— Par Olivier Chartrain —
Créée dès 1964, l’association Nature & Progrès n’est pas la gardienne du temple de la bio. Elle en promeut une vision exigeante, globale, qui ne se réduit pas au marché. Une vision… progressiste.
On a souvent vite fait de leur coller une étiquette « d’intégristes » de l’agriculture biologique, voire de râleurs désireux, selon qui parle, du retour au Moyen- ge ou à l’âge des cavernes… Une étiquette abusive et même franchement fausse, mais que leur implication dans tous les combats de ces 20 dernières années contre les biotechnologies en général et les OGM en particulier, n’a fait que renforcer. Pourtant, depuis 50 ans que l’association existe, Nature & Progrès a joué un rôle majeur dans l’émergence et le développement, dans la France de la « révolution verte », de cette agriculture qui refuse le recours à la chimie. Ou plus précisément, à la chimie de synthèse.
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1964. C’est la France des « Trente glorieuses » et sa frénésie de consommation, après les années de privation de l’Occupation et de rationnement, encore longtemps après la Libération. La volonté de l’ensemble des forces politique du pays d’assurer sa souveraineté alimentaire va transformer en profondeur l’agriculture française. C’est le temps de la mécanisation, du remembrement, de la chimie qui, en quelques poignées d’années, décuplent le potentiel agricole – énorme – de la France et lui permettent, à terme, de devenir une des principales sources de d’exportations (et donc de devises) de notre économie.
Rares sont alors ceux qui envisagent de possibles conséquences négatives de cette évolution. Plus rares encore sont ceux qui s’en inquiètent. C’est pourtant cette vision, dont on mesure aujourd’hui avec acuité la pertinence, qui va présider à la création en 1964 par quelques paysans bien sûr, mais aussi artisans, consommateurs ou intellectuels, de Nature & Progrès, qui se fixe pour objectif de promouvoir et organiser une agriculture respectant l’équilibre de la nature et des systèmes agraires tout en renonçant aux intrants de synthèse, source de pollutions potentiellement dangereuses pour l’homme et la nature.
INSCRIRE L’AGRICULTURE DANS UNE RÉFLEXION GLOBALE
La démarche à l’époque n’a rien d’évident. On connaît l’histoire : la fin des années 60 et les années 70 seront, dans le sillage de mai 68, celles du « retour à la terre »… avec des réussites diverses. à tort ou à raison, le mouvement
bio est souvent rejeté à la marge de l’agriculture. Mais il se développe, s’enracine et finit par gagner une reconnaissance institutionnelle. Dès 1978, c’est la création de la FNAB (Fédération nationale de l’agriculture biologique) et de la marque « Biofranc ». Le 4 juillet 1980, la loi d’orientation agricole reconnaît et caractérise la bio comme agriculture « qui n’utilise pas de produits chimiques de synthèse ». En 1991, c’est la reconnaissance européenne avec le premier règlement bio, la création de l’organisme de contrôle Ecocert et, deux ans plus tard, de la marque AB – gérée par le ministère de l’Agriculture. Les réseaux de distribution aussi s’organisent, notamment avec les Biocoop.
Mais pour les pionniers, cette institutionnalisation de la bio est aussi une dénaturation.
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