— Par Selim Lander —
Il y a longtemps que l’on n’avait pas vu la grande salle de l’Atrium aussi remplie de monde. Peut-être parce que la crainte de la COVID s’éloigne et que les contraintes se relâchent (malgré une recrudescence des cas post-carnaval), sans doute aussi en raison des deux têtes d’affiche de la soirée. Mariejosé Alie a été journaliste de télévision en Martinique avant de continuer sa carrière en France. On l’a beaucoup vue et entendue récemment à la suite de la sortie de son livre Entretiens avec Aimé Césaire. Quant à Viktor Lazlo, elle est une habituée de la Martinique, non seulement du plateau de l’Atrium mais encore des réunions littéraires, puisque elle-même romancière, elle organise ici le festival Ecriture des Amériques et, depuis peu, les Cafés littéraires du Diamant.
Un concert avec deux têtes d’affiche, c’est prendre des risques. Celle qui passe en premier – Mariejosé Alie en l’occurrence – court le risque d’être prise pour un de ces faire-valoir auxquels on ne prête guère attention, étant dans l’attente de LA vedette de la deuxième partie. Quant à celle-ci – Viktor Lazlo en l’occurrence – elle risque de pâtir de la comparaison avec la première. Est-ce ce qui s’est passé ici ? Difficile à dire, les applaudissements ont semblé plus nourris pour V. Lazlo mais en même temps elle est apparue un peu déçue de l’accueil du public. En ce qui nous concerne, nous étions resté sur la très bonne impression de son récital du mois de janvier 2017 où elle s’était présentée avec une formation très restreinte (piano, guitare et basse – et oui, pas de batterie !) pour interpréter des grandes voix du jazz. Elle a cette fois-ci adopté un parti pris radicalement différent en venant accompagnée de six musiciens et pas moins de neuf instruments différents (piano, guitare, basse, violon, flûte, clarinette, saxo, batterie et congas). Autant le récital d’il y a cinq ans apparaissait dépouillé, autant le concert de cette année paraît surchargé d’une orchestration démesurée à la lumière du répertoire retenu cette année et compte tenu de l’organe de l’interprète qui est agréable mais ne saurait être pris pour une « grande voix ».
Alors que nous ne connaissions pas Mariejosé Alie musicienne, elle a séduit tout d’abord en s’installant elle-même au piano, accompagnée par un contrebassiste, un batteur et un guitariste. Elle interprète des chansons à la mélodie simple et charmante, souvent en créole. Pour ceux qui connaissent, son répertoire comme sa voix font alors penser au disque Kouté de Widad Amra (1997). L’ambiance change lorsqu’elle fait intervenir son pianiste. La musique se fait alors jazzy sans perdre de son charme envoûtant. Que conclure de cette comparaison à brûle pourpoint sinon que le plus peut être l’ennemi du bien ?
Tropiques Atrium, 12 mars 2022.