— Par Jean-Marie Nol, économiste —
Dans une récente déclaration faite dans un journal de la place, le sociologue Ary Brousillon a pour l’essentiel attribué la montée de la violence chez les jeunes à la précarité sociale et à la pauvreté qui règne dans certaines familles notamment monoparentales. Cependant, cette explication simpliste occulte d’autres facteurs essentiels qui contribuent à ce phénomène alarmant.Il est indéniable que la précarité sociale exerce une pression considérable sur les jeunes, les privant souvent d’opportunités éducatives et professionnelles, et les exposant à des environnements défavorables. Cependant, réduire la violence juvénile à cette seule dimension est réducteur. Un facteur souvent négligé est l’affaiblissement de l’autorité parentale. Dans de nombreux cas, les parents sont confrontés à des défis multiples, tels que le chômage, le stress financier et les conditions de logement précaires, qui compromettent leur capacité à exercer une autorité efficace. Cette fragilité de l’autorité parentale peut laisser les jeunes livrés à eux-mêmes, sans guidance ni supervision adéquate, ce qui favorise l’adoption de comportements violents et d’un phénomène d’abandon aux traffics de substances illicites. C’est là une conséquence de la recherche à tout prix de l’argent facile au détriment de la valorisation de l’effort du travail. Ces jeunes pour la plupart en décrochage scolaire ne veulent pas travailler et là on commence à toucher du doigt le véritable enjeu d’avenir vers une société de plus en plus violente. De plus, l’affaissement des repères éducatifs joue un rôle crucial dans l’absence de la formation initiale des jeunes. Une éducation nationale défaillante peut conduire à une perte de valeurs et de normes sociales, laissant les jeunes dépourvus de repères moraux solides. Lorsque les institutions éducatives ne parviennent pas à transmettre des valeurs telles que le respect, la tolérance et la résolution pacifique des conflits, les jeunes sont plus susceptibles de recourir à la violence comme moyen de résolution des conflits.En fin de compte, la violence des jeunes est un problème complexe qui nécessite une approche multidimensionnelle. Plutôt que de se contenter d’attribuer la responsabilité à la seule précarité sociale, il est impératif de prendre en compte l’ensemble des facteurs qui contribuent à ce phénomène, y compris l’affaiblissement de l’autorité parentale et l’affaissement des repères éducatifs. Pour mieux comprendre les racines complexes de la violence juvénile en Guadeloupe qui vont bien au-delà de la précarité sociale, il faut nécessairement se référer à la responsabilité du modèle économique inhérent à la départementalisation qui a malheureusement produit un phénomène délétère d’assistanat ayant pour conséquence une action désincitative au travail ainsi qu’au goût de l’effort. Oui c’est vrai il faut nuancer la référence à l’assistanat, car elle est un peu réductrice de la situation de précarité, mais cependant peut expliquer beaucoup de travers dans la mesure où aujourd’hui beaucoup de femmes seules élevant des enfants vivent essentiellement des aides sociales et de consommation de production d’oeuvre télévisuelle de type novelas à longueur de journée, alors où est l’exemple de l’autorité du père, du travail, de l’émulation, et du goût de l’effort chez les enfants ?
La montée de la violence chez les jeunes constitue un sujet de préoccupation majeur pour les sociologues et les décideurs politiques mais l’analyse est souvent faussée en raison de l’idéologie marxiste ambiante chez ces intellectuels. Parmi les nombreuses explications avancées, le système colonial, la précarité sociale et la pauvreté sont souvent mises en avant. Cependant, une analyse plus approfondie révèle que ces facteurs ne suffisent pas à expliquer à eux seuls ce phénomène complexe.Il est indéniable que la précarité sociale exerce une pression considérable sur les jeunes, les exposant à des conditions de vie difficiles et à un accès limité aux opportunités éducatives et professionnelles. Cependant, il est important de se rappeler que la violence juvénile ne peut être réduite à un seul déterminant. Une comparaison avec les années 50 et 60, où la pauvreté voire la grande misère dans les campagnes était très répandue, notamment en Guadeloupe, mais où la violence juvénile n’était pas aussi prégnante, remet en question l’idée selon laquelle la précarité sociale est la seule cause de la violence des jeunes.À cette époque, de nombreux foyers étaient monoparentaux, avec de nombreuses femmes seules élevant plusieurs enfants ( d’où l’origine de l’expression la femme poto – mitan). Pourtant, malgré les défis économiques et sociaux des familles, la violence juvénile n’était pas de loin aussi répandue qu’aujourd’hui. Cette observation souligne l’importance de prendre en compte d’autres facteurs économiques, sociaux et culturels dans l’analyse de la violence des jeunes.L’un de ces facteurs est que les jeunes sont souvent confrontés aussi à la discrimination sur le marché du travail, ce qui limite leurs opportunités d’emploi et de mobilité sociale. Cette exclusion économique peut entraîner des sentiments d’aliénation et de frustration, qui peuvent se manifester par des comportements violents, l’autre facteur à prendre en considération est l’évolution des structures familiales et des dynamiques parentales. Alors que les familles monoparentales étaient courantes dans les années 50 et 60, la qualité des interactions parent-enfant et l’autorité parentale étaient souvent renforcées par des réseaux de soutien communautaire familiaux solides. Aujourd’hui, l’affaiblissement de ces réseaux de soutien, combiné à des pressions économiques accrues, peut compromettre la capacité des parents à exercer une autorité efficace et à transmettre des valeurs positives à leurs enfants. C’est là notamment le cas des jeunes issus de l’immigration. Dans de nombreuses sociétés, les jeunes issus de l’immigration sont plus susceptibles de vivre dans des quartiers défavorisés caractérisés par la pauvreté, le chômage et l’insécurité économique. Ces conditions économiques précaires peuvent favoriser la délinquance et la violence comme moyen de survie ou d’expression de la frustration. De plus l’accès limité à l’éducation et à la formation professionnelle est un problème crucial. Les obstacles socio-économiques peuvent entraver l’accès des jeunes issus de l’immigration à une éducation de qualité et à des opportunités de formation professionnelle. Sans les compétences nécessaires pour réussir sur le marché du travail, ces jeunes sont plus susceptibles de se retrouver dans des situations de précarité économique, ce qui peut conduire à des comportements violents.
De plus, l’évolution des médias et de la technologie a eu un impact significatif sur la socialisation des jeunes. L’exposition précoce à la violence dans les médias, ainsi que l’utilisation intensive des réseaux sociaux, peuvent contribuer à normaliser les comportements violents et à altérer les perceptions des jeunes sur la résolution des conflits.Enfin, les politiques publiques en matière d’éducation et d’emploi jouent également un rôle crucial dans la prévention de la violence juvénile. Un système éducatif inclusif et des opportunités d’emploi équitables à partir de la refonte du modèle économique actuel peuvent aider à renforcer le capital économique des jeunes et à réduire les inégalités sociales qui alimentent souvent la violence.En tout état de cause, la violence des jeunes est un phénomène complexe résultant de l’interaction de multiples facteurs sociaux, économiques et culturels.En combinant ces facteurs économiques avec d’autres dimensions sociales, culturelles et politiques, on peut mieux comprendre les raisons de la violence croissante parmi les jeunes, en particulier ceux issus de l’immigration, dans une société mondialisée et en proie à l’augmentation des inégalités sociales et de la pauvreté notamment dans les pays du Sud en prise avec le sous – développement. Alors que la précarité sociale et la pauvreté sont des éléments importants à prendre en compte, une approche d’ordre économique est nécessaire pour comprendre et traiter efficacement ce problème urgent. Ainsi, un modèle économique qui limite le recours excessif à l’assistanat est important pour endiguer la violence des jeunes en favorisant la responsabilisation individuelle, en valorisant l’effort , l’autorité et le respect du travail, en réduisant les inégalités, en renforçant le tissu social et en promouvant la dignité humaine.Un système économique qui favorise la responsabilisation individuelle encourage les jeunes à prendre en charge leur propre avenir et à développer un sentiment d’autonomie et de fierté personnelle. Plutôt que de dépendre excessivement des aides sociales, les jeunes sont incités à rechercher des opportunités d’éducation, d’emploi et de développement personnel, ce qui peut les éloigner des comportements violents liés à la frustration et à l’aliénation héritée de la société post coloniale. L’une des solutions est de valoriser le travail par l’adoption d’un nouveau modèle économique de production. En réduisant la dépendance à l’assistanat, un modèle économique qui valorise le travail productif et la contribution sociale renforce le lien entre l’effort individuel et la récompense. Les jeunes sont encouragés à poursuivre des études, à acquérir des compétences professionnelles et à trouver un emploi, ce qui favorise leur intégration dans la société et réduit les risques de marginalisation et de délinquance.
En investissant dans le renforcement des valeurs familiales, la promotion de valeurs économiques positives et l’amélioration des opportunités pour basculer dans un nouveau modèle économique de production des richesses en Guadeloupe, nous pouvons espérer créer un environnement plus sûr et plus harmonieux pour les générations futures.En investissant dans le renforcement des familles et dans une éducation de qualité avec un retour de l’autorité notamment à l’aide de mesures telles que par exemple l’instauration de couvre feu pour les mineurs. Ce couvre feu ne réglera aucunement le problème de la délinquance des mineurs mais aura l’avantage d’être un facteur important de restauration de l’autorité. Dans ce contexte plus rigide, nous pouvons aussi espérer créer un environnement plus favorable à l’épanouissement des jeunes et à la réduction de la violence dans notre société antillaise.
« PADON PAKA GUERI BOS »
– traduction littérale : le pardon ne guérit pas les bosses…
– moralité : Le pardon ne guérit pas le mal déjà fait !
Jean-Marie Nol, économiste