TRIBUNE. Cinquante-cinq militantes féministes universalistes appellent les parlementaires à renforcer le projet de loi séparatisme en débat à l’Assemblée nationale.
Nous, féministes engagées pour les droits des femmes, le progrès social et l’égalité, nous luttons contre toutes formes de domination patriarcale et soutenons les femmes et les hommes qui, ici comme dans d’autres pays, mènent un combat, souvent au risque de leur vie, contre les fondamentalismes politico-religieux.
C’est pourquoi, quelle que soit notre appréciation de l’action du gouvernement sur d’autres sujets, nous prenons acte avec satisfaction de l’esprit du projet de loi « confortant le respect des principes de la République », qui veut répondre à un certain nombre de défis auxquels sont confrontés les principes universalistes inscrits dans l’ordre juridique français.
Nous nous réjouissons notamment des avancées en matière de dignité et de droits des femmes que ce projet propose :
- L’application de la loi française – et de nulle autre – sur les successions. Le prélèvement compensatoire sur les biens détenus en France prévient toute discrimination selon le sexe entre les héritiers et héritières et leur garantit un égal accès à la réserve héréditaire. (article 13)
- La réaffirmation que la polygamie est une atteinte à la dignité humaine, contraire à l’égalité entre les femmes et les hommes, s’accompagne de l’introduction d’une réserve générale de polygamie, donc désormais sans possibilité de dérogation, pour l’accès à certains droits : titre de séjour, prestations sociales, reversement de pension. (articles 14 et 15)
- L’interdiction d’établir des certificats de virginité pose clairement que c’est en cédant aux injonctions fondamentalistes que peuvent se perpétuer des pratiques du contrôle du corps des femmes et des jeunes filles, attentatoires à leur intégrité et à leur dignité, alors que la loi peut y mettre un terme. (art. 16)
- L’obligation pour l’officier d’état civil de s’entretenir avec chacun des futurs époux séparément, afin de prévenir les mariages forcés ou frauduleux, cherche à garantir la liberté matrimoniale, et plus particulièrement celle des femmes qui sont les principales victimes d’un non-consentement et qu’il convient de protéger de pratiques familiales, religieuses ou culturelles contraires aux principes de la République. (art. 17)
Nous regrettons d’autant plus les silences du texte sur des sujets essentiels :
- Alors qu’est bien posée l’extension de l’obligation de neutralité du service public aux organismes auxquels ont été confiées des missions de service public, rien n’est dit sur la nécessaire neutralité des collaborateurs et collaboratrices occasionnels du service public. Les accompagnateurs scolaires pourront ainsi impunément afficher les marques d’un prosélytisme religieux et d’une discrimination femmes-hommes, en totale contradiction avec l’esprit du présent projet de loi, avec la loi de 2004 et la grande cause du quinquennat.
- Les bonnes intentions manifestées pour le sport, en raison de son rôle dans la sociabilisation et la formation, notamment des jeunes, sont insuffisantes, et doivent être complétées, comme l’a souligné le Conseil d’État dans son avis, en précisant les obligations des fédérations délégataires dont le contrat avec l’État devrait comporter l’engagement du respect – par leurs agents aussi bien que par les sportives et sportifs – d’une stricte neutralité telle que définie dans la règle 50 de la Charte olympique. (article 25)
- Alors que le contrôle renforcé des établissements scolaires hors contrat et de l’instruction en famille se veut répondre à des dérives avérées, dont la ségrégation précoce des petites filles soustraites à l’instruction publique, nous ne pouvons admettre l’éviction brutale de l’amendement visant à interdire le marqueur sexiste, séparatiste et de maltraitance sur enfants qu’est le voilement des fillettes, qui plus est, au motif scandaleux que cela « polluerait » le débat !
Nous demandons aux parlementaires d’amender le projet de loi selon ces orientations.
Signataires : Laure Caille, Libres MarianneS, Annie Sugier, LDIF, Michèle Vianès, Regards de femmes, Yvette Roudy, ministre des Droits des femmes de 1981 à 1986.
Cosignataires : Isabelle Barbéris, universitaire, Michelle Baron-Bradshaw, féministe, Djemila Benhabib, écrivaine, Nadia Benmissi, Collectif Femmes sans voiles, Marine Bermond, Réseau Femmes 3000, Marie-Claude Bertrand, présidente du Conseil national des femmes françaises, Marie-Jo Bonnet, historienne et écrivaine, Jacqueline Bourgeois, déléguée régionale Bourgogne Franche-Comté CNFF, Danielle Boyrie, professeure d’EPS, Marilou Brossier, militante féministe laïque, Véronique Bury-Dagot, secrétaire Laboratoire Loiret de laïcité, Sophie Chauveau, écrivaine, Huguette Chomski, Mouvement pour la paix et contre le terrorisme, Claudie Corvol, Collectif Femmes et sport, Jacqueline Costa-Lascoux, chercheure au CNRS, Patricia Costantini, experte Egal Sport, Chantal Crabère, professeure d’EPS, Martine Cerf, secrétaire générale Égale, Claire Desaint, coprésidente Femmes pour le dire, femmes pour agir, Monique Dental, présidente Réseau féministe Ruptures, Catherine Deudon, photographe et chroniqueuse, Claire Donzel, militante féministe, Bernice Dubois, présidente d’honneur de la Clef, Nadia El Fani, cinéaste, Zineb El Rhazoui, écrivaine et journaliste, Nicole Fouché, chercheuse CNRS EHESS, Esther Fouchier, présidente de Forum Femmes Méditerranée, Sonia Gomar, Observatoire de la laïcité de Seine-Saint-Denis, Patricia Jullien, vice-présidente de Regard de femmes, Liliane Kandel, sociologue, Annick Karsenty, militante féministe universaliste, Françoise Kayser, cofondatrice de Femmes contre les intégrismes, Huguette Klein, Réussir l’égalité Femmes-Hommes, Françoise Laborde, présidente d’Égale, Françoise Laborde, journaliste, ex-membre du CSA, Christine Le Doaré, co-porte-parole des Vigilantes, Catherine Louveau, professeure émérite, sociologue, Françoise Morvan, militante féministe universaliste, Hala Oukili, vice-présidente Nous sommes leur voix, Céline Pina, Vi(v)re la République, Brigitte Polonovski, présidente Centre européen du Comité international des femmes, Nicole Raffin, militante laïque féministe, Anne Salzer, avocate, Laurence Taillade, essayiste, Françoise Thiriot, secrétaire générale Libres Mariannes, Semira Tlili, présidente #reseau1905, Éliane Viennot, historienne, Annie Wallet, membre du Collège décisionnel Le Choix, Linda Weil Curiel, avocate, Anne Zelensky, présidente de la Ligue du droit des femmes, Arlette Zilberg, co-porte-parole des Vigilantes.