Mutsamudu sous les balles

— Par Eddine Mlivoindro —

Qu’est-ce qui se passe à Anjouan ? Seuls les instigateurs d’une opération apparemment bien organisée et qui poursuit sa propre logique, peuvent répondre à ce qui se profile comme le début de résistance.

Mutsamudu s’est réveillée ce lundi matin sous les crépitements des kalachnikovs et autres armes à feu. Les fidèles se rendant à la prière de l’aube ont été les premiers témoins des barricades dressées le long de la route du littoral. Ces scènes épisodiques n’auraient ébranlé la foi des fidèles s’ils n’étaient aggravés de tirs sporadiques dont il était difficile à cette heure matinale, de déterminer l’origine et la cible.

Les rues se vidaient au fur et à mesure que le jour se levait et que se confirmait la présence de barricades dans une grande partie de l’île. Scènes de ville morte à Mutsamudu. Aucune administration ouverte, les élèves sont restés à la maison et les taxis brousses n’ont pas pris la route vers le chef-lieu. Même les badauds, généralement attirés par ces situations de confusion, se montraient prudents devant ce face à face inattendu entre les éléments du PIGN lourdement armés et ceinturant la ville à bord de leur pick-up et des insurgés retranchés dans l’inaccessible Médina de Mutsamudu.

QUI SONT CES INSURGÉS? QUELLES SONT LEURS MOTIVATIONS ?

Aucune revendication connue. Aucune déclaration permettant de répondre à ces questions pourtant sur toutes les lèvres. Dans cette confusion armée, seules les rumeurs ont droit de cité. «Ce sont des jeunes venus de toutes les îles», se hasardent les commentaires. Certains vont jusqu’à décrire des « gaillards cagoulés et bien décidés à en découdre ». Mais avec qui ?

L’ampleur des barricades qui auraient bloqué une partie de l’île, fait penser à un mouvement bénéficiant de l’adhésion ou tout au moins de la complicité d’une grande partie des Anjouanais. Mais c’est surtout l’impression d’une action organisée, y compris pour repousser les assauts des forces de l’ordre, qui fait croire à une opération de résistance qui n’a rien de spontané. Si les habitants de la ville sont circonspects, aucune critique n’est ouvertement formulée contre une opération surprise qui a paralysé brusquement toute l’île. Discrètement, les quelques regroupements spontanés qui tentent de se rapprocher du carré qu’occupent les insurgés, ne cachent pas une sympathie prudente envers ce qu’ils perçoivent comme un début de traduction concrète d’une contestation qui n’arrive pas à prendre forme, contre l’arbitraire décrié du régime. Ce n’est donc pas un hasard si l’on ait déjà baptisé cette action « JE URIYAWO », comme pour s’approprier un slogan populaire que le pouvoir avait pris à son compte pour défier ses adversaires.

Plus les heures passent, plus les avis sont mitigés sur l’issue de cette action. Il y a ceux qui craignent une offensive des forces de l’ordre qui pourraient déboucher en cas de reprise en main de la situation, à un durcissement de la répression. En face, ceux qui espèrent que la résistance opposée par ces insurgés, fassent changer la peur de camp. Pour l’instant, rien n’est terminé.

Par Eddine Mlivoindro

20h: Couvre-feu à Mutsamudu

La population anjouanaise a pris tout le monde de court. La nuit du dimanche à lundi, plusieurs axes routiers de l’île sont barricadés. Un affrontement entre civils armés et militaires s’est déclenché.

Par TM

Situation préoccupante dans l’île d’Anjouan. L’opinion a certainement dû croire que le pouvoir central avait déjà remporté le combat, en privant qui à Anjouan son tour de la présidence tournante en 2021. Loin de là. Si une bataille est gagnée notamment l’organisation du référendum tant contesté, l’incertitude, quant à elle, semble se profiler, avec ces troubles qui éclatent. En effet, après un si long silence de tombe, des individus envahissent les rues et affrontent les forces de l’ordre. Le matin de ce lundi, des arbres sont coupés pour bloquer les voies publiques. Ce qui est frappant, c’est que loin d’être improvisés, les manifestants ont attendu de pied ferme les militaires. C’est dans la médina de Mutsamudu, la capitale anjouanaise, que des échanges de tir ont eu lieu.

Hormis cela, les forces publiques ont fait usage de gaz lacrymogène et matraque sur des civils, parfois qui n’avaient rien à voir avec les événements ô combien tristes. Dans la journée, le ministre de l’intérieur a, dans sa promptitude légendaire, pointé de doigt les «responsables identifiés sur le terrain ». Dans le lot, il a cité le directeur des impôts et le contrôleur financier de Ndzuwani. Or, au moins ceux-là se trouvent respectivement en Inde depuis vendredi dernier, et en prison depuis l’affaire dite de tentative d’assassinat contre le vice-président Moustadroine.

Le ministère de l’intérieur a décidé, suite à ces événements à instaurer un couvre-feu à Mutsamudu pour une période de six jours à partir de ce lundi 15 octobre, à partir de 20h jusqu’à 6h du matin. Parallèlement, les autorités annoncent le renforcement de la surveillance des frontières. Cette mesure concerne sans doute le bras de mer entre Anjouan-Mayotte. En effet, l’Etat comorien accuse souvent, plus ou moins ouvertement, les autorités françaises administrant Mayotte de faire de cette île, une base arrière, une rampe de lancement pour la déstabilisation des Comores. Seulement, plus de 400 armes circulent clandestinement à Anjouan depuis l’opération dite de « démocratie aux Comores » de 2018. Ces armes sont détenues essentiellement par des bakaristes, sous le silence inquiétant des gouvernements successifs.

 

  • MOHAMED DAOUDOU DÉPLORE LE COMPORTEMENT DU GOUVERNEUR D’ANJOUAN, OPPOSANT FAROUCHE DES RÉFORMES CONSTITUTIONNELLES.

 

Très vite, l’Union de l’opposition s’est frottée les mains et félicite le peuple d’Anjouan à l’issu de cette manifestation spontanée. Dans son réquisitoire, l’opposition ressasse « des emprisonnements arbitraires, du musellement de la presse, de la confiscation de toutes les libertés, de l’instrumentalisation de la justice, du bafouement de l’autonomie des îles…. ». Les forces de l’opposition portent la responsabilité de la situation au chef de l’Etat et à son gouvernement.

Articles extraits de Masiwa du 16/10/2018

ADRESSE : MORONI GOBADJOU
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