LU POUR VOUS
2005. 252 pages, 13 euros
par CLA
Tous les arrivistes aux dents longues adorent Sarkozy.
Ils se réclament le plus souvent de la droite, mais de plus en plus ouvertement de cette gauche branchée amoureuse d’euros, de prébendes, affairiste et assoiffée de pouvoirs, même dérisoires.
La pertinence du clivage droite gauche semble à nouveau mobiliser l’attention d’un certain nombre de martiniquais.
Qui est de gauche ? Qui est de droite ? Que signifie en 2006 être de gauche à la Martinique ?
Ce questionnement, cette recherche de positionnement relève d’une démarche plus que saine pour quiconque souhaite s’orienter dans l’espace politique martiniquais où les frontières ne sont plus aussi nettes qu’elles ne l’étaient avant la chute du mur de Berlin et de l’implosion de l’URSS à la fin su siècle dernier
Le livre de Monsieur Ariès, Misère du Sarkozysme devrait aider tous ceux qui s’interrogent sérieusement sur le contenu de ces deux expressions qui continuent à occuper une place centrale dans les discours politiques.
En effet, Sarkozy est le prototype de l’homme de droite moderne, fier de l’être, et qui, crânement défend les idées qu’il souhaite voir l’emporter dans la lutte idéologique sans merci que se livrent les tenants de la gauche et de la droite sur le plan national comme international, n’en déplaisent aux doux rêveurs qui s’imaginent qu’il s’agit d’un clivage dépassé.
Sarkozy donc, c’est la droite de droite, dure, moderne, branchée.
On peut bien évidemment partager quelques idées identiques où s’y rapprochant de celles que défend Sarkozy tout en étant de gauche.
Mais quand le nombre de points communs devient trop important, celui qui à tue-tête se présente comme un opposant à la droite devrait s’interroger sérieusement sur son échelle des valeurs.
Tout d’abord, comme tous ceux qui méprisent profondément le peuple qui par définition est incapable de réfléchir, Sarkozy est profondément convaincu des vertus de la propagande qui consiste, par Think tanks interposés, à bourrer les crânes des citoyens en faisant appel sans aucune vergogne aux services des médias contrôlés par ailleurs par ses amis industriels et financiers.
Les résultats des sondages d’opinion, l’évolution de sa côte de popularité sont les préoccupations centrales de Sarkozy.
Le réseau de propagande de Sarkozy défend les mêmes idées que celui du gouvernement actuel des Etats-Unis qui fonctionne au niveau de la planète.
Journalistes, professeurs, tous les « faiseurs d’opinion », sont mobilisés pour «légitimer la destruction totale de l’Etat Providence, favoriser le démantèlement de tous les services publics, permettre l’éloignement des pauvres des centres-villes ».
Sarkozy est pour la discrimination positive, n’a rien contre le communautarisme, est convaincu de la justesse des idées des philosophes qui prônent le relativisme.
Sarkozy est un fervent défenseur du Travail. A son avis il faut travailler plus même si c’est pour gagner moins. Il ne voit aucune objection à la généralisation du travail précaire. Il ne pense que du mal du « modèle social français » accusé de favoriser la montée du chômage massif. A son avis l’excès de protection sociale est une invitation à la paresse. Il est un partisan de l’ordre. Il veut restaurer l’autorité de la famille. Pour lui l’Egalité est une valeur chimérique qu’il présente comme étant synonyme d’égalitarisme. Le Monsieur se contente d’être pour l’équité.
D’une manière générale, la démonstration qu’en donne Mr Ariès est sans appel, Sarkozy déteste les valeurs de la République française. Le candidat déclaré aux élections présidentielles de 2007 est en droite ligne un arrière petit-fils idéologique de tous ceux qui en France et en Europe ont tout fait au cours du 18ème et du 19ème siècle pour combattre les idéaux de la grande Révolution française de 1789 : Liberté, Egalité, Fraternité.
Enfin et surtout, Sarkozy est un agent américain en France. Il est fasciné par Bush. Ses modèles sont Aznar et Berlusconi, deux autres agents américains en Europe
Paul Ariès le cite : « Certains en France m’appellent Sarkozy l’Américain, j’en suis fier. J’en suis un homme d’action… Je partage beaucoup de valeurs américaines » (page 242).
Ces valeurs américaines sont pour l’essentiel le culte du dollar roi, l’individualisme le plus forcené. la défense sans réserve du capitalisme le plus libéral, le bon usage du discours religieux pour détourner les victimes du système des véritables enjeux de pouvoirs.
En politique étrangère, Sarkozy considère que l’Europe politique est une utopie inutile.
Il estime qu’il suffit de se mettre aux ordres des américains et tout ira pour le mieux dans le meilleur des mondes. Il n’est nullement choqué du fait que des troupes américaines soient stationnées en Europe (sauf en France) sans aucune raison.
Marx a écrit dans la préface à la première édition allemande du Capital : « Un mot encore pour éviter d’éventuels malentendus. Je ne peins pas en rose, loin s’en faut, le personnage du capitaliste et du propriétaire foncier. Mais ces personnes n’interviennent ici que comme personnification de catégories économiques, comme porteurs de rapports de classes et d’intérêts déterminés ».
C’est dire qu’il ne s’agit pas de diaboliser Sarkozy qui sait par ailleurs comment faire le sympathique pour plaire aux esprits superficiels. Il n’est que le représentant archétypique de cette droite dure et moderne qui sous des airs avenants, est en train consciemment de reconsidérer les résultats de deux siècles de luttes menées victorieusement par les victimes du fonctionnement des sociétés capitalistes modernes. Il défend les mêmes idées que Villepin, le Medef, le FMI, la Banque Mondiale et l’OMC.
Celui ou celle qui partage les idées exposées ci-dessus défendues par Sarkozy, reconnaissons le, avec beaucoup de talent, est à n’en pas douter un adepte de cette droite moderne néo conservatrice (qui marche par ailleurs la main dans la main avec tous les courants religieux plus ou moins intégristes qui relèvent la tête depuis l’implosion de l’URSS) bien décidée à reconquérir le monde sous la houlette des Etats-Unis.
Considérons maintenant un ensemble d’individus qui partagent les idées suivantes et qui sont prêts à s’organiser pour les faire triompher par l’action collective :
– Les Etats-Unis ne doivent plus être les maîtres du monde
– La réduction significative du pouvoir des marchés financiers au sein de l’économie mondiale est un impératif catégorique si l’on veut éliminer la faim et la pauvreté dans le monde.
– Tout le monde a le droit de recevoir les mêmes soins d’un service public de santé.
– L’ ’Ecole publique et laïque ouverte à tous doit recevoir tous les moyens financiers pour dispenser un enseignement de qualité
– Chaque espace social homogène doit garantir à chaque adulte un revenu minimum lui permettant de jouir d’un niveau de vie décent.
– Les syndicats de salariés doivent être puissants et libres.
– Le fonctionnement d’une démocratie représentative est garanti par l’existence de partis politiques s’exprimant librement et d’une presse indépendante du pouvoir économique et financier.
– Le maximum doit être fait pour lutter contre la pauvreté qui n’est pas un phénomène naturel mais un phénomène social.
– La République est composée de citoyens libres et égaux.
– Les Eglises seront séparées de l’Etrat
Tous ceux qui en 2006 partagent les idées exposées ci-dessus peuvent être considérés comme étant de gauche réellement, complètement.
Il existe d’autres clivages, mais en 2006, ils peuvent être, ils doivent être considérés comme étant secondaires.
La tâche de la période étant de savoir quelles sont les plus hautes valeurs .
Car, il ne faut pas l’oublier, il a fallu des siècles à nos pères pour imposer à l’imaginaire collectif que le clivage principal au sein de toute société est celui qui oppose les riches aux pauvres, les dominants aux dominés.
A la Martinique sous l’impulsion vigoureuse de Césaire et du PPM, le clivage martiniquais/ français est parvenu pratiquement à s’imposer à tout le monde. Hier encore tout à fait décérébrés car persuadés d’ être avant tout des français à part entière , des hommes et des femmes de ce pays osent aujourd’hui affirmer qu’ils sont avant tout martiniquais et fiers de l’être.
Etant donné que dans les années cinquante, soixante et soixante dix le clivage pauvre/ riche avait des frontières plus que communes avec les clivages martiniquais/français, noirs/blancs, le césairisme a connu un succès foudroyant comme idéologie incontestablement de gauche capable de mobiliser des milliers de martiniquais avides d’émancipation politique et sociale.
Fanonisme et tiers-mondisme aidant, des millions de cerveaux embrumés par la propagande conjointe de la CIA et de l’URSS, sont allés s’inventer un camp socialiste qui serait de gauche par nature en lutte acharnée, « jusqu’à la victoire finale » contre un camp impérialiste effectivement dangereux.
Le Centre était en lutte contre la Périphérie qui pensait pouvoir compter sur le soutien indéfectible des frères du camp socialiste
Mais aujourd’hui, en 2006. ?
Il existe des indépendantistes, des autonomistes et des départementalistes qui adhèrent en conscience aux idées qui permettent de reconnaître aisément un homme véritablement de gauche.
Ils devraient trouver tous les moyens possibles et imaginables pour travailler ensemble.
Mais il existe des autonomistes et des indépendantistes qui sont fascinés par ce qui se fait en Chine, à Cuba, en Corée du Nord et qui regrettent amèrement l’implosion de l’URSS et la disparition du camp socialiste.
En tenant compte des critères retenus pour savoir qui est ou non de gauche, c’est très aisément que chacun ,pour son propre compte, librement, pourra procéder aux classifications pertinentes qui lui interdiront de prendre des vessies obscurantistes et réactionnaires pour des lanternes émancipatrices.
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.La gauche totalitaire, celle qui soutient la Chine, la Corée du Nord et Cuba, qui soutenait l’Albanie et l’URSS sera radicalement hostile à la gauche démocratique et son souci principal, si par malheur elle accède au pouvoir sera d’éliminer physiquement tous les représentants de cette gauche démocratique comme on a pu l’observer depuis 1917 dans tous les pays où cette gauche totalitaire est parvenue aux affaires.
Les nationalistes de droite s’entendront comme larrons en foire avec la gauche totalitaire qui s’est spécialisée dans les pays où elle est au pouvoir dans l’élimination des syndicats libres et la mise au pas des salariés, à la grande satisfaction de ces fameux entrepreneurs qui détestent les syndicats fauteurs de grèves.
Il faut lire et relire l’ouvrage de Paul Ariès. On découvrira ce que signifie être de droite dans la France d’aujourd’hui.
Bien sûr, des martiniquais intéressés à brouiller les pistes dans ce pays qui se cherche, bien connus comme étant des docteurs es spécificités diront que les mots n’ont pas le même sens selon qu’ils feront référence à la réalité française ou à celle de la Martinique.
Le plus roués ainsi que les moins au clair de la chose politique iront jusqu’à dire qu’il n’existe plus de différence entre la gauche et la droite. Qu’il s’agit d’un discours dépassé.
Mais ces ruses grossières ou ces naïvetés qui ont servi et servent encore à mener en bateau ceux qui refusent de faire un effort de lucidité, auront de moins en moins d’efficacité dans la période qui vient.
CLA Le 15 Mars 2006