Madinin’Art a déjà publié une longue critique de cette pièce par Hélène Lemoine qui dit déjà beaucoup de choses. Elle s’ouvre sur un « verdict sans appel : un texte pauvre, une intrigue fragile laissant un goût d’inachevé », nuancé néanmoins grâce à quelques « moments d’humour grinçant et d’incivilité ». De fait, les spectateurs interrogés à la sortie de la représentation à la Martinique ont confié s’être pas mal ennuyé. Et pourtant la salle a chaleureusement applaudi.
Ces réactions contradictoires sont bien à la mesure d’une pièce dont on ne peut que saluer les bonnes intentions comme l’engagement des deux comédiens, tout en déplorant l’absence d’intrigue et les longueurs, en particulier au début où une cliente des services sociaux s’efforce d’obtenir une réponse à propos du versement de son RSA, réponse qu’elle n’obtiendra (évidemment) pas de la part d’un employé plus intéressé à corriger les fautes de français que de réparer les anomalies du dossier. Le principe, valable tout au long de la pièce, est en effet celui des échanges téléphoniques.
La pièce s’améliore ensuite avec deux scènes effectivement plus humoristiques : une émission des radios de nuit où les auditeurs confient leurs difficultés sentimentales ; le sondage à distance. La première scène développe une bonne idée : l’auditeur, agriculteur dans une petite localité guyanaise, profite de la parole qui lui est donnée pour faire campagne en vue des prochaines élections municipales au lieu de s’étendre sur ses éventuelles peines de cœur. Hélas, il s’y mêle des considérations sur l’agriculture « raisonnée » et sur les difficultés des paysans guyanais qui deviennent vite pesantes pour les spectateurs, toutes justifiées qu’elles puissent être par ailleurs.
Dans la seconde, la plus drôle, l’homme interrogée par un institut de sondage sur ses préférences en matière de sport fait durer les questions comme à plaisir, d’autant qu’il a en face de lui une interrogatrice qui accepte de jouer le jeu. Si la chute nous prend au dépourvu, cela n’efface pas tout à fait les longueurs de cet entretien-ci aussi.
À l’exception de la séquence du sondage qui ne cherche pas à nous convaincre de quoi que ce soit, Ne quittez pas est à ranger dans la catégorie des pièces à message (le sort des pauvres, les difficultés des agriculteurs et, dans les deux cas, la dureté des administrations chargées de leur venir en aide). Et, certes, profiter du théâtre pour délivrer des messages est une tradition depuis l’Antiquité. Reconnaissons malgré tout que les intrigues et les questions posées par les tragédies grecques – pour ne citer qu’elles – sont autre chose.
Cette pièce écrite et mise en scène par Maud Galet Lalande, qui a bénéficié de très nombreux soutiens tant pour l’écriture que pour la production (voir l’article pré-cité), est interprétée par Gaëlle Héraut et Philippe Lardaud. Mention particulière pour les lumières de Vincent Urbani.
Ne quittez pas [s’il vous plaît], Fort-de-France, Tropiques-Atrium, 19 avril 2024.