—Par Selim Lander –
Récital exceptionnel, le 4 octobre dernier, dans le cadre du Jeu de Paume à Aix-en-Provence, ce théâtre à l’Italienne datant du milieu du XVIIIe siècle et fraîchement rénové, longtemps voué également à l’opéra et dont l’acoustique exceptionnelle fait un lieu particulièrement propice pour entendre de la belle musique. Et cette dernière était au rendez-vous avec un François-Frédéric Guy au mieux de sa forme pour interpréter Beethoven dont il est aujourd’hui le meilleur spécialiste. Rappelons qu’il a enregistré l’intégrale des concertos pour piano et l’intégrale des sonates pour piano du musicien viennois.
Beethoven, quant à lui, fut d’abord un pianiste virtuose avant de devenir un compositeur mondialement connu, d’une puissance et d’une originalité sans égales. On connaît les souffrances physiques et morales de ce musicien génial, devenu totalement sourd à l’âge de quarante-cinq ans et qui continua à composer des chefs d’œuvre jusqu’à la fin de sa vie, qui surviendra quelques dix ans plus tard, en 1827.
Les trois dernières sonates (n° 30 à 32) furent écrites pendant les années 1820-1822. Elles sont l’œuvre d’un compositeur au sommet de son art, qui allie une maîtrise technique parfaite à une totale liberté. C’est encore ce que l’on a envie d’écrire du pianiste. Mais ce qui vient d’abord à l’esprit à propos de François-Frédéric Guy, c’est le qualificatif « inspiré ». Il l’est dans les mouvements lents auxquels il ajoute parfois une note d’humour qui n’est pas nécessairement dans la partition, comme dans les mouvements plus rapides auxquels il apporte une fougue incontestable (avec une sollicitation parfois un peu excessive de la pédale forte). Le compositeur s’étant affranchi des contraintes de la forme sonate se laisse emporter par la force d’une imagination qui semble sans limite et l’interprète lui-même se sent libre d’introduire ici ou là quelque variation de son cru.
Si le talent et la virtuosité de François-Frédéric Guy peuvent faire passer pour presque facile la musique pourtant complexe des dernières sonates, il en va a fortiori de même pour les deux morceaux donnés en bis, la Sonate au clair de lune (Mondscheinsonate, n° 14, qui date de 1801) et la Lettre à Élise (Für Elise, 1810) , bien connus du public et qu’il a pu donc d’autant plus apprécier.
Le 4 octobre 2014 à Aix-en-Provence.