Nicaragua : Lettre ouverte pour la libération de Dora María Téllez

Depuis juin 2021, Dora María Téllez, figure emblématique de la révolution sandiniste et dirigeante politique de l’opposition nicaraguayenne à la dictature Ortega-Murillo, est enfermée dans des conditions inhumaines et torturée dans la tristement célèbre prison de El Chipote, tout comme plus de 30 autres personnes prisonnières politiques. Elles seraient plus de 200 en tout, réparties dans différentes prisons du pays.

Militante politique, intellectuelle, titulaire d’une maîtrise en histoire du Nicaragua, Dora María Téllez a été reconnue au niveau national et international pour ses publications et son activisme politique civique en faveur de la démocratie.
L’université Sorbonne Nouvelle de Paris lui remettra le 28 novembre 2022 un doctorat honoris causa en hommage à son « exceptionnelle trajectoire politique et scientifique, et pour ses contributions au progrès social international », selon la lettre que l’université a remise à sa famille en mai 2022.
Á cette occasion, nous, universitaires, responsables et militant·es politiques, syndicaux·ales et associati·ves et citoyen·nes engagé·es demandons sa libération et qu’elle puisse se rendre à Paris pour recevoir en main propre son diplôme de doctorat, tout comme nous demandons la libération de l’ensemble des autres prisonnier·ères politiques nicaraguayen·nes.

DORA MARÍA TÉLLEZ EST LARGEMENT RECONNUE POUR SON OPPOSITION À LA DICTATURE D’ORTEGA-MURILLO. ELLE A DÉNONCÉ LA NATURE AUTORITAIRE ET ANTIDÉMOCRATIQUE DU GOUVERNEMENT ET SON RECOURS À LA RÉPRESSION.

Lettre ouverte pour la libération de Dora María Téllez, prisonnière de la dictaure Ortega-Murillo

Dora María Téllez est l’une des principales figures de la lutte pour la démocratie et la justice sociale au Nicaragua depuis plus de quarante ans.
À l’âge de 20 ans, elle a rejoint le
 Front sandiniste de libération nationale (FSLN) dans la guérilla contre la dictature de Somoza et a codirigé la victorieuse opération de la prise du Palais national du Nicaragua qui a conduit à la libération des 60 prisonnier·ères politiques de l’époque.
À l’âge de 23 ans, elle a dirigé l’offensive pour prendre León, la première ville libérée du pays.
Après le renversement de la dictature de Somoza, elle a été 
vice-présidente du Conseil d’État (pouvoir législatif), députée et ministre de la Santé, remarquée pour la transparence et l’efficacité de son administration.
En 1995, en raison de la 
dérive autoritaire du FSLN, elle l’a quitté. Á la fin de son mandat de députée, elle a fondé le Mouvement de rénovation sandiniste (MRS), devenu aujourd’hui UNAMOS, avec Sergio Ramírez Mercado, ancien vice-président du Nicaragua et écrivain, actuellement en exil.
Dora María Téllez est largement reconnue pour son opposition à la dictature d’Ortega-Murillo. Elle a dénoncé la nature autoritaire et antidémocratique du gouvernement et son recours à la répression. Depuis l’explosion de la protestation citoyenne d’avril 2018, le gouvernement a utilisé la force pour écraser ce mouvement de protestation.
Pour la seule année 2018, on estime que 
355 personnes ont été tuées par les forces de l’ordre et les paramilitaires alliés. Et près de 130.000 personnes ont dû prendre la route de l’exil. Ces violations des droits humains ont été documentées par des organisations de défense des droits humains telles qu’Amnesty International, la FIDH, la CIDH de l’OEA, OACNUDH et le Conseil des droits de l’homme des Nations unies.
Le 13 juin 2021, alors que les forces d’opposition se préparaient à participer aux 
élections du 7 novembre 2021, Dora Maria Téllez a été violemment arrêtée à son domicile.
En février 2022, en application de lois 
ad hoc conçues par la dictature, elle a été accusée et jugée sous le crime présumé d’ « atteinte à l’intégrité nationale et de conspiration ». Cette loi a été utilisée pour juger, sans procédure régulière, plus de 90 prisonnier·ères politiques précandidat·es à la présidence, paysan·nes, étudiant·es, responsables politiques, religieux et de mouvements sociaux, hommes d’affaires, militant·es et journalistes, entre autres.
Les conditions dans lesquelles Dora María Téllez, 66 ans, est emprisonnée ne violent pas seulement ses droits, elles mettent également s
a vie en danger. Pendant les 470 premiers jours de sa détention en isolement, Dora María Téllez a reçu des visites de sa famille tous les 45 jours, ses parents ont pu constater sa perte de poids dramatique.

CES CONDITIONS DE DÉTENTION SONT PARTAGÉES PAR LES PLUS DE 200 AUTRES PRISONNIE•ÈRES POLITIQUES DÉTENU•ES DANS LES DIFFÉRENTES PRISONS.

Elle est maintenue constamment dans l’obscurité, de jour comme de nuit, sans soins médicaux et elle reçoit une alimentation insuffisante.
À la mi-septembre, elle a entamé une 
grève de la faim, geste extrême de protestation, pour demander la fin du régime d’isolement dont elle et ses codétenu·es font l’objet. Dora María Téllez réclame son droit et celui de tous les prisonniers d’avoir accès à la lecture, et demande également qu’on lui permette de signer un pouvoir afin que sa famille puisse percevoir sa retraite.
Ces conditions de détention sont partagées par les 
plus de 200 autres prisonnie·ères politiques détenu·es dans les différentes prisons.
Pour ces raisons, et en raison du risque pour la vie de Dora María Tellez, nous demandons que 
les règles minima établies par les Nations unies pour le traitement des prisonnier·ères politiques, connues sous le nom de « règles Mandela », lui soient appliquées immédiatement ainsi qu’à tous les prisonnier·ères politiques.
Nous demandons que les organisations de défense des droits humains, la Croix-Rouge internationale et la commission d’experts indépendants des Nations unies, élue par le Conseil des droits de l’homme des Nations unies, aient 
accès à la prison d’El Chipote et à toutes les autres prisons et postes de police du pays.

Nous demandons la libération immédiate de Dora María Téllez et de l’ensemble des autres prisonnier·ères politiques nicaraguayen·nes, par l’annulation de leurs procès fallacieux et illégaux.

JE SIGNE L’APPEL

A l’initiative du Collectif de Solidarité avec le Peuple du Nicaragua (CSPN) et avec le soutien de CCFD-Terre solidaire, Comité Nicaragua Occitanie (CNO), France Amérique Latine (FAL), Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH), SOS Nicaragua France, ainsi que du Syndicat National des Journalistes – CGT et de l’Union syndicale Solidaires.

Premiers signataires : Sylvie Bukhari de Pontual, présidente de CCFD-Terre solidaire ; Franck Gaudichaud, président de France Amérique latine ; Christian Mahieux, membre de l’Union syndicale Solidaires ; Florent Maraux, membre du Comité Nicaragua Occitanie, président ; Jimena Reyes, membre de la Fédération internationale des droits de l’homme (responsable Amériques), Christian Tutin, président du Collectif de solidarité avec le peuple du Nicaragua, Emmanuel Vire, membre du Syndicat national des journalistes-CGT.

Ainsi que : Monica Baltodano, ancienne commandante sandiniste, exilée ; Olivier Besancenot, ancien candidat à l’élection présidentielle ; Thierry Bodson, président de la Fédération générale du travail de Belgique ; Cuauhtemoc Cardenas, ancien candidat à la présidence de la République mexicaine ; Leïla Chaibi, eurodéputée La France insoumise (LFI) ; Bernard Duterme, directeur du CETRI-Centre tricontinental ; Marc Dufumier, professeur honoraire, AgroParisTech ; Marie-Laure Geoffray, maîtresse de conférences en science politique, Sorbonne Nouvelle ; Clémence Guetté, députée (LFI) du Val-de-Marne ; Michael Löwy, sociologue, directeur de recherche émérite au CNRS ; Gustave Massiah, ingénieur économiste, Centre de recherches et d’initiatives de solidarité internationale (Cedetim) ; Susan Meiselas, photographe, présidente fondation Magnum ; Jean-Luc Mélenchon, ancien candidat à l’élection présidentielle ; Denis Merklen, directeur de l’Institut des hautes études de l’Amérique latine ; Raymonde Poncet, sénatrice du Rhône (groupe Ecologiste, Solidarité et Territoires) ; Pierre Salama, professeur émérite, université Sorbonne-Paris-Nord.

La liste complète des signataires