— Par Max Dorléans pour le GRS —
S’il est bien vrai que nous devons batailler très fermement contre la « réforme » des retraites envisagée par Macron et les siens, parce que celle-ci, dans le prolongement des multiples « réformes » qui l’ont précédée depuis une quarantaine d’années, est injuste et va approfondir les inégalités sociales déjà béantes, il importe en même temps de dire que cette bataille, toute nécessaire qu’elle soit, est insuffisante.
En effet, ne se focaliser que sur la réforme et ses attendus fallacieux – la réforme serait entreprise pour se doter non seulement « d’un système universel de retraite où un euro cotisé donne les mêmes droits, quel que soit le moment où il a été versé, quel que soit le statut de celui qui a cotisé » mais également d’un système qui ne soit pas source à la fois d’inégalités et de conflits à répétition du fait des « 42 régimes de retraite » existants, puisqu’il il n’y aurait « plus besoin de réformes successives, qui changent les règles et sont anxiogènes et sources d’incertitude » – risque de nous faire également passer à côté de l’enjeu fondamental, à savoir la destruction de la Sécurité sociale, cet outil majeur de solidarité collective né en 1945 en France, et 1947 en Martinique.
Car s’il est bien vrai que les arguments invoqués par Macron pour sa « réforme » ont comme justification immédiate servie à la population, l’équité, la justice, la solidarité, la condamnation et le refus des privilèges (de certaines corporations), ne retenir que la lutte contre la réforme à venir, c’est ne voir que l’arbre qui cache la forêt.
En effet, la force des classes dominantes, avec le soutien total de l’Etat, c’est d’avoir pris tout leur temps (de 1945 à 2019), pour liquider pan après pan l’institution, tout en maintenant l’enveloppe.
Car le coup porté contre l’actuel système en place (après les attaques avec les « réformes » de 1993, 1995, 2003, 2010, 2013 qui avaient toutes pour inspirateur, Michel Rocard) se veut être le coup de mise à mort du système actuel de retraite.
Oui il s’agit bien pour Macron, en réformant à sa sauce le système actuel, avec sa politique d’économies et de réduction des dépenses publiques, non seulement de travailler plus longtemps et de tirer à la baisse nos retraites, mais également d’offrir un juteux marché aux assurances et autres mutuelles. C’est-à-dire conforter et augmenter la part des profits dans la richesse produite, et symétriquement de réduire la part revenant aux salarié/es.
Une orientation politique qui est évidemment aux antipodes de l’esprit et des luttes de 1945, où il s’était agi pour l’immense majorité de la population et des classes laborieuses, avec le Conseil national de la Résistance, de sortir de la misère et d’« instituer une organisation de la Sécurité sociale destinée à garantir les travailleurs et leur famille contre les risques de toutes natures susceptibles de réduire ou de supprimer leur capacité de gain… »….ceci dans « un souci élémentaire de justice sociale ».
Rappelons nous que la création de la Sécu est le fruit d’un compromis passé au lendemain de la guerre entre gaullistes et communistes ; que ce compromis, bien que ne satisfaisant pas en totalité pas les intérêts du plus grand nombre, est resté jusqu’à aujourd’hui en travers de la gorge de la bourgeoisie française, et qu’elle n’a eu de cesse, jusque de nos jours, de chercher à la casser.
Lisons de ce point de vue les propos d’un Denis Kessler, patron de Axa et vice-président exécutif du Medef de 1998 à 2002, lorsqu’il déclarait à l’époque : « Le modèle social français est le pur produit du Conseil national de la Résistance. Un compromis entre gaullistes et communistes. Il est grand temps de le réformer, et le gouvernement s’y emploie.
Les annonces successives des différentes réformes par le gouvernement peuvent donner une impression de patchwork…
À y regarder de plus près, on constate qu’il y a une profonde unité à ce programme ambitieux…Il s’agit aujourd’hui de sortir de 1945, et de défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance. »
De quoi avons-nous besoin de plus pour comprendre que les intérêts de Macron, Kessler, Bernard Arnaud, Hayot et autres, ne sont pas nos intérêts. Que le souci élémentaire de justice sociale porté en 1945, est contraire à leurs intérêts et au profit.
L’heure est donc pour nous, à notre mise en ordre de bataille, unitairement et le plus largement possible pour défendre nos intérêts.
Alors, oui d’abord à la lutte immédiate contre la « réforme » des retraites voulue par Macron, sans néanmoins perdre de vue la reconquête et la réappropriation par les salarié/es de la Sécurité sociale, pour son amélioration et son extension dans l’esprit et la lettre des principes de 1945.
Max Dorléans (GRS)