Par Selim Lander.
X. Dolan est un jeune cinéaste québécois à la scénographie déjà imposante, parmi laquelle on a déjà pu, grâce à S. Zebina, voir ici – et admirer – Laurence Anyway (2011) et Tom à la ferme (2013). Par exception, X. Dolan ne joue pas dans ce nouveau film : malgré son jeune âge (25 ans), il n’eût pas été crédible, en effet, dans le rôle de Steve (interprété par Antoine Olivier Pilon), un adolescent incapable de se contrôler à la moindre contrariété. Renvoyé de l’institution où il était pensionnaire, il est rendu à sa mère, Diane (Anne Dorval) qui entreprend de l’éduquer elle-même. Tâche impossible comme on l’en a prévenue, mais quand l’alternative se situe entre ça et l’abandon définitif de l’enfant, une mère peut-elle hésiter ? Une lueur d’espoir apparaît d’ailleurs en la personne d’une voisine, Kyla (Suzanne Clément), bien mal en point pourtant (elle est à peu près aphasique), mais qui s’intéresse au sort de Steve. Professeure en disponibilité, elle peut aider à le faire avancer dans sa scolarité qui se déroule désormais à domicile.
Le scénario est très bien ficelé, suivant les hauts et les bas du personnage de Steve, capable d’élans touchants autant que de colères dévastatrices, si bien que nous sommes constamment tenus en haleine, en attente de la prochaine crise dont nous redoutons les conséquences. Une seule faiblesse du scénario mais il n’est pas sûr que c’en soit vraiment une : les dégâts causés par Steve ont mis Diane dans une situation financière très difficile. Alors qu’on lui demande 250.000 dollars de dommages et intérêts, elle se tourne vers un autre voisin du quartier, un avocat qui a des vues sur elle. Un dîner à trois, avec Steve, est organisé : il est évidemment essentiel que ce dernier se tienne correctement dans cette occasion et sa maman lui fait la leçon. Mais nous, spectateurs, ne pouvons croire que cela pourra marcher, aussi nous demandons-nous pourquoi Diane n’a pas vu elle-même ce qui aurait dû lui paraître évident. La seule explication plausible de son comportement serait qu’elle fût dans le déni, qu’elle eût encore besoin d’un ratage de son fils pour se convaincre de la réalité de la situation.
Comme toujours chez Dolan, on est dans l’excès. Steve, par définition, Diane parce qu’elle a un caractère explosif et enfin Kyla qui a sur-réagi à un événement traumatique dont nous pouvons plus ou moins deviner ce qu’il fut. Les mots aussi sont excessifs, le plus souvent empruntés à un argot québécois difficilement compréhensible pour un non-initié (merci les sous-titres). Par contre, Mommy, qui est à rapprocher sur le fond de J’ai tué ma mère (1998), se distingue des films précédents au plan formel : l’écran carré, les ralentis, une longue séquence onirique pendant laquelle Diane imagine un futur brillant pour Steve. Cela donne quelques très belles scènes visuellement parlant, comme celle du « selfie » ou lorsque Steve joue, dans une rue, avec un charriot du supermarché. Ajoutons que la direction d’acteurs est admirable et que la performance d’Anne Dorval, actrice fétiche de Xavier Dolan, est particulièrement impressionnante. Un Prix du jury du festival de Cannes plus mérité que son ex aequo, Adieu au langage de Jean-Luc Godard.
Le CMAC à Madiana, les 11, 14, 18 et 20 novembre 2014.