétérosexuels.
publié le 22/02/2013