Les députés Sylvain Berrios (Val-de-Marne), Bernard Debré (Paris), Patrick Devedjian (Hauts-de-Seine), Guy Geoffroy (Seine-et-Marne), Philippe Gosselin (Manche), Jean-Jacques Guillet (Hauts-de-Seine), Nathalie Kosciusko-Morizet (Essonne), Thierry Lazaro (Nord), Hervé Mariton (Drôme), Patrice Martin-Lalande (Loir-et-Cher), Édouard Philippe (Seine-Maritime), Christophe Priou (Loire-Atlantique), Jean-Sébastien Vialatte (Var) et les sénateurs Gilbert Barbier (Jura), Jérôme Bignon (Somme), Jean-Pierre Grand (Hérault), Michel Heinrich (Vosges), Claude Malhuret (Allier), Louis Pinton (Indre), Hugues Portelli (Val-d’Oise).
Depuis plusieurs semaines déjà, la révision constitutionnelle occupe largement le débat public. Ensemble, nous combattons ce projet inutile et dangereux. Nous dénonçons une manipulation politique, et la désinvolture avec laquelle François Hollande la conduit. Nous regrettons enfin l’effacement du débat à droite sur notre position de vote.
Cette révision est d’abord inutile. Que de temps perdu, d’énergie gâchée! Certes les Français attendent des mesures fortes dans la lutte contre le terrorisme. Mais ni l’état d’urgence ni la déchéance de nationalité ne requièrent une révision constitutionnelle. Tout peut se faire dans la loi. Sur l’état d’urgence, le Conseil constitutionnel a répondu dès 1985 aux objections, et à nouveau en décembre 2015. Les termes mêmes de l’exposé des motifs du dernier projet de loi trahissent une forme de gêne: donner un fondement constitutionnel serait «nécessaire pour moderniser le régime» de l’état d’urgence. On est bien loin du rôle de la Constitution.
La déchéance de nationalité ne requiert pas plus de modification constitutionnelle. Des décisions du Conseil constitutionnel de 1996, puis de janvier 2015, sont venues la conforter. Et l’article 23-7 du Code civil prévoit déjà que «le Français qui se comporte de fait comme le national d’un pays étranger peut, s’il a la nationalité de ce pays, être déclaré par décret […] avoir perdu la qualité de Français».
Inutile, donc, cette révision est aussi dangereuse. Tout le monde s’accorde à dire que la déchéance de nationalité ne sert à rien. Et chacun répète qu’il s’agit surtout d’un «symbole». En effet: en inscrivant dans la Constitution une distinction entre les Français uni-nationaux et binationaux, on envoie aux derniers un signal de défiance. Voilà finalement le seul effet de cette mesure: un symbole oui, mais pas celui qu’on croit!
«Les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires»: cette citation de Montesquieu, souvent reprise, trouve ici tout son sens. Les Français attendent de l’action. Sur le front du terrorisme, mais aussi sur celui de l’emploi et des réformes. Or on les amuse avec des polémiques stériles. Le président de la République devrait être le gardien de nos institutions et de la cohésion nationale. Il joue avec les premières et abîme la seconde. Et finalement faillit à ces deux responsabilités.
Nous ne lui prêterons pas main-forte. La Constitution n’est pas un panneau électoral où chacun vient inscrire ses slogans. Certains à droite voudraient refermer le débat, au motif des déclarations passées des uns et des autres. C’est oublier les motifs qui avaient par la suite conduit les mêmes à renoncer. De toute façon à cet argument, nous préférons ceux de notre conscience et de notre responsabilité. Nous voterons contre la révision constitutionnelle, et appelons les parlementaires qui partagent notre analyse à en faire autant.