On trouvera c-après le texte de Stéphane Arnoux, GRAC Energie de Nou-Pep-La et la réponse de Nicolas de Fontenay, directeur des Exploitations aux Antilles – Albioma.
La CTM peut, si elle le veut, arrêter Albioma
Le site du Galion à Trinité est un complexe industriel sur lequel est prévue l’installation d’une « unité de cogénération d’électricité et de chaleur valorisée fonctionnant à la bagasse et au charbon d’une capacité de production de 37,5Mw » (arrêté ministériel de 2008), nommée Galion 2. Elle jouxtera et complètera la SAEM du Galion (l’usine sucrière) et la Turbine A Compression (TAC) de 40 Mw nommée Galion I fonctionnant au fioul (centrale thermique).
Que veut dire unité de cogénération ? « La cogénération est la production simultanée d’électricité et de chaleur à partir d’un combustible. L’énergie utilisée pour faire fonctionner des installations de cogénération peut être le gaz naturel, le fioul, le charbon ou toute forme d’énergie locale (géothermie, biomasse). L’énergie thermique est récupérée sur les gaz d’échappement et les circuits de refroidissement des moteurs ou turbines à gaz ou sur la vapeur détendue dans les turbines à vapeur. L’énergie mécanique est transformée en électricité grâce à un alternateur » .
Pour le projet Galion 2, il s’agira donc de fournir en chaleur valorisée l’usine sucrière. Or, celle-ci fonctionne déjà avec une chaudière type Babcock alimentée par la bagasse de l’usine. Cette chaudière Babcock de 2,2 Mw a été mise en service en 2001, pour un coût approximatif de deux millions d’euros. Elle est la propriété de la SAEM du Galion. La CTM détient 59% des actions, qui en fait l’actionnaire majoritaire absolu. Pour supprimer la Babcock, Albioma et ses supplétifs font accroire l’existence d’une chaudière hors d’âge, « à ciel ouvert » , émettant des polluants « à des taux records » . Aucune étude n’est donnée pour étayer ces affirmations.
Mieux, Albioma annonce dans ses plaquettes (et relayé par ses supplétifs comme Chomet) un coût exorbitant pour « réhabiliter » la Babcock, une « mise aux normes » de 15 à 20 millions d’euros, alors que neuve, elle ne coûte que deux millions d’euros! Et ce, toujours, sans aucun document à l’appui, pas de devis.
La préfecture, actionnaire minoritaire de la SAEM du Galion, présente au conseil d’administration, va-t-elle confirmer ces affirmations de chaudière « à ciel ouvert » émettant des polluants « à des taux records » ?
Il s’agit en fait d’une campagne de désinformation pour mettre à l’arrêt la Babcock de la SAEM du Galion et faire croire que son remplacement par la chaudière de Galion 2 serait une économie substantielle de 20 millions d’euros pour la CTM.
Pourquoi Albioma/ Galion 2 tient-il tant à se substituer à l’actuelle Babcock ?
Un, pour des intérêts économiques et financiers : avec la chaleur valorisée, l’utilisation de l’énergie primaire est améliorée, augmentant le rendement global.
Financièrement, la biomasse bagasse est aussi source de revenus indirects : « prime bagasse » (à la hausse) versée pour les centrales produisant de l’électricité à partir de cette ressource (arrêté du 18 octobre 2015) mais aussi gratuité de tonnes de quotas de pollution au CO2 accordés aux industriels ayant une activité de cogénération (arrêté ministériel du 24 janvier 2014). Albioma a ainsi bénéficié de 141 361 tonnes de quotas gratuits pour 2015.
Deux, pour des raisons réglementaires : avec la biomasse (bois, bagasse), c’est une exigence car ce combustible est bien moins performant en terme de rendement énergétique que les combustibles fossiles comme le charbon. Le ministère de l’écologie impose maintenant un seuil d’efficacité énergétique d’au moins 75% avec la biomasse comme unique combustible, atteint uniquement avec l’apport de la chaleur valorisée.
Sans cogénération, pas de Galion 2
Au delà donc de ces cadeaux offerts à Albioma en lui abandonnant la chaudière Babcock de la SAEM du Galion et sa bagasse, la CTM permet directement à Albioma d’exister. Sans cette chaleur valorisée, Galion 2 ne peut atteindre les exigences réglementaires de seuil d’efficacité énergétique (75%) avec la biomasse comme unique combustible. Et sans cogénération, le contrat initial est caduc.
La CTM, en gardant sa Babcock pour l’usine sucrière de la SAEM, peut ainsi porter un coup fatal à Albioma. C’est de son ressort, c’est de son éthique, son devoir.
Mais, quelles que soient les décisions de la CTM, Nou Pep La reste vigilant et continuera politiquement à se battre pour la révision de l’arrêté ministériel de 2008 toujours en vigueur. Effectivement, cet arrêté permet à Albioma d’introduire le charbon à tout moment.
Comme Albioma le dit lui même, « les centrales du Groupe (sont) conçues pour fonctionner à partir de combustibles multiples » , sans modification, c’est le cas actuellement partout où ils sont, avec du charbon et de la biomasse-bagasse. Cela dit, introduire du charbon après leurs déclarations et projet biomasse 100% justifié officiellement par le rejet du charbon par la population et les élus, serait un trouble majeur à l’ordre public imputable à Albioma!
Stéphane Arnoux, GRAC Energie de Nou-Pep-La
Centrale Galion 2 : rétablissons les faits
La Tribune intitulée « La CTM peut, si elle le veut, arrêter Albioma » , publiée le 17 octobre dans France-Antilles, contient des informations erronées sinon partiales et trompeuses. La production d’énergie et d’électricité en Martinique est un sujet sérieux et les Martiniquais ont droit à une information exacte et factuelle contribuant à répondre aux questions légitimes qu’ils se posent.
Albioma souhaite donc apporter les précisions suivantes sur son projet de centrale Galion 2 :
1. Contrairement à ce qu’affirme cette tribune, les niveaux d’émissions de particules fines produites par la chaudière Bab-cock de la sucrerie sont, du fait de la réglementation existante, obligatoirement mesurés chaque année par un organisme indépendant.
Une approche raisonnable et transparente de cette question aurait donc consisté à prendre connaissance de ces mesures afin de juger du niveau exact de pollution. Ce n’est, en tout cas, pas révéler un grand mystère de dire que la chaudière de la sucrerie est obsolète avec toutes les conséquences que cela induit sur le respect des normes environnementales.
La proposition d’Albioma est donc que la centrale Galion 2, équipée de dispositifs de traitement des émissions très performants et ultramodernes, se substitue à la chaudière de la sucrerie qu’elle contribuera ainsi à moderniser.
2. Contrairement à ce qu’affirme cette tribune, le projet de centrale thermique au Galion fonctionnera entièrement à la biomasse par conséquent le système de quota de CO2, relatif notamment aux combustibles fossiles, ne s’applique pas à ce projet.
3. Contrairement à ce qu’affirme cette tribune, le contrat de vente d’électricité de Galion 2 n’est assorti d’aucune clause d’efficacité énergétique imposant le recours à la cogénération. Il resterait donc parfaitement valide et viable indépendamment de la fourniture de vapeur à la sucrerie.
4. Contrairement à ce qu’affirme cette tribune, la prime bagasse qui récompense l’utilisation efficace de la bagasse pour la production d’électricité à la Réunion et en Guadeloupe n’est pas instaurée en Martinique, mais si elle l’était, elle bénéficierait aux planteurs de canne à sucre et non à Albioma.
5. Contrairement à ce qu’affirme cette tribune, la centrale ne pourra techniquement pas brûler du charbon car l’installation ne possède pas les équipements pour cela (ni broyeur charbon, ni alimentateurs charbon, ..).
Albioma considère qu’il est essentiel de rappeler que Galion 2, première centrale 100% biomasse de Martinique, favorisera la transition énergétique de l’île vers plus d’énergie renouvelable. Elle permettra d’augmenter de façon significative la stabilité du réseau électrique, au profit de tous les Martiniquais, de réduire la pollution sur le site du Galion et de pérenniser l’activité de la sucrerie à moindre coût pour celle-ci.
Nicolas de Fontenay, directeur des Exploitations aux Antilles – Albioma