– Texte Axelle Dorville
Joseph Gustave est formel. Petit, il y avait plusieurs dizaines de mètres à parcourir sur le sable noir si l’on voulait aller se rafraîchir dans la mer des Caraibes. On pouvait même jouer au football sur la plage. Aujourd’hui, il voit chaque année la mer gagner du terrain sur la plage et régulièrement envahir son restaurant, malgré l’enrochement mis en place par ses propres soins. Dans la ville du Prêcheur où il se trouve, au Nord-Ouest de la Martinique, la situation est critique et la démarche de relocalisation des populations du littoral, d’ores et déjà entamée par le maire écologiste Marcellin Nadeau.
A un peu moins de 200 kilomètres de là, en Guadeloupe dans la commune de Petit-Bourg, la falaise s’effrite sous les coups de l’érosion et menace de s’effondrer, emportant avec elle les habitations du littoral. Une quarantaine de familles des quartiers de Bovis, de Belair et de Pointe-à-Bacchus sont, à l’initiative de la mairie et avec le concours de l’Etat et de la SPHLM, déjà ou en passe d’être déplacés dans le nouvel éco-quartier de Saint-Jean.
A Kourou en Guyane, des réflexions sont en cours pour mettre à l’abri des marées les habitants du littoral. En Indonésie, la capitale sera déplacée sur l’île de Bornéo d’ici 2024, au détriment de Jakarta, menacée par l’élévation du niveau de la mer.
Partout dans le monde, la montée des eaux dûe au changement climatique, l’érosion naturelle des sols, la destruction de mangroves et le poids de l’urbanisme, ont peu à peu raison des littoraux. Et à l’intérieur des terres, la bataille est âpre pour préserver les espaces naturels et agricoles face à l’urbanisation galopante.
3,6 millimètres qui changent nos mondes
En Martinique, à la Dominique, en Guadeloupe ou encore à La Réunion, autrement dit, dans les territoires vallonnés à la topographie fortement marquée, vivre près de la mer a longtemps été une évidence. Du fait de l’organisation autour des ports, dans le passé; puis de l’attrait touristique; et tout simplement, de façon générale, du fait de la difficile constructibilité sur les reliefs.
Aujourd’hui, confrontées à la montée des eaux, estimée en 2019 à 3.6mm par an1 (contre 2,6mm, 6 ans auparavant) et au ruissellement renforcé par l’urbanisation et l’imperméabilisation des sols, les villes littorales, leurs constructions et leurs habitants ont davantage de chances de se retrouver les pieds dans l’eau.
Une cartographie réalisée en 20152 par l’universitaire Pascal Saffache et le géographe-cartographe Yoann Pelis, modélisant l’impact de l’élévation du niveau de la mer et d’ondes de tempêtes de 3 à 5 mètres sur le recul des traits de côte des différents îles de la région caribéenne, établissait par exemple que 5% de la Martinique pourrait disparaître sous l’eau à l’horizon 2090-2100. Emportant ou submergeant de nombreux espaces côtiers, des mangroves et plages, des zones d’habitation et d’activité, des axes de communication, l’aéroport ou le port…
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