Jusqu’au 31 août 2023 au Centre culturel Tangamen, sur le site de Gradis à Basse-Pointe
— Par Jean-Marc Terrine, Commissaire d’exposition —
La ville de Basse Pointe ouvre une ronde culturelle, en collaboration avec la Collectivité Territoriale de Martinique, dans le cadre de la célébration des 110 ans de naissance du poète de la blessure sacrée. Les arts visuels sont de la fête avec une exposition collective autour de six plasticiens martiniquais.
Des formes et des couleurs pour émerveiller le poète.
En effet, Aimé CÉSAIRE n’aimait pas les concepts, ni la raison folle des Lumières et sa langue qui enferme. Corset tricoté, étriqué du signe et du sens qui parlent sans dire. Poète plutôt sensible aux images et au langage polysémique qui chante l’imaginaire : le rythme-flux et les métaphores, l’antipoésie.
Alors, pour célébrer les 110 ans d’enfantement du poète dans sa terre de Basse Pointe, qu’Aimé Eyma tant, une exposition d’art et d’expression du visible et de l’invisible, ne pouvait être que le meilleur cadeau.
Les artistes Catherine CÉSAIRE, Norville GUIROUARD-AIZÉE, René LOUISE, Maïmé MASSOL, Christophe MERT et Ricardo OZIER-LAFONTAINE sont là, avec leurs œuvres. Des installations, des images et des formes qui nous ouvrent le regard et nous font voyager dans les couleurs de la vie. Il fallait donc rester dans l’image, l’analogon et le regard archaïque pour nommer cette exposition dédiée au poète. En effet, « La vue est la voie royale des sens car elle nous mène vers l’ontologie en fixant l’objet perçu à chaque fois dans son ‘’être’’ et son topos, son espace propre. […]
Voir, c’est avoir les yeux ouverts et laisser les impulsions visuelles s’inscrire1». Et effectivement, les impulsions se manifestent par magie quand on parcourt l’œuvre poétique d’Aimé CÉSAIRE. Des impressions surgissent déjà pour nommer l’exposition avec ce premier poème « La roue » qui nous dit : « La roue est la plus belle découverte de l’homme et la seule / Il y a le soleil qui tourne / Il y a la terre qui tourne / Il y a ton visage qui tourne sur l’essieu de ton cou…2 ».
Cette exposition « Noria » tire son nom du titre d’un recueil de poésie, un fragment crépusculaire de l’oeuvre : bien tard, loin d’« au bout du petit matin ». Une recherche, et un aboutissement qui surgit tard dans la nuit de l’oeuvre poétique : à l’âge de 70 ans.
Aimé CÉSAIRE, avant de boucler son dernier recueil de poésie, « Moi, laminaire », a rassemblé son premier jet de poèmes inédits dans un avant-recueil intitulé « Noria ». Pour le poète, ce mot renvoie à une métaphore de la roue archaïque qui va au fond pour « racler les profondeurs et les faire remonter au jour3 » pour trouver la source, la ressource archaïque et la ramener à la lumière pour l’offrir au monde : l’ensemencement, la graine, le mot frais et nouveau : le poème.
« Noria », une exposition collective qui nous plonge donc dans cet univers du poète, autour d’un langage plastique qui se renouvèle, fait d’images et de formes, d’énergie vibratoire et d’impulsions visuelles qui se dégagent : le sensible et le visible, l’imaginaire : le poème.
Une exposition pour ensemencer l’oeuvre et célébrer sa terre de naissance : Basse-Pointe.
Essentiel Conseil • juin 2023 • Photos Madin’ Images
Jean-Marc TERRINE
Commissaire d’exposition
1 Jean-Marie ANDRÉ, A propos de la peinture et de la musique, article cairn.info du 05/08/2018
2 Recueil de poésie « Soleil cou coupé »
3 Aimé CÉSAIRE, Tropiques, entretien avec Jacqueline Leiner, éditions Jean-Michel Place, janvier 1994