Missak et Mélinée Manouchian

« Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent
Vingt et trois qui donnaient leur cœur avant le temps
Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant
Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir
Vingt et trois qui criaient la France en s’abattant »
Louis Aragon « Strophes pour se souvenir »

 

Missak Manouchian, né le 1er septembre 1906 à Adyaman, un village turc, au sein d’une famille paysanne arménienne, incarne une figure majeure de la Résistance française pendant la Seconde Guerre mondiale. Son parcours tragique et engagé reflète les tourments de son temps et son combat incessant pour la liberté.

Après avoir vécu les horreurs du massacre des Arméniens en 1915, où ses parents furent victimes du génocide perpétré par l’Empire ottoman, Manouchian, orphelin, est élevé dans un orphelinat chrétien en Syrie. Son arrivée à Marseille en 1924 marque le début d’une vie marquée par l’activisme politique et la lutte contre les injustices.

À Marseille, Manouchian apprend la menuiserie et rejoint les universités ouvrières fondées par la CGT. Son engagement politique le conduit à adhérer au Parti communiste français en 1934. Par la suite, il travaille comme ouvrier tourneur aux usines Citroën du quai de Javel à Paris.

Homme de lettres, Manouchian fonde deux revues littéraires successives, Tchank et Machagouyt, démontrant son intérêt pour la culture et la diffusion des idées. Il devient rédacteur en chef du journal Zangou, s’impliquant ainsi dans la vie intellectuelle de son époque. En parallèle, il participe au mouvement Amsterdam-Pleyel contre la guerre, établissant des contacts avec des personnalités telles qu’Henri Barbusse et Romain Rolland.

Engagé dans la défense des intérêts de la diaspora arménienne, Manouchian siège à la direction d’un Comité de secours à l’Arménie et effectue une tournée des groupes arméniens de la diaspora en France en 1938-1939. Il devient secrétaire de l’Union populaire arménienne, cherchant à rassembler les Arméniens autour de l’expérience du Front populaire.

Interné comme communiste étranger lors de la déclaration de guerre en 1939, Manouchian est libéré en 1940, poursuivant son activité militante malgré les risques. Arrêté lors d’une rafle préventive en juin 1941, il échappe à une incarcération prolongée faute de charges suffisantes.

Son engagement prend un nouveau tournant en 1943 lorsqu’il intègre les FTP-MOI sous le pseudonyme de Georges, devenant responsable de la section arménienne. Il participe à des actions armées, dont un attentat à Levallois-Perret en mars 1943. Manouchian devient ensuite responsable de la MOI en juillet 1943, assumant divers postes au sein des FTP-MOI malgré des controverses sur ses choix stratégiques.

Son arrestation en septembre 1943, suivie d’une série d’événements conduisant à l’arrestation de plusieurs membres du groupe, marque la fin de son parcours. Le 21 février 1944, Missak Manouchian est fusillé au Mont Valérien aux côtés de 21 autres combattants FTP-MOI.

« Dans quelques heures je ne serai plus de ce monde. On va être fusillé cet après-midi à 15 heures. Cela m’arrive comme un accident dans ma vie, je n’y crois pas mais pourtant je sais que je ne te verrai plus jamais. […] Je m’étais engagé dans l’armée de la libération en soldat volontaire et je meurs à deux doigts de la victoire et du but. J’en suis sûr que le peuple français et tous les combattants de la liberté sauront honorer notre mémoire dignement. Au moment de mourir, je proclame que je n’ai aucune haine contre le peuple allemand… » Ces mots pleins d’humanité sont ceux de Missak Manouchian, extraits de sa dernière lettre écrite à sa compagne Mélinée, quelques heures avant son exécution, dans la prairie du Mont-Valérien, au sud de Paris, dans l’après-midi du 21 février 1944.

Sa mémoire est immortalisée dans la célèbre « Affiche rouge » éditée par la propagande allemande, où son nom est associé à des actions attribuées au « chef de bande » ayant perpétré « 56 attentats, 150 morts, 600 blessés ». Sa vie et son sacrifice demeurent un symbole de la résistance antifasciste et un hommage à tous ceux qui ont lutté pour la liberté et la justice.