Syriza, Podemos, Indignés, révolutions arabes, Occupy, etc
—Par Frances Fox-Piven, professeure de science politique et de sociologie, Luiza Toscane militante pour les droits de l’homme en Tunisie, Alain Touraine sociologue, Jean Lojkine, directeur honoraire de recherche au CNRS et Albert Ogien Directeur de l’Institut Marcel-Mauss l’Ehess.—
Une fragmentation des anciennes alliances par Frances Fox-Piven, professeure de science politique et de sociologie, University of New York
En Grèce, Syriza, un parti politique relativement nouveau étroitement lié aux mouvements anti-austérité des cinq dernières années, a accédé au pouvoir gouvernemental. En Espagne, Podemos, un parti né du mouvement des Indignés, semble engagé sur le même chemin. Nous pouvons observer des signes de développement semblables en Irlande et au Portugal. Ces nouvelles formations articulant parti et mouvement contredisent le mépris dont nombre d’autres protestations récentes et leurs jeunes fers de lance font preuve à l’égard de la politique électorale. Les militants des mouvements considèrent souvent la politique comme une sphère séparée. Il y a du vrai dans cette appréciation. Dans le monde contemporain, les mouvements et la politique électorale trouvent leur élan dans des dynamiques très différentes, habituellement rivales. Pourtant, la réponse à la question « Est-ce une nouvelle donne ? » est compliquée du fait que les mouvements et les partis interagissent également en permanence, et cela par des moyens qui peuvent déterminer le succès du mouvement ou du parti. Les partis essaient d’obtenir le pouvoir en remportant les élections ; ils sont tributaires de la logique du décompte des voix. Autrefois, les partis de gauche croyaient qu’ils finiraient par gagner tout simplement parce que à mesure que s’étendait le capitalisme industriel, la classe ouvrière, à la conscience politique marquée, se développerait. Mais la désindustrialisation a décousu la solidarité de l’ancienne classe ouvrière. Ainsi, dans la course pour gagner les élections, les partis de la classe ouvrière sont devenus des partis ou des associations de partis dits « fourre-tout ».
Si les partis essaient de mettre en place des coalitions susceptibles de gagner plus de voix que l’opposition, les mouvements ont une dynamique très différente. Ils s’efforcent de générer les conflits qui divisent les coalitions. Les mouvements émergent lorsque les attentes des citoyens sont insatisfaites. Les mouvements d’une part attisent cette frustration et cette colère et d’autre part l’exaltent en donnant l’espoir, un espoir insensé et millénaire, qu’un peuple en se soulevant peut changer sa condition. La colère et l’espoir sont les moteurs des mouvements. Ils sont à l’origine de leur irrévérence tonitruante et de leur aptitude unique à soulever des questions que les partis, à la recherche du consensus, éludent. La colère et l’espoir permettent aux mouvements de semer le désordre qui rend une réponse à ses questions impérative. En ce sens, les partis et les mouvements ne sont pas sur la même longueur d’onde. Les mouvements s’efforcent de diviser les coalitions électorales que les partis peinent à constituer. Mais l’émergence de nouveaux partis (ou la reconstruction des anciens) dépend précisément d’une telle fragmentation des anciennes alliances électorales. La leçon que nous devons tirer aujourd’hui est la suivante : certes, mouvements et partis sont différents, mais les mouvements peuvent avoir des conséquences considérables sur la politique électorale. Et tout particulièrement à l’heure où les retombées d’un capitalisme destructeur affaiblissent les liens entre électeurs et partis….
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Et lire aussi les contributions suivantes
Un caractère interclassiste par Luiza Toscane, militante
pour les droits de l’homme
en Tunisie
L’action collective repose sur la conscience de soi par Alain Touraine, sociologue
Et la révolution informationnelle ? par Jean Lojkine, directeur honoraire de recherche au CNRS et auteur
Les partis mouvementistes par Albert Ogien, directeur
de l’Institut Marcel-Mauss de l’Ehess