— Par Armelle Héliot —
DISPARITION – L’ancien ministre et sénateur PC Jack Ralite s’est éteint dimanche à l’âge de 89 ans.
Très faible, Jack Ralite avait dû être hospitalisé il y a deux semaines. Il y a longtemps qu’il était souffrant, longtemps que l’on ne le croisait plus, affable et disert, le soir, au théâtre, au concert, partout où palpitaient les arts. Mais avant d’être un homme de culture très ouvert, généreux, ennemi des clivages, Jack Ralite aura été toute sa vie un homme d’engagement. Un militant communiste.
Né le 14 mai 1928 à Châlons-sur-Marne, dans une famille où la première valeur est le travail – ses parents étaient chauffeurs de taxi – Jack Ralite avait rêvé devenir instituteur. Mais il quitte Châlons et doit travailler tôt et devient employé municipal à Stains (93), premier contact avec la vie de la cité qui le passionnera à chaque étape de son parcours. C’est dans cet esprit qu’il adhère au Parti communiste, dès 1947.
Épris de littérature dès l’adolescence, curieux, il intègre la rédaction de L’Humanité Dimanche, rubrique télévision, puis responsable des pages culture, très bon observatoire pour ses fonctions futures.
Ministre de la Santé
En 1959, à un peu plus de 30 ans, il est au conseil municipal d’Aubervilliers. Il en sera maire en 1984 et jusqu’en 2003. C’est à lui que l’on doit, dès 1960, le Théâtre de la Commune, dirigé jusqu’en 1984 par un autre militant de la culture, Gabriel Garran. Ce théâtre sera le premier centre dramatique de la couronne parisienne.
Jack Ralite poursuit ses engagements : il est devenu député en 1973 – lorsque Waldeck Rochet, son «père» en politique, malade, avait dû se retirer. Il s’est fait remarquer par sa connaissance profonde des affaires culturelles et ses amitiés avec les artistes. En 1981, au moment du gouvernement d’union de la gauche, son nom circule pour le portefeuille de ministre de la Culture. Mais Pierre Mauroy le choisit comme ministre de la Santé, ce qui n’ira pas sans grogne dans les milieux hospitaliers et médicaux en général.
Jack Ralite est communiste et ses décisions heurtent. Il est un «coco pur» comme il le dit lui-même… Dans les deuxième et troisième gouvernements Mauroy, Jack Ralite sera ministre délégué auprès du ministre des Affaires sociales, chargé de l’Emploi. Trois années qui n’avaient en rien étouffé son goût des choses de l’art.
De 1995 à 2011, il sera sénateur de Seine-Saint-Denis et multiplie les initiatives, toujours aux avant-postes lorsqu’il s’agit de défendre les artistes, l’éducation, l’accès à la culture, une télévision de qualité. Autant de combats qu’il menait avec une très touchante sincérité, une haute idée de l’État et de la nation, un sens profond de ses responsabilités.
Le goût des citations
Défenseur de l’exception culturelle, opposé aux accords de libéralisation du commerce, fondateur des États généraux de la culture (1987), forum éloquent d’où sont issues des analyses claires et constructives sur la place de la culture dans nos sociétés, Jack Ralite avait le goût de la transmission, du partage. C’est en ce sens qu’il avait organisé, avec l’Italien Carlo Ossola, professeur de littérature au Collège de France, des rencontres exceptionnelles : les grands esprits du Collège se rendaient à Aubervilliers, à la rencontre des élèves et d’un public populaire qui appréciait profondément ces moments.
Ainsi était Jack Ralite. Un homme de conviction et même d’appareil, mais un honnête homme. Il n’avait pas fait d’études supérieures et révérait les poètes. Il écrivait très bien, s’exprimait avec chaleur et un sens des belles formules teintées d’un très léger accent, une manière très douce et souriante d’articuler. Il avait le goût des citations, il adorait en étayer sa pensée, ses argumentations.
Il eut dans le monde du théâtre des amitiés fortes : Antoine Vitez, Paul Puaux. Mais de la gauche à la droite, chacun appréciait cet homme resté très simple, qui vivait à Aubervilliers au cœur de la ville qu’il avait vue se transformer, heureux d’accueillir, notamment le Théâtre équestre Zingaro et Bartabas. Pour rien au monde il n’aurait raté une première de théâtre ou un Festival d’Avignon. Mais l’été dernier, il n’était pas là…
Source=> LeFigaro.fr