— Par Alvina Ruprecht —
Texte de Nathaly Coualy avec la collaboration de Pascal Legitimus
Interprété par Nathaly Coualy
Mise en scène de Juliette Moltes
Au Théâtre Côté Cour
Lumières : Julien Lambert
Décor Thierry Derivot
Nathaly Coualy
Oui, le titre de la pièce est le nom de la comédienne – Nathaly Coualy- que nous avons vue pour la première fois en Avignon « off » (2008) au théâtre de la Chapelle du verbe incarné où elle a joué la copine blonde du mari volage (interprété par Philippe Calodat) dans Projection Privée, sur un texte de Rémi de Vos mis en scène par Greg Germain. Dans sa prestation récente, Nathaly, redevenue semblable à elle-même (car elle n’est pas blonde), nous fait un monologue « confession » qui vire vite au « stand up » interactif, profitant ainsi d’une petite salle (60 places?) où la disposition salle-scène invite les échanges intimes.
Ce spectacle serait une version retravaillée (avec Légitimus) d’un monologue (intitulé Seule), présenté l’année dernière. Cette fois-ci, l’idée était justement de réduire les artifices d’un spectacle théâtral pour créer l’illusion d’une rencontre entre un public qui tient lieu de psychiatre, voire de psychanalyste, et la comédienne. En effet, Mlle Coualy est à peine maquillée. Elle porte un ensemble foncé discret, les cheveux coupés très court, rien de remarquable dans la présentation. Elle a l’allure belle, raffinée et même un peu timide. Quelques accessoires dans l’espace de jeu : deux petites tables recouvertes de livres nous portent à penser que ce sera peut-être une discussion littéraire, ou du moins une rencontre spirituelle et intelligente. La curiosité est piquée! . . Mais on va être détrompé car ce n’est pas du tout ce qui nous attend.
Le début était plutôt prometteur. Sur le petit espace intime du théâtre Côté Cour, effectivement caché au fond d’une cour à deux pas du Métro Parmentier, Mlle Coualy annonce à brûle pourpoint qu’elle a essayé de tuer son père! Meurtre symbolique bien sûr mais geste fondamental des enfants, selon Freud. Nous sommes donc sur la voie d’une recherche de soi essentielle et il va sans dire que les possibilités étaient infinies étant donné le contexte dans lequel l’auteure situe sa « réflexion ». Cependant, ce voyage intérieur devient vite un monologue racoleur. Il est appauvri sur le plan du texte; il est sans attrait particulier sur le plan scénique. Au départ ce père est un amas de stéréotypes qui pourraient rassurer une salle plutôt jeune et peu intello, en confirmant leurs idées reçues sur les hommes, le mâle antillais en particulier. Séducteur, beau, bon danseur, etc., il est aussi celui qui a toujours dénigré et découragé sa fille, à tel point qu’elle a fini par se méfier des hommes et par ne plus pouvoir se contenter d’un partenaire qui présenterait le moindre défaut. Elle est à la recherche de l’homme idéal, recherche piégée au départ car un tel animal n’existe pas, raison de plus pour ne pas s’en encombrer et finir par avoir confiance en ses propres capacités, ses propres mérites. « Je suis une chieuse » déclare-t-elle à la fin, parce qu’elle se suffit à elle-même et surtout parce qu’elle ne correspond pas au moule des femmes banales, étant donné ses origines multiethniques. Si les mâles antillais ont leurs particularités qui sont surtout des stéréotypes, voilà sa « particularité » à elle : ses origines multiples, qu’elle a apprises à valoriser dans sa lutte contre une présence masculine qui a failli écraser son esprit de révolte. Le costume afro-indo-sino-hispano-antillais qu’elle dévoile dans les derniers moments du spectacle symbolise bien l’énigme identitaire dans laquelle elle prétend se trouver.
Il faut dire que la comédienne est lumineuse et séduisante mais c’est le texte qui m’a gênée. Le show comporte un série de sketchs qui font l’inventaire de toutes les faiblesses des amants et à partir de ces situations, l’auteur construit une suite de banalités et de stéréotypes qui sont presque sans intérêt.
Il est évident que le père gros mâle macho rôde toujours dans son paysage psychique et nous ne savons pas si elle essaie vraiment de se débarrasser de lui ou si elle cherche plutôt celui qui pourrait le remplacer. Une remise en question psychologique, par l’ironie et l’autodérision aurait pu aller très loin ici mais les auteurs ont préféré rester au niveau du déjà vu, des facilités, des remarques sur le sexe racoleuses plutôt primaires simplistes. Même s’il est vrai que le personnage finit par se rendre compte qu’elle n’a pas besoin d’un homme pour se définir, cette prise de conscience épiphanique émerge de la vieille leçon féministe qui a fait son apparition il y a des décennies. On pourrait donc dire que ce monologue nous transporte quarante ans en arrière par rapport à la condition de la femme de sorte que sans une théâtralisation pétillante et originale, sans une distanciation ironique, le message rate sa cible.
Ce qui me déçoit autant que le texte, est la manière dont le metteur en scène et la comédienne elle-même ont essayé de couler « Nathaly » dans un moule qui ne lui convient pas du tout. Atteindre une forme d’intimité théâtrale avec ce genre de texte nécessite malgré tout une grande force scénique, une énergie toute particulière et un pouvoir de mimique très fort. Mlle Coualy n’a pas du tout ce genre de présence scénique. Certains peuvent faire passer la vulgarité et la rendre drôle par leur seule présence corporelle. Mais ici, la jeune comédienne est débordée par le texte. Elle n’a pas su créer un personnage solide dans le contexte de ces expériences très physiques qui exigeaient une agressivité mordante teintée d’ironie et d’auto-critique. Mlle Coualy est trop bien élevée, elle a trop de classe pour ces mots qui sortent de sa bouche. . Toute sa présence physique suinte la délicatesse, la subtilité et la profondeur des émotions. Elle est la femme diaphane qui passerait mieux dans une pièce de Harold Pinter par exemple, ou dans une mise en scène de José Exélis. De toute manière, ce qu’elle fait actuellement ne lui rend absolument pas service et la mise en scène n’a rien arrangé, au contraire. .
En fin de compte, ce monologue est un scénario/texte d’une faiblesse navrante, propre à faire rire les gens qui cherchent un divertissement facile, un théâtre stand up qui a certainement sa place surtout lorsqu’il est assumé par des maîtres d’humour tel que Jamal qui seraient capable de se lancer dans le délire scénique que le texte nécessite, mais il ne permet pas à cette jeune comédienne de faire épanouir ses talents.
Alvina Ruprecht
Paris, janvier 2009
À l’âge de 18 ans, Nathaly Coualy quitte la Guadeloupe, son île natale afin de démarrer sa carrière de mannequin. Elle reprend ses études à New York City University (USA) et entame une formation de journaliste animatrice, qu’elle exerce à Paris sur France 5, M6, M6 Music….Une nouvelle vocation en entraînant une autre, elle écrit son premier One woman show « Seule », sous le regard de Jean-Claude Dreyfus (Acteur). Après avoir présenté « Seule ! » au Moloko, remarquée par Rire et Chansons, elle participe au Festival du Rire à Saint Martin en Mai 2007. C’est D’ de Kabal (rappeur-slameur) qui la met en scène. Elle s’essaye à une nouvelle adaptation de son texte en octobre 2008, au Mélo d’Amélie. Nathaly joue Matadô, aux côtés de Stomy Bugzy, Jacob Desvarieux et Gunther Germain dans « Matadô », le moyen-métrage réalisé par Line B, d’après une nouvelle de Migele Montlouis-Félicité. Elle fait une courte apparition dans le rôle de Béatrice, sur France Ô, dans « La Baie des Flamboyants ». Le grand écran l’invite dans le rôle de Sonia aux côtés d’Elsa Zylberstein dans le film de Jean-Marc Moutout, « La fabrique des sentiments » (sortie Fevrier 2008). En Juillet 2008, elle joue le rôle de « La fille » dans une pièce de Remi de Vos, « Projection Privée », aux côté de Firmine Richard et Philippe Calodat, mise en scène par Greg Germain, à La Chapelle du Verbe Incarné (TOMA) au Festival d’Avignon. C’est avec Pascal Légitimus qu’elle décide de s’associer pour donner un nouveau souffle à son spectacle, mêlant humour et émotion. (RFO)