— Par Eric Eloré, adjoint au maire du Marin —
Dans la conjoncture économique actuelle, les mesures visant à favoriser les échanges commerciaux entre la Martinique et son environnement régional (confère le président de la République lors de sa visite), rendent nécessaire de créer un dispositif fiscal lui aussi favorable à la facilitation des échanges commerciaux.
L’octroi de mer est reconnu à travers ses fondements juridiques et historiques, pour la place qu’il tient dans le financement des collectivités et sur son rôle de stimulateur de l’économie. Selon l’étude d’impact qui accompagne l’actuel projet de loi, il répond à un double objectif : un élément essentiel pour une stratégie de développement des filières de production, une manne importante qui donne aux collectivités d’Outre-mer une capacité d’autofinancement exceptionnelle. L’ancrage juridique communautaire reconnaît le dispositif conforme aux normes européennes, car il n’établit pas de discrimination entre les produits fabriqués localement et ceux de fabrication nationale ou communautaire.
Le cadre communautaire reconnaît toutefois, comme stratégique dans le développement de l’économie locale, la possibilité pour les conseils territoriaux de voter une exonération de l’octroi de mer. Le texte du conseil de l’union et la loi actuellement à l’étude au Sénat prorogent pour 2020 le dispositif, abaisse le seuil de taxation des entreprises de 500 000 à 300 000 euros de CA de production, recadre et étend les possibilités d’exonération des conseils territoriaux. Le nouveau texte ne modifie pas le champ des exonérations déjà établies notamment à l’article 4 de la loi de juillet 2004 :
– Les biens expédiés ou transportés en dehors de la zone Guadeloupe et Martinique (marché unique antillais) ou ceux placés sous régime suspensif pour la réexpédition,
– Les biens importés en franchise de droit et de TVA sont également exonérés ainsi que ceux dont la valeur n’excède pas le montant des franchises,
– Les entreprises de production peuvent déduire le montant et le remboursement en tout ou partie de l’octroi de mer qui a grevé leur production.
Créer une commission de suivi
Pour les exonérations de l’octroi de mer sur les importations relevant des conseils territoriaux, les évolutions notoires sont les suivantes :
– Les secteurs prédéfinis par la loi 2004 (hôtellerie, tourisme, matériels d’équipements, matériaux de construction, engrais et outillage industriel et agricole) disparaissent au profit de secteur d’activité publié par décret, pour les biens destinés aux personnes exerçant une activité économique au sens du 256 A du CGI,
– Les notions des matières premières et d’équipement disparaissent au profit des biens destinés aux personnes morales exerçant des activités scientifiques, de recherche, d’enseignement ou des établissements de santé, de services sociaux ou médico-sociaux publics ou privés,
– Il est nouvellement visé les biens destinés aux organismes du paragraphe b de l’art.200 du CGI (organismes d’intérêt général à caractère philanthropique).
Cette approche répond davantage aux normes européennes sur les franchises de droit et leur impact sur la TVA. Les conseils acquièrent nouvellement la possibilité d’exonérer l’importation et la livraison des biens destinés à l’avitaillement des aéronefs et des navires et aussi des carburants tracés à usage professionnel. Cette exonération s’octroie également par secteur.
Le conseil continue à voter les taux selon un écart établi entre celui de la production et de l’importation. Les écarts sont fixés par la décision de l’UE du 17 décembre 2014.
Il a une nouvelle obligation, celle de créer une commission de suivi.
En résumé, la loi reconnaît aux conseils territoriaux le pouvoir d’exonération, des biens importés, organisé par secteur ou pour un usage particulier. Elle étend ce pouvoir à la livraison ou à la mise à la consommation des biens d’avitaillement ou de produits pétroliers à usage professionnel.
Répondre au renforcement de nos capacités commerciales
La nouvelle loi élargit les champs des exonérations et réaménage le rôle du conseil territorial. Les objectifs, en termes de ressources indispensables aux collectivités et de soutien à la production, sont ré-affichés. Néanmoins il s’agit toujours d’une taxation globale ponctuée d’exonération visant essentiellement le secteur du secondaire, une dualité permanente entre l’importation et la production. Le dispositif ainsi affiché ignore les marchés de proximité et l’intérêt de rendre l’ensemble de notre économie commerciale plus compétitive. Tout effort commercial basé sur l’exportation (ou revente en dehors du marché unique) de produits européens ou français est stérile. Il n’existe pas de compensation ni de remboursement pour les marchandises non produites ayant déjà réglé la taxe et réexportées.
A titre de contre-exemple un commerçant domicilié en Europe bénéficie de la capacité de récupérer ou de déduire la taxe essentielle grevant son échange notamment à l’exportation, il s’agit en général de la TVA. Celle-ci atteint ou dépasse souvent le cumul des taxes réglées localement (TVA et OM).
Dans une économie ou un bien change de multiples propriétaires avant d’être consommé, dans un environnement géographique représentant plusieurs milliers de consommateurs en cours d’accession de bien d’équipement en tout genre, et compte tenu du positionnement de nos économies entre l’Europe et la Caraïbe, la réforme du texte sur l’octroi de mer doit pouvoir répondre au renforcement de nos capacités commerciales.
L’article 4 de la loi de 2004, repris dans le nouveau projet de loi à l’article 5, visant les conditions d’exonération de l’octroi de mer pour la livraison de bien en dehors de l’espace du marché unique antillais doit pouvoir tenir compte du remboursement de la taxe pour les mêmes biens au préalable affectés de la dite taxe lors de leur importation. Dans certains cas la compensation pourrait être envisagée. Ce dispositif existe aussi pour la TVA.
Cette disposition intéresserait l’exportation et le commerce y compris les ventes aux touristes. Les régimes suspensifs demeurent coûteux et peu flexibles face à la rapidité du commerce. Les dispositions du conseil de l’UE qui conduisent à la nouvelle loi ne sont pas contradictoires à une éventuelle déductibilité ou à un remboursement de l’octroi de mer pour les marchandises initialement importées et livrées en dehors du MUA.
Il ne s’agit pas d’introduire une différence d’imposition entre les produits locaux et ceux provenant de la France métropolitaine ou d’un état membre. Une telle disposition s’inscrit davantage comme réponse à certains handicaps des régions ultrapériphériques visées par l’article 349 du traité de l’UE comme la faible dimension du marché et une activité exportatrice peu développée.
La taxe s’inscrit pour quelques années encore dans la fiscalité indirecte locale avec la particularité de pouvoir être en partie actionnée par le conseil territorial, à l’intérieur d’un dispositif juridique national et communautaire. Sans pour autant l’assimiler à la taxe sur la valeur ajoutée, il s’agit de lui conférer une nouvelle disposition pour un impact supplémentaire sur nos économies. Donner un atout de plus à l’activité économique à travers le commerce semble plus prometteur en termes d’emploi que la simple recette fiscale.
Eric Eloré, adjoint au maire du Marin