— Par Muriel Steinmetz —
En 1968, il avait reçu le Prix Renaudot pour son roman le Devoir de violence. Oeuvre monumentale, lyrique qui fit scandale à sa sortie, a pu apparaître comme l’une des premières œuvres en contradiction avec le postulat de la « Négritude ».
L’écrivain Yambo Ouologuem s’est éteint dimanche dernier à Sévaré, dans le centre du Mali, son pays natal. Il avait 77 ans. Né à Bandiagara en 1940 dans l’ethnie dogon, fils d’un forgeron, il avait en 1968 reçu le Prix Renaudot pour son roman le Devoir de violence, œuvre monumentale, lyrique, composée dans une langue étincelante. Dans ce grand roman à clefs, il retraçait, depuis le 13ème siècle, la geste des Saïfs, conquérants et maîtres de l’empire mythique Nakem. Il y mettait entre autres en scène les démêlés des Peuls, désignés comme « Négro-Juifs » et des Dogons, conquis par eux et réduits en esclavage. L’écrivain et ethnologue Amadou Hampâté Bâ (1900-1991), connu comme ardent défenseur de la tradition orale africaine, lui aussi natif de Bandiagara, vit dans le livre de Ouologuem un odieux procès intenté aux Peuls de la région.
Il s’attaquait à l’image d’une Afrique précoloniale idéalisée
Ouologuem, alors âgé de vingt-huit ans, raconte comment l’esclavage et la colonisation sont bien antérieurs à l’arrivée des Européens, qui ne firent que reprendre à leur compte, en l’amplifiant à outrance, un système préexistant. A ce titre, le Devoir de violence a pu apparaître comme l’une des premières œuvres en contradiction avec le postulat de la « Négritude », car elle s’attaquait à l’image d’une Afrique précoloniale idéalisée et au « retour aux sources » prôné et chanté par Senghor et Césaire. L’évocation de l’Afrique par Ouologuem est bien moins idyllique. Il adopte le point de vue de ceux qui payèrent le prix d’une brillante civilisation féodale : les exploités, les esclaves. Il désigne ce que la « Négritude » a pu passer sous silence, l’envers sombre des mœurs politiques précoloniales…
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Lire en ligne un extrait de Lettre à la France nègre deYambo Ouologuem
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