Nos vies confinées : « Les femmes accomplissent 70 %, en moyenne, du travail familial et domestique »

La présidente de l’association Parents et féministes, Amandine Hancewicz, a répondu à vos questions.

Amandine Hancewicz, présidente de l’association Parents et féministes et consultante sur l’égalité femmes-hommes pour les collectivités territoriales, rappelle l’influence sociale et la charge mentale qui pèsent sur les femmes au quotidien.

KJR : Comment faire pour avoir une vraie répartition égalitaire des tâches à la maison durant le confinement ?
La question n’est pas si simple. Si on prend un couple hétérosexuel, statistiquement, on a de très fortes chances pour que la personne de sexe féminin fasse 70 % du travail familial et domestique. Pour que cela change et obtenir un 50-50, on doit réunir plusieurs conditions :

un travail intellectuel et émotionnel de la part de la personne qui se trouve lésée : réfléchir, constater une insatisfaction, négocier ;
de l’écoute de la part des deux personnes. Or, on a un double problème avec cela : les hommes ne sont généralement pas éduqués à être dans l’écoute et la parole des femmes est décrédibilisée depuis des siècles ;
pour l’homme, un travail de déconstruction qui implique : primo, un minimum de volonté – il doit accepter de prendre conscience qu’il est privilégié, tout en vivant dans une société qui lui envoie des tonnes de messages qui normalisent ses privilèges – ; secundo, une remise en question de schémas de vie, qui ramène à sa propre histoire d’enfant, celle de ses parents.
Enfin, il faudrait que les hommes aient des modèles d’hommes prenant en charge leur part du travail domestique et que cela soit normal.

Petite mère : Avez-vous un conseil pour initier mon fils aux joies des tâches ménagères ? Faut-il l’obliger à accomplir certaines « corvées » ou lui laisser le choix en essayant de trouver un aspect ludique à la chose ?
Votre enfant, tout comme vous et moi, a le droit de trouver ce travail pesant, inintéressant. Maintenant, demandons-nous les capacités psychomotrices que le travail domestique requiert. Par exemple, mettre son slip et ses chaussettes dans le panier à linge est une tâche réalisable très tôt.

Ce qui est intéressant, c’est d’accompagner nos enfants dans la prise de conscience du travail qu’il y a à faire dans une maison, à la responsabilisation, et au fait de prendre soin de soi, de sa chambre, de respecter le travail de l’autre, en l’occurrence de vous, sa maman.

Louvette : Comment expliquer à mon conjoint qui gagne plus que moi et qui télétravaille que j’ai besoin de lui, que la maison a besoin de lui, sans que cela crée trop de tensions ?
Tout dans notre société est fait pour que les femmes se sentent coupables. Nous sommes inondés d’images de femmes accomplissant tout, avec le sourire de surcroît ! Vous n’êtes pas seule à avoir ce sentiment. Il s’agit d’un problème socialement fabriqué.

Vous pouvez vous appuyer sur les chiffres de l’Insee et de nombreuses études qui disent que les femmes accomplissent 70 %, en moyenne, du travail familial et domestique. Sur l’évolution de cette répartition, on voit aussi qu’elle bouge, en moyenne, très, très lentement. L’Insee fait tous les dix ans une enquête « Emploi du temps ». La dernière étudiait les chiffres de la période 2000-2010. Accrochez-vous : le temps effectué en plus par les hommes était de… une minute par semaine !

Il y a aussi un très beau livre, Notre corps, nous-mêmes, écrit par des femmes (Hors d’atteinte, 384 pages, 24,50 euros), qui aborde ce sujet. Plusieurs femmes partagent leurs stratégies, comme, par exemple, ne pas étendre le linge de l’autre et le laisser moisir.

Side question : Dans les couples homosexuels, observe-t-on une meilleure répartition des tâches domestiques ?

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