« Nannetti, le colonel astral », texte, jeu et m.e.s. Gustavo Giacosa

— Par Michèle Bigot —

Voilà une révélation comme on en voit parfois (souvent?) au festival off d’Avignon. Certes ce n’est pas une création pour Avignon, puisque la compagnie SIC12 n’en est pas à son coup d’essai. Elle s’est fait une spécialité de produire sur le plateau les plus fortes manifestations de l’art brut. SIC12 est une plateforme multidisciplinaire installée à Aix-en-Provence qui regroupe une diversité de productions, théâtre, musique, exposition. Ainsi Nannetti, colonel astral s’est déjà produit à la Manufacture d’Aix-en -PRovence, en lien avec l’exposition Ecritures en errance..

Il s’agit d’un long poème musical inspiré des écritures murales réellement effectuées par Oreste Fernando Nannetti sur les murs de l’hopital psychiatrique de Volterra. A l’heure de la promenade, Nannetti grave sur les murs de pierre ses divagations à l’aide de la pointe métallique de la boucle de son gilet, produit un texte sublime, entre rêverie et élaboration poétique. Le quotidien de l’enfermement s’efface alors devant les images cosmiques produites par l’imagination. La vidéo permet de prendre la mesure de ce texte gravé. Le comédien Gustavo Giacosa fait de Nannetti un poète inspiré, un clown solaire, astral (son nez rouge en carton donne le ton). Le texte lui-même est stupéfiant de force poétique. Tour à tour évocation de l’univers astral, divagation au gré des fantasmes et d’une aspiration à la beauté idéale, le texte gravé n’en reste pas moins une véritable élaboration langagière. La force des images le dispute à la virtuosité lexicale. Tel un poète des temps modernes, Nannetti voyage sur les sonorités du vocabulaire, laisse entraîner sa voix dans des jeux de sonorité, tout un faisceau d’associations lexicales dignes des maîtres du langage.

Giacosa s’empare du corps de Nannetti, le transcende par la puissance et la variété de son jeu: il est un clown, il est un acrobte, un danseur, un mime, un poète. La souplesse de sa gestuelle, ses métamorphoses superbes suffisent à créer le spectacle. On sent qu’il a été à bonne école, fidèle disciple de Pippo Delbono. Tour à tour, patient en souffrance lisant la correspondance pathétique de Nannetti à sa famille (on ne peut s’empêcher de penser à Camille Claudel), clown acrobate pliant son corps à la tourmente de sa pensée, poète inspiré par l’au-delà, artiste de cabaret en mal de drag queen, tout est bon pour emporter coprs et âme par delà les murs de l’H.P. Le piano jazz de Fausto Ferraiuolo s’accorde pleinement au mouvement du comédien en un dialogue accompli. Epousant les méandres des émotions de Nannetti, il crée une musique tour à tour violente et discrète, toujours sensuelle et en plein accord avec le jeu et le texte.

Le tout forme un spectacle d’une rare puissance, bouleversant au point que le public de la chapelle du Théâtre des Halles en sort transporté. Voilà ce qu’il ne fallait pas rater et qu’on retrouvera sans aucun doute sur les scènes de l’hexagone ou dans un périple européen.

Michèle Bigot

musique originale interprétée sur scène Fausto Ferraiuolo

Festival d’Avignon off 2024

Théâtre des halles

Photo : ©Vincent Bérenger

Nannetti , le colonel astral a voir au Théâtre des Halles (Avignon), du 26 juin au 21 juillet, à 16h30 (relâche les mercredis 3, 10 et 17 juillet).
Mise en scène et dramaturgie Gustavo Giacosa / Interprtation Gustavo Giacosa et Fausto Ferraiuolo / Son et vidéo Fausto Ferraiuolo / Lumière et régie lumière Bertrand Blayo / Musique originale interprétée sur scène Fausto Ferraiuolo / Rédaction et régie surtitrage Alessandra Rey.