Plaidoyer
Il serait plus que temps que la diaspora s’inscrive dans une trajectoire de développement économique et financier des pays Guadeloupe et Martinique !
Pour ce faire il faudrait organiser sans plus tarder un salon des Antilles itinérant dans toutes les grandes villes où se trouvent une diaspora Antillaise avec le concours des collectivités locales, des comités de tourisme, de l’université des Antilles, des représentants de banques ,de groupes culturels ,etc…
La diaspora guadeloupéenne et martiniquaise représente une force inexploitée qui pourrait pourtant jouer un rôle clé dans le développement des 2 îles. Avec environ plus de 600 000 Antillais vivant à l’étranger, notamment en France hexagonale, en Europe , en Amérique du Nord et du Sud , en Asie, dans les territoires d’outre-mer, et dans les Caraïbes, la question de leur implication financière et entrepreneuriale dans l’économie locale mérite une attention particulière. Contrairement à d’autres pays qui, depuis plus de deux décennies, ont su capter et mobiliser leur diaspora au service du développement national, la Guadeloupe tout comme la Martinique accusent un retard important dans ce domaine. Aujourd’hui, face aux défis économiques et sociaux, il devient impératif de structurer une véritable politique d’engagement financier de cette communauté expatriée.
À l’échelle mondiale, de nombreux pays ont déjà mis en place des stratégies pour inciter leur diaspora à investir dans leur économie locale. L’Inde, par exemple, a lancé dès les années 2000 des obligations financières spécialement destinées à ses expatriés dont des guadeloupéens d’origine indienne, ce qui a permis d’attirer des milliards de dollars en investissements. Le Sénégal tout comme le Bénin a également mis en place des mécanismes incitatifs pour encourager ses ressortissants à contribuer au développement local, notamment en finançant des infrastructures dans leurs villages d’origine. De même, le Maroc et le Vietnam ont créé des agences gouvernementales chargées de faciliter l’implication de leur diaspora dans l’économie nationale. La Guadeloupe et la Martinique , bien que bénéficiant d’un niveau de développement supérieur à ces pays, pourraient largement s’inspirer de ces initiatives pour dynamiser leur attractivité auprès de ses émigrés.
Les transferts monétaires de la diaspora antillaise vers l’île d’origine restent marginaux et ne pèsent quasiment rien dans le PIB local. Pourtant, de nombreux Guadeloupéens et Martiniquais établis à l’étranger disposent de revenus conséquents, accumulés grâce à des carrières réussies dans des secteurs variés tels que la finance, la technologie, le sport, la culture ou la santé. L’enjeu n’est donc pas seulement d’encourager des envois d’argent, mais de structurer une politique qui favorise leur investissement direct dans l’économie locale. Cela pourrait se faire sous différentes formes : création d’entreprises, financement de start-ups innovantes, participation à des projets de développement durable ou mécénat dans des initiatives économiques, éducatives et culturelles.
Un premier pas dans cette direction a été fait avec le dispositif Alé Viré, qui vise à reconnecter la diaspora avec les collectivités locales et à favoriser les collaborations autour de thématiques clés comme la santé, l’agriculture, l’éducation et l’innovation technologique. Mais cette initiative reste encore limitée et mérite d’être renforcée par des mesures concrètes. Il serait ainsi pertinent de créer un fonds d’investissement dédié à la diaspora, accompagné d’avantages fiscaux pour inciter les expatriés à investir. Un guichet unique pourrait également être mis en place pour simplifier les démarches administratives et offrir un accompagnement personnalisé aux porteurs de projets issus de la diaspora.
Un autre aspect essentiel de cette politique concerne la confiance et la communication entre les acteurs locaux et les expatriés. Beaucoup de Guadeloupéens et Martiniquais vivant à l’étranger expriment un attachement fort à leur île, mais se heurtent souvent à des obstacles bureaucratiques ou à un manque de visibilité sur les opportunités d’investissement. Les autorités locales doivent donc adopter une approche proactive en multipliant les initiatives de dialogue, en organisant des forums économiques dédiés à la diaspora et en procédant à un recensement de manière à valoriser les réussites d’entrepreneurs antillais établis à l’étranger pour créer un effet d’entraînement.
La Guadeloupe et surtout la Martinique se trouvent aujourd’hui à un tournant démographique délicat où elles ne peuvent plus se permettre d’ignorer le potentiel économique et intellectuel de la diaspora. Il est urgent de créer un cadre attractif et incitatif pour que cette population expatriée puisse contribuer efficacement au développement local. En s’inspirant des meilleures pratiques internationales et en mettant en place des outils adaptés, les deux îles soeurs pourraient transformer un défi de non retour des jeunes diplômés et travailleurs en opportunité et renforcer ainsi leur dynamisme économique tout en resserrant les liens avec leurs enfants partis chercher ailleurs des perspectives qu’ils pourraient aujourd’hui réinvestir au service de leur territoire d’origine.
« Apatoudi menné koulèv lékol, sé fè-y sizé i tout ».
– traduction littérale : Ce n’est pas tout de mener une couleuvre à l’école, encore faut-il la faire s’asseoir.
– moralité : Ce n’est pas tout d’entreprendre, le plus difficile est de mener le projet à son terme.
Jean Marie Nol économiste