« Noir sur Blanc » de Ketty Steward. Fragments d’une enfance martiniquaise

 

Écrit à la première personne le livre que nous offre Ketty Steward est un récit de vie touchant, drôle et souvent déchirant qui se lit d’une seule traite. La narratrice est née en Martinique dans une famille adhérant totalement aux préceptes d’une petite secte, l’Eglise Adventiste du Septième Jour qui mêle traditions judaïques et croyances chrétiennes. Elle a donc reçu une éducation particulière, un peu à l’écart des coutumes martiniquaises, jugées beaucoup trop païennes. Pas de Carnaval, pas de musique profane, pas de matoutou, pas de Noël, pas de cinéma, toutes ces activités ne sont aux oreilles et aux yeux des Adventistes que des blasphèmes. « La Bible constituait ma seule lecture autorisée. » Le père particulièrement impliqué dans la secte n’en finit pas de négliger son épouse qui lasse d’un tel délaissement finira par se consoler dans les bras d’un voisin. Et c’est le début de la descente aux enfers pour la narratrice. Le premier cercle est l’émigration avec la mère, le frère ainé et le cadet chez la grand,-mère maternelle, la « Sorcière ». Le dernier cercle sera l’emménagement avec le concubin « maternel’ qui se révèlera être un beau-père pédophile et violeur.

Dans chaque épisode on retrouve la description d’une Martinique familière, attachante, celle que nous aimons, celle qui nous fait sourire ou rire. Mais on découvre aussi une Martinique étrange, pour ne pas dire étrangère, totalement acculturée par une pensée, par des modes vie, par des façons d’être d’une secte religieuse d’origine étasunienne. Syncrétisme qui déchire les identités jusqu’à des comportements qui fleurent bon la schizophrénie.

La narratrice ne fait pas l’impasse sur la violence familiale d’une partie de la société martiniquaise dans laquelle les coups, les flagellations tiennent lieu et place de réprimandes. La cruauté de certaines scènes ou de certains récits de contes « antillais » mêlant animisme et christianisme et qui mettent en cause, entre autres, la grand-mère «  Sorcière » est assez incroyable. Il y a une jouissance des adultes à faire le mal.

Le livre est construit comme une suite de séances sur le divan d’un psychanalyste. Les répétitions font progresser le lecteur d’un tour de vis dans le chemin vers ce qui apparaitra comme le dévoilement une « scène originelle » et non pas scène primitive et qui tient lieu de secret de famille d’autant mieux transmis qu’il est tu. Le style est limpide, sans fioriture, en parfait harmonie avec son objectif, non pas la recherche de La Vérité absolue, transcendante, mais la recherche d’une vérité humaine, celle d’un parcours de vie, celui de la narratrice.

M.’A

« Noir sur Blanc » de Ketty Steward. Éditions Henry, collection «  La vie comme elle va » ISBN : 978-2-36469-028-8