Ne chantez pas la Mort, c’est un sujet morbide
Le mot seul jette un froid, aussitôt qu’il est dit
Les gens du show-business vous prédiront le bide
C’est un sujet tabou… Pour poète maudit
La Mort… La Mort…
Je la chante et, dès lors, miracle des voyelles
Il semble que la Mort est la sœur de l’amour
La Mort qui nous attend, l’amour que l’on appelle
Et si lui ne vient pas, elle viendra toujours…
Paroles Jean-Roger Caussimon Musique Léo Ferré
« Mort secondaire » est le deuxième élément du triptyque de Syto Cavé consacré au thème de la mort. Il est précédé par « On m’a volé mon corps » et suivi par « Aux champs pour Toto ». Sur le plateau entre paravent,chaise et tabouret un homme qui n’est plus dans sa toute première jeunesse s’avance doucement vers un miroir de cabinet de toilette. Il regarde son reflet, son double, c’est autre lui-même qui n’est pas ou qui n’est plus. Ce double avec lequel il ne faisait qu’Un qu’était-il ? Était-ce Lui ?Était-ce Elle? Fusion et défusion cette éternelle histoire de l’homme est là sur scène. De quelle mort s’agit-il ? Qu’est-elle cette « mort secondaire qui n’est pas une mort de second rang » comme l’écrit Syto Cavé et comme le répète plusieurs fois Daniel Marcelin? Il semble que l’auteur dans une conception épicurienne considère que la mort du sujet, la mort primaire, pourrait-on dire, n’est rien que « tant que nous existons, la mort n’est pas, et que la mort est là où nous ne sommes plus. ». La mort physique n’aurait pas d’importance et la « mort secondaire » serait ce à quoi l’être vivant doit renoncer, à ce qu’il ne pourra pas accomplir, ses rêves de destinées, de réalisations futures, de devenir à jamais perdus. De même dans la rupture amoureuse, la perte que déplore le personnage, ne concerne pas ce qui a été mais ce qui jamais plus ne sera. Si par moment il prend une voix de fluet, haute perchée, pour imiter un dialogue qui n’a plus de raison d’être avec un femme pour laquelle, la relation, pour quelque raison que ce soit n’est plus, c’est plus pour souligner le manque à venir, que le regret de ce qui fût.
Daniel Marcelin, incarne la fragilité qui résulte de la perte, chuchote, parle à voix basse, s’emporte parfois dans le cri désespéré d’un futur à jamais interdit.
M’A.
Théâtre Aimé Césaire, les 28 & 29 juillet 2022, Festival Culturel de Fort-de-France