Négociations secrètes au temps de l’apartheid

— Pierre Barbancey —

plot_for_peaceUn film troublant sur le rôle de Monsieur Jacques, que l’on retrouve au cœur de toutes les discussions entre l’Afrique du Sud blanche et les pays qui la combattaient.

Plot for Peace, documentaire de Mandy Jacobson et Carlos Agullo. Afrique du Sud. 1 h 24. L’homme, assez enveloppé, tire sur son cigare comme un Jacques Vergès. La bouille rondouillarde comme ses lunettes, il manie des cartes à jouer. Une patiente réussite au symbolisme un peu appuyé, il est vrai. Et comme le célèbre avocat, sa vie recèle des parts d’ombre. La différence est que cet homme, un temps surnommé Monsieur Jacques, qui s’appelle en réalité Jean-Yves Ollivier, a décidé ou en tout cas accepté de dévoiler ses activités dans les années 1980 qui l’ont conduit dans de nombreux pays du continent africain, notamment l’Afrique du Sud.

Plot for Peace, littéralement Complot pour la paix – on appréciera l’oxymore –, est un documentaire donc sur le parcours de Monsieur Jacques. Réalisé par Mandy Jacobson et Carlos Agullo, le film a bénéficié du concours de Stephen Smith, longtemps journaliste en charge de l’Afrique pour deux quotidiens français. Cette Afrique des années 1980 est le théâtre d’affrontements qui mêlent encore combats de libération nationale, luttes pour faire vivre les indépendances et puis, bien sûr, des affrontements dus à la guerre froide. Dans le Cône Sud de l’Afrique, où la lutte contre l’apartheid, engagée par l’ANC, prend en ces années une nouvelle tournure, les townships s’embrasent.

Et Monsieur Jacques dans tout ça ? Cet homme d’affaires, qui explique avoir œuvré pour l’Algérie française dans sa jeunesse, comprend que « ce système ne pouvait pas survivre ». Son objectif devient alors non pas « d’aider à sa destruction » mais que « cette mort de l’apartheid n’entraîne pas la mort de la communauté blanche ». Nous allons le suivre, images d’archives et interviews de différents protagonistes à l’appui, dans des négociations improbables et pourtant réelles. « Pik » Botha, ancien ministre des Affaires étrangères, parle beaucoup tout comme Denis Sassou-Nguesso, toujours président du Congo-Brazzaville. On aperçoit Fidel Castro, on entend Chester Crocker, en charge de l’Afrique auprès de Reagan qui avoue : « La vraie raison (de ces négociations – NDLR) est que l’Afrique australe est le golfe Persique des minéraux non combustibles. » Tout est dit. Car, dès le début des années 1980, dans un pragmatisme bien connu, les États-Unis ont compris qu’il faudrait composer avec des pays non acquis à leur cause.

 

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