— Par Philippe-Jean Catinchi —
La conteuse, comédienne et écrivaine haïtienne Mimi Barthélémy est morte à Paris le 27 avril, elle était âgée de 73 ans.
Honneur et respect, Messieurs Dames la société ! La conteuse, comédienne et écrivaine haïtienne Mimi Barthélémy s’en est allée délivrer ses histoires sous d’autres cieux. Morte à Paris le 27 avril, elle était âgée de 73 ans. Née à Port-au-Prince, le 3 mai 1939, elle quitte son île pour entreprendre des études supérieures en France métropolitaine. Non sans réticence. Quand elle arrive, en 1956, le pays se remet encore lentement de la guerre et le conflit algérien rend l’effort d’assimilation difficile tant l’esprit colonial est encore prégnant.
Elle analyse très justement le paradoxe qui l’enferme : » Comme je suis une femme excessive, je me suis assimilée totalement et c’est là que je peux parler d’aliénation. Ma voix était totalement nouée, abîmée. » S’en suit, après un temps de réflexion, un lent parcours de reconstruction. D’abord des ateliers de psychophonie avec la cantatrice Marie-Louise Aucher (1908-1994), qui, forte des correspondances vibratoires entre les sons et le corps humain, établit une échelle qui rejoint sons et points énergétiques tels que les définit la médecine chinoise traditionnelle. Puis neuf ans de thérapie vocale avec le Roy Art Théâtre, dans le Gard. Mimi Barthélémy travaille à retrouver sa voix comme sa mémoire, également mise à mal. Réparée, mieux armée, elle peut partir à la découverte d’autres mondes, d’Amérique latine au Sri Lanka ou en Afrique du Nord.
CRÉOLE ET FRANÇAIS MÊLÉS
Ainsi commence son chemin vers le conte lié à une quête personnelle sur son identité de femme haïtienne vivant loin de ses origines. Lors d’un séjour d’un an au Honduras (1979-1980), Mimi monte avec les indiens noirs Garifunas un spectacle pour qu’ils se réapproprient leur histoire, occultée depuis leur déportation d’Afrique au XVIIIe siècle. De retour en France, riche de cette expérience en miroir sur l’identité enfouie, elle entreprend à Paris VIII un doctorat d’études théâtrales sur » le théâtre de l’identité dans les minorités « . Parallèlement, la voilà conteuse, puisant aux sources de la tradition orale mais mêlant créole et français, pour élargir la transmission et témoigner pour tout le monde francophone.
En marge des usages, elle est le plus souvent accompagnée de musiciens. » Les chevaux de feu » que dirige le mime, sculpteur et pédagogue Jean-Marie Binoche tout d’abord, puis le guitariste et percussionniste guadeloupéen Serge Tamas. Pendant près de 30 ans, Tamas crée pour Mimi des musiques originales, arrange des airs traditionnels, propose des ambiances, en défenseur passionné du conte. Ce qui n’exclut pas d’autres collaborations, avec le guitariste haïtien Amos Coulanges ou le pianiste et compositeur cubain Manuel Anoy Vega notamment.
SES PROPRES HISTOIRES
Consciente qu’il faut un lieu pour ancrer sa démarche, Mimi anime à Paris dès 1987, Cité Véron, » Le petit contoire » où elle invite les conteurs les plus renommés. La même année, elle présente au festival d’Avignon, La Reine des poissons, conte qui plonge au cœur de la tradition du vaudou haïtien et qui lui vaut, ainsi qu’à son partenaire Amos Coulanges, le Becker d’or du 3e festival d’acteurs d’Evry en 1989. Pour La Dernière lettre de l’amiral, de la compagnie Ti Moun Fou, c’est le prix Arletty de l’universalité de la langue française qui récompense le talent incendiaire de Mimi Barthélémy (1992).
Dès le tournant des années 1990, Mimi écrit ses propres histoires qu’elle offre dans les centres culturels et les bibliothèques aussi bien que dans les prisons ou les hôpitaux. Deux axes dans la recherche de la conteuse-comédienne : un travail sur la fable traditionnelle chantée dans le monde caribéen qui aspire à proposer un nouveau type de conte musical (de L’Oranger magique à Tendez, chantez l’amour ou Voyage en papillon) et un autre chantier, plus théâtral, qui mêle Histoire et aventure personnelle (de La Cocarde d’ébène à Caribana ou Une très belle mort).
UNE ÉNERGIE FOLLE
Dans cette veine, Mimi s’essaye du reste à la mise en scène…
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Le Monde.fr | 30.04.2013 à 17h43 • Mis à jour le 30.04.2013 à 19h12
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