— Par Max Dorléans (GRS) —
On a entendu ces jours derniers une série de dirigeants divers (élus martiniquais et guadeloupéens, représentants du patronat, de l’AMPI notamment, dirigeants politiques de droite comme de gauche…) tempêter contre la perspective de suppression de l’octroi de mer envisagée par une étude commandée par le gouvernement Macron.
Pour cette étude, comme pour celles sur le même sujet qui l’ont précédé, il s’agirait de remplacer l’octroi de mer par la TVA, celui-ci étant considéré aujourd’hui comme dépassé et inefficace, car source de vie chère, de maintien de rente et de corruption.
Des « arguments » que l’ensemble des défenseurs de l’octroi de mer ne veulent pas entendre, puisque sa suppression – qui répond selon certains, à la volonté du lobby de l’importation – priverait aussi bien la Martinique que la Guadeloupe (ainsi que la Guyane), d’un outil de défense de la production locale, mais également d’une partie considérable des recettes des collectivités territoriales.
Si évidemment on peut souscrire, voire soutenir cette démarche de maintien de l’octroi de mer (dans l’esprit de sa conception originelle pour la défense de la production locale), il reste néanmoins singulier de vouloir le défendre bec et ongles, sans en même temps constater qu’il n’a guère été un véritable outil de défense de la production locale, et encore moins, ce qu’il aurait dû être, même partiellement, un outil participant à un développement réellement moins dépendant de nos économies.
Dès lors, à n’en point douter, un bilan d’une situation économique avec un octroi de mer ayant eu un caractère offensif (reflet d’une activité de production significative et concurrentielle d’importations) montrerait sans difficulté, que la réduction de notre dépendance, via à la fois une augmentation de notre production locale et un recul des importations, ne serait pas un vain mot.
A défaut, continuer de nos jours sans perspective un minimum volontariste (et inévitablement conflictuel) de développement autocentré, de vouloir sauver un octroi de mer dont le caractère progressiste originel apparaît très faiblement, c’est continuer d’accepter notre situation actuelle, à savoir une situation d’approfondissement de notre dépendance.
Car continuer de fonder, comme certains le pensent, sans la moindre modification notable, un élément du développement sur une dérogation au principe libéral cardinal de la « concurrence libre et non faussée », c’est carrément se tirer une balle dans le pied ; et accepter la perpétuation de notre dépendance et de reproduction de notre mal-développement, ainsi que des inégalités engendrées par le système capitaliste dominant.
Aujourd’hui, avec la relance promue par Macron, et relayée ici entre autres par P. Jock, et non combattue sur le fond par la quasi-totalité des partis, ce n’est rien d’autre, avec ou sans octroi de mer, que de poursuivre dans la mondialisation excluante, sur la base de la pensée économique unique qui continue de nous être servie. Avec sans surprise les résultats désastreux que l’on connaît d’avance (chômage et pauvreté accrus, vie chère, services publics en déshérence, salaires de misère…), et qui seront les mêmes qu’hier si nous ne nous mobilisons pas pour un autre avenir, une autre société. Pour nous et nos enfants.
Aujourd’hui, ce dont nous avons besoin, c’est d’une autre perspective économique et sociale, fondée sur un programme hardi indiquant que ce libéralisme dévoreur d’humains et massacreur de la planète, doit être combattu fermement. Et qu’une série de mesures urgentes doivent être prises dans tous les domaines (santé, école, agriculture, transport…) pour stopper la dégradation en cours, et enrayer sa dynamique infernale avec le Covid 19 qui n’est qu’un révélateur de la crise, et non la cause de celle-ci, qui elle, renvoie à la logique propre de fonctionnement du capitalisme.
Max Dorléans (GRS)