Mise en orbite d’un beau conflit…

 la_luneJean-Durosier Desrivières

Mise en orbite d’un beau conflit1

« La vraie civilisation est du domaine de l’obsession.

La civilisation est une idée absurde qui, sentie et vécue intégralement,

par là-même, et par là-même seulement, devient vrai.

Je prêche l’obsession.

Le vrai idéal : la femme « possédée ».

[…]

Je fais appel aux Enragés. »

Aimé Césaire, « Appel au magicien ».

J’ai longtemps habité la lune, bien avant de savoir que ce n’était point ma demeure légitime, bien avant de savoir qu’elle n’était qu’une danseuse extravagante, la lune, entrainant ma tête dans les rondes de ses quartiers tournants autour de la terre, bien avant de savoir que par amour pour elle, des hommes avaient posé leurs pieds sur sa rondeur rêche, à la manière d’un préliminaire, tout en prévoyant d’en faire, dans un temps prochain et bienheureux, un bordel exemplaire, mieux que la terre…

****

J’ai longtemps habité la lune, bien avant de goûter la fraicheur des jeunes filles en fleur et de préférer le murissement des femmes fortes, tel un amour de mangues mûres à point, bien avant d’entendre dire souvent de Thérèse, la voisine corpulente et généreuse du quartier, d’entendre souvent dire d’elle, vous dis-je, et de nombreuses autres dames d’ailleurs, qu’elle avait fait la guerre 14, moi ne doutant point que la faute était aux multiples taches noires criblant ses longues jambes potelées, servant ainsi de preuves fantasques, bien avant d’entendre d’aucuns préciser même, que ces femmes tatouées aux guibolles de cette manière-même, étaient porte-drapeau-même, de cette guerre-même…
…et que dire de celles dont on disait qu’elles avaient fait toutes les guerres, celle de l’indépendance d’Haïti incluse, pour notifier leur statut de collectionneuses et de jouisseuses, quand elles n’étaient que de sournoises résistantes à ceux qui avaient la rage au pantalon, et de comprendre qu’une Marie-Jeanne vaut bien une Jeanne d’Arc, et de me demander si la guerre de l’indépendance et la guerre pour la survie ne valaient pas toutes les guerres de France…
…et qu’attend Mars, nom de Dieu, pour nous concocter incessamment un cocktail d’étripements géant, exquis, de quoi exaucer les vœux de mon feu Georges et nous faire tous oublier, bien avant de « mourir pour des idées », tout autre délice de cruauté du passé…

***

J’ai longtemps habité la lune, vous dis-je, bien avant d’apprendre dans mes livres d’histoire, que Elie, le président élu, fou à lier pour sûr, avait déclaré la guerre aux puissances de l’Axe, sous l’influence de son grand Oncle Sam ; je l’ai su, bien avant de traverser les rues brûlantes et fumantes de Port-au-Prince, au lendemain du départ du jeune dictateur, fils du docteur dictateur, en février 86, en plein concert des balles crépitantes, à bout portant, de nos soldats inintelligents, de nos généraux bouffons, jugeant bon d’étouffer nos cris dans l’œuf, bien avant de savoir que je pouvais supporter le canon froid d’un colt 38 braqué sur mon tympan, à l’angle de l’avenue John Brown et de la ruelle Berne, un soir de couvre-feu ; que je pouvais surprendre sans broncher le canon d’un 22 à me chatouiller la colonne vertébrale, parce que je me retrouvais par hasard à Delmas 19, chez mon camarade de classe de 3ème dont la mère était faussaire et recherchée par des clients abusés ; que je pouvais chier littéralement dans mon froc après le départ de ce bâtard de léopard qui avait pointé sa mitraillette sur ce journaliste vénézuélien et moi, son jeune guide, dans le décor sinistre du massacre perpétré par les militaires du régime de transition démocratique, à l’école nationale Argentine Bellegarde, à la ruelle Vaillant, en cette date fatidique du 29 novembre 1987, jour d’élection avortée…
…et me voici aujourd’hui traversant le monde, d’une île inquiète à l’autre, d’une mer vagabonde à l’autre, d’un continent fier à l’autre, presque au-dessus de la mêlée, oblitérant mon beau savoir, ah ! mon beau savoir : ma belle paire d’oreilles experte dans la distinction de divers genres de détonations d’armes lourdes et légères – Mitraillette, Glock, Tank, Uzi, Fusil, Obus… – et autres « Klowats » de noël, joyeux explosifs de ma ville boursouflée d’étoiles, de sel et de saleté…
…et pourtant, ma mémoire n’a d’égal que mes mots en sûreté, pour éviter d’exécuter les avis de tirs ordonnés par mes rêves trempés de rhum, mes rêves en sursaut, bien avant de saisir mon être en espace mouvant, de tout temps…

***

J’ai longtemps habité la lune, bien avant de parcourir « Les Pâques », et de découvrir dans ce poème que la passion du Christ aimant les prostitués égalait l’angoisse lourde de Freddy dans les entrailles mécaniques de New-York en 1912, bien avant de vivre la résurrection du poète flambant dans son « Journal » de 1913, au cœur de l’Autre, « trop sensible », bien avant de m’habituer à Blaise Cendrart2, masques anthroponymes des cendres de Frédéric Louis Sauser, né comme moi, sous une même et belle étoile de septembre, bien avant de me rappeler l’amputation de l’avant-bras droit du poète-soldat, un 28 septembre 1915, au mitan de l’allègre festin des bouchers de l’Europe, bien avant la sublime renaissance du poète suisse devenu français, magicien gaucher de l’écriture, sous le signe de la constellation d’Orion, bien avant de croire que mon étoile pouvait dialoguer avec sa main de braise montée au ciel, l’unique consolation du poète…

***

J’ai longtemps habité la lune, bien avant de fréquenter tant et tant de corps et d’esprits affamés de ma presqu’île, affamés vous dis-je, littéralement affamés, dévorant Kant et Spinoza vivement, sans commune mesure, suçant les concepts à tour de cerveau fébrile, non loin des tombes et des décombres, avec les chiens des demains de l’incertitude et les renards de l’industrie de la biotechnologie agricole de Monsanto, s’approchant de ma terre en catimini, dans leur acharnement à tourmenter la semence de ma terre, notre terre, avec nos penseurs repus et nos raisonneurs faméliques – c’est à mourir de rire – dans leur témérité à n’alimenter que des idées tordues, alors qu’ils entendent hurler fort bien, toute notre misère et celle des autres, dans l’écho du vaste sud, et qu’ils perçoivent, brandi dans le camp du grand nord, le bras armé de la richesse, opulente, arrogante, méprisante…

***

J’ai longtemps habité la lune, bien avant l’arrivée des crises en cascade : celle de l’ami Paco et celle de l’ami Marius, question de cœur : un sol majeur pour toi mon frère, maître de percussions et de répercussions frénétiques, et deux mots quatre paroles pour toi, frère d’encre hilarante et de somptueux « éclats de rien », révoquant les grimaces du quotidien ; il y a celle de Mimi Barthélémy aussi, question de cœur aussi, Messieurs dames la société : Mimi la conteuse, fauchée à la Molière sur la scène de Paris, ne nous fera plus rire du Code noir, de Colbert et du mercantilisme et ses musiques, au marché noir de l’art…
…on se contentera d’autres crises donc, particulièrement celle du marché mondial et de la finance imperceptible que seules les courbes des bourses savent rendre faussement parlantes, avec le non-sens de l’excroissance de la croissance en chute libre, avec un CAC quarante qui craque et nous fait craquer à notre tour, à chaque instant, et un DOW JONES qu’on nous oblige à porter sur nos dos, pas assez cassés…
…on se contentera notamment d’un Barack à la maison blanche, d’un Bachar à la boucherie de Damas, d’un philosophe grandiloquent à la télévision, d’un poète qui a dompté sa rage, à force d’être encouragé et entraîné à bien savoir raser les murs ; puis on se contentera d’attendre que ça brûle pour de bon, pour de vrai, dans une sanglante fraternité…

***

J’ai longtemps habité la lune, bien avant de rater ma mort de dix secondes, un 12 janvier 2010, à 16h53 précises, moi tremblant sous l’effet d’une magnitude de 7,5 sur l’échelle de Richter, dans le bureau des anciens généraux, à l’ancien quartier général des forces armées d’Haïti, transformé en haut lieu symbolique de la culture, c’est-à-dire de l’élevage et du contrôle approximatif de l’art et des artistes en terrain d’état miné ; bien avant d’encombrer ma mémoire, plaine de cadavres et de mauvais sang, de tous les coups d’état, de tous les combats, de tous les coups bas et de toutes les secousses réunies, bien avant de m’en prendre à moi-même, d’avoir raté ma rencontre en ce mois de juin 2013 avec Derek Walcott, vous m’entendez, Derek Walcott, vous dis-je…
…et de m’entendre dire à moi-même que je dormirai désormais avec un réveil de métaphores capable de mieux m’aiguiller dans le galimatias des retards, malgré les grèves et les barrages, malgré l’essence à la hausse, il me faut un réveil de métaphores, vous m’entendez, pour m’indiquer l’heure bonne de la conscience et des aubes de cordialité…
…et comment ne pas marteler une fois pour toutes, qu’une bonne provision de tropes ne saurait être de trop, pour nourrir l’étreinte de nos langues et nos langages, les torsader et les épurer pareillement, en perspective de nos besoins et nos désirs de haute nécessité…

***

J’ai toujours habité la lune, vous dis-je, la première, et moi, face au monde qui m’habite, face à moi-même, face à l’Autre, dans l’engrangement des mots de couleur les plus subtils, les plus utiles à ma lenteur et mon grand silence, au creux de l’impatience du plus beau conflit…
…et sachez qu’il n’y a rien à craindre de cette fausse syntaxe qu’est la chronologie : le mythe semble échapper à l’homme désormais, par manque d’obsession, par faute de goût, par peur de re-nouveaux…
…et voici toutes nos chances, les premières et les dernières, qui se jouent sur l’accord du Moi et du Monde, par fluctuation d’images…
…poétiques…

 


 

Jean-Durosier Desrivières

Yon bèl batay k’ap met sou pye

« Vrè sivilizasyon an se zafè obsesyon.
Sivilizasyon se yon lide sansans, men lè ou santi l, lè ou viv li entegralman,
akoz de sa, akoz de sa menm, li tounen laverite.
M ap preche obsesyon.
Vrè ideyal la : yon fanm « posede ».
[…] M ap fè siyon bay tout Anraje. »
Aimé Césaire, « Siyon bay majisyen ».

Sa fè lontan depi mwen nan lalin, anvan menm ke m aprann se pa kay lejitim mwen, anvan menm ke m aprann ke manzè lalin pa plis ke yon dansèz extravagan k ap trennen tèt mwen nan ronn tout katye l k ap fè laviwonn dede san rete nan viwonn latè, anvan menm ke m aprann ke lanmou lèzòm gen pou manmzèl fè yo depoze pye yo sou yon ronn kò tou kòryas, tankou yon preliminè, alòske yo prevwa fè de li, nan yon tan ki pa lwen, yon tan kèkontan, yon bon jan bòdèl, pi meyè bòdèl pase latè…

****

Sa fè lontan depi mwen nan lalin, anvan menm ke mwen kòmanse goute yon grap jenn fi fre tankou flè, alòske mwen prefere gwo fanm byen kanpe, ki pi gran pase m, ke mwen renmen tankou mango ki byen mi, anvan menm ke mwen tande yo di souvan de Terèz, yon vwazin gra ki pa chich nan katye a, mwen tande yo di souvan de li, mwen di w, e yo di menm bagay la de yon pakèt lòt fanm dayè, ke manmzèl fè lagè 14, san mwen pa doute yon segonn ke se pil bouton tankou twou bal ki pèse janm long pwès li yo ki lakòz yo di sa, se sa atò dyòl alèlè pran pou prèv tètchat, anvan menm ke mwen tande lòt moun presize menm, ke fanm sa yo k ap mache ak kwiss yo tatouwe konsa a menm, se drapo menm yo t ap pote, nan gè sa a menm…
…e ki sa nou ka di de lòt fanm ke yo di ke se pa de gè ke yo pa fè, menm gè lendepandans Dayiti, yon fason pou prezante yo tankou yon bann pleziyis k ap apante gason sèlman, alòs ke se yon bann aksyonèz chaje ak fent, ki konn ki jan pou yo woule anba yon pil nonm ki enève nan pantalon yo, e se lè sa a nou kòmanse konprann ke yon Marie-Jeanne gen menm valè ak yon Jeanne d’Arc, e se lè sa a mwen kòmanse mande tèt mwen atò si gè lendepandans lan ak gè pou pa mouri grangou pa vo tout gè ki fèt an France…
…bon mezanmi ! kisa Ogou ap tann pou li mete sou pye pou nou yon bon jan kòktèl vèsesan dous kou ladoudous san pèdi tan, konsa Bondye t a ekzose priyè defen Georges Brassens, e li t a tou pwofite pou fè nou tout bliye gou dyòl-loulout batay sovaj tanlontan yo te genyen, anvan menm ke n al bwachat nan defann yon kolonn lide…

***

Sa fè lontan depi mwen nan lalin, mwen di w, anvan menm ke m aprann nan liv istwa peyi Dayiti, ke Elie, prezidan eli a, an bon jan moun fou ki pa rete ak moun fou, te deklare pil pwisans Axe la lagè, sou lòd Tonton Sam ; mwen konn sa anvan menm ke mwen kòmanse travèse dife ak lafimen nan lari Pòtoprens, lè ti diktatè a, pitit doktè ki te diktatè a, te fini pa pati an fevriye 86, nan mitan yon kannaval bal pètpèt mayi ke sòlda enbesil nou yo, jeneral madigra nou yo, pran vize nan fal tout moun, paske yo te jije bon pou yo toufe rèl nou nan gòj nou, anvan menm ke m aprann ke mwen te kapab sipòte dyòl yon kòlt 38 frèt kou nen chen sou tanp mwen, ant avni John Brown ak riyèl Bèn, yon jouswa kouvrefe ; ke mwen te kapab siprann, san fè yon pa kita, kanon yon 22 k ap satiyèt rèl do m, paske mwen te Dèlma 19 pa aza, kay yon zanmi lekòl ki te nan menm klas twazyèm avè m, alòs ke detwa kliyan viktim t ap chèche manman l ki te yon gwo raketè ; ke mwen te kapab kaka dlo nan pantalon m jan w tande l la, apre ke yon lewopa san fanmi te met deyò lè li te fin brake mitrayèt li a sou mwen ak jounalis venezyelyen sa a ke mwen t ap gide nan dekò makab masak militè rejim tranzisyon demokratik la te komèt nan lekòl nasyonal Ajantin Bèlgad, nan riyèl Vayan, jou 29 novanm 1987 sa a, jou eleksyon avòte a…
…e vwalatilpa ke m ap travèse monn lan jodi a, pase de yon zile kèsoubiskèt a yon lòt, de yon lanmè malandren a yon lòt, de yon kontinan enteresant a yon lòt, mwen tankou yon moun ki pa mele nan zafè moun, yon moun ki bliye pi bèl konesans ke li genyen, aaa ! pi bèl konesans mwen genyen : de fèy zòrèy mwen ki se espesyalis nan detekte tout bri gwozam ak tizam – Mitrayèt, Glòk, Tank, Ouzi, Fizi, Obi… – ak pil « Klowat » sezon nwèl ki se batmankè yon vil ki kite figi l anfle ak zetwal, ak dlo lanmè, ak pil fatra…
…e poutan, sèl bagay ki t a ka toke kòn li ak memwa m, se detwa mo ke mwen pran san m sere, pou m evite pran lòd pou tire nan bouch rèv mwen ki bwè ronm jouk li sou byen sou, jouk li pran sote, anvan menm ke mwen sezi sa-mwen-ye nan yon espas ki toujou an mouvman toutan…

***

Sa fè lontan depi mwen nan lalin, anvan menm ke m tonbe feyte powèm « Les Pâques » la, jis mwen dekouvri ladan l ke soufrans Nèg Nazarèt la, ki renmen bouzen, egalego ak touman Freddy k ap pote kwa pa l nan zantray mekanik vil Nouyòk an 1912, anvan menm ke mwen viv, tankou yon bon jan flanm dife, rezireksyon powèt sa a nan « Journal » li a, an 1913, kote li idantifye kè l ak kè Lòt, « twò sansib », anvan menm ke mwen abitye ak non Blaise Cendrart, de mask nonmoun pou kache sann Frédéric Louis Sauser ki fèt sou menm zetwal avè m, yon bèl zetwal mwa septanm, anvan menm ke mwen raple m ke yo te koupe pati bradwat powèt-sòlda sa a, yon 28 septanm 1915, nan mitan bèl fèt griyendan bouche an Ewòp yo t ap fè a, anvan menm ke powèt swiss la refèt pou yon pi bèl vi : li vini franse, majisyen goche nan ekriti, anba siyon konstelasyon Oryon, anvan menm ke mwen kwè ke zetwal mwen t’a kapab pale ak men tizondife l la ki monte san syèl, e ki se sèl konsolasyon powèt la…

***

Sa fè lontan depi mwen nan lalin, anvan menm ke mwen pran frekante yon bann moun nan peyi m ak grangou nan vant grangou nan tèt, grangou mwen di w, grangou jan w tande l la, y ap dechire Kant ak Spinoza preseprese, san reflechi, y ap souse konsèp ak lafyèv nan sèvo, toupre tonm ak dekonm, avèk yon kolonn chen demen-ensèten, avèk vye chen endistri byoteknoloji agrikòl Monsanto yo, k ap chèche antre sou tè peyi m an chatpent, pou yo matirize semans tè peyi m san pitye, semans tè tout moun, avèk filozòf vant deboutonnen nou yo ak radotè lamègzo nou yo – adye wi dan – ki jwenn fòs ak kouraj pou pran swen lide dwategòch tout jounen, alòs ke yo pa ka di yo pa tande rèl lamizè nou ak lamizè yon bann lòt moun nan ekovwa tout tipeyi pòv yo, alòs ke yo pa ka di yo pa wè nan kan gwo peyi rich yo, zam fè kenken dèyè richès yo, yon kokennchenn richès, byen arogan, byen meprizan…

***

Sa fè lontan depi mwen nan lalin, anvan menm ke yon pakèt kriz kòmanse kannale desann : pa Paco a ak pa Marius la, ki se de bon zanmi m, se zafè kè : yon bon son nago pou ou vye frè m, mèt tout kò tanbou ki pa mande rete, e de mo kat pawòl pou ou tou vye frè lank blagè ak istwa boutanbout bèl mèvèy anyenmenm, pou revoke simagri tout lasentjounen nou yo ; epi gen kriz pa Mimi an tou, ki se zafè kè tou Mesyedam la sosyete : Mimi Barthélémy ki kase kòd lavi, tankou misye Molière, nan konte kont sou sèn Paris, p ap fè nou ri ankò sou kesyon Kòd nwa, Colbert, mèkantilis ak tout kòd mizik yo, nan mache nwa kreyasyon atistik…
…dizondi n a kontante nou de lòt kriz, kriz mache mondyal la espesyalman, ak kriz finans envizib la ke sèl koub chema bous yo konn ki jan pou yo fè sa pale nan manti kou chen, avèk yon kwasans k ap grenpe monte san rete nan yon bese-ba ki pa mande rete, avèk yon CAC karant k ap krake, k ap fè nou krake avè l tout jounen tankou moun ki pran krak, ak yon DOW JONES y ap fòse nou pote sou do nou ki pa ase bosi dapre yo…
… dizondi n a kontante nou sitou de Barack k ap layite nan « Maison blanche », de Bachar k ap kouperache nan bouchri Damas, de yon filozòf pale-anpil-metela nan televizyon, de yon powèt k ap donte movesan l, paske yo tèlman ankouraje l, yo tèlman antrene l pou l mache tèt bese san gade ; epi n a kontante nou rete brakwaze, jiskaske tout bagay tonbe nan yon gwo deblozay tout bon vre ak yon bèl vèsesan ant frè ak sè…

***

Sa fè lontan depi mwen nan lalin, anvan menm ke mwen rate lanmò m apre dis segonn, yon 12 janvye 2010, a 16zè53 ekzakteman, mwen menm ki pran tranble anba yon manytid 7,5 sou lechèl Richtè-a, nan biwo ansyen jeneral yo, nan ansyen katye jeneral fòs lame peyi Dayiti a, ki tounen yon espas senbolik wololoy nan zafè kilti, sa vle di kote yo leve ak kontwole plizoumwen atis ak kreyasyon atistik sou tè pèlen-leta ; anvan menm ke mwen ankonbre memwa m ki tankou yon savann kadav ak move san tout koudeta, tout konba, tout koutba ak tout vye chòk ki reyini an blòk, anvan menm ke mwen pran joure tèt mwen, paske mwen pèdi chans rankontre Derek Walcott nan fen mwa d jen 2013 la, ou tande sa, Derek Walcott mwen di w…
…epi mwen tande ke mwen di tèt mwen, apati de jodi a m ap dòmi ak yon revèy blennde ak metafò pou l kapab dirije m pi byen nan galimatya tout reta, menm si gen grèv ak barikad, menm si pri gaz monte byen wo, fòk mwen gen yon revèy blennde ak metafò, ou tande sa, pou l montre m lè ki pi bon pou pran konsyans ak lanjelis tout bon santiman…
…epi kòman pou m pa ta kònen sa yon fwa pou tout, pou m di ke yon bon provizyon imaj powetik p ap janm twòp pou ede nou trese akolad lang ak langaj nou yo, pou nou tòdye yo, prije yo menm jan an, san nou pa pèdi chimen sa nou bezwen ak sa nou anvi ki plis ke nesesè…

***

Mwen toujou nan lalin, mwen di w, premye a, ak mwen, fasafas ak monn lan anndan m, fasafas ak tèt mwen, fasafas ak Lòt, nan rasanble mo tout koulè ki pi delika, ki pi endispansab pou mwen pran tan mwen ak yon silans ki pa rete ak silans, nan twou lenpasyans yon pi bèl goumen…
…sèl bagay pou w konnen, kronoloji ki se yon move règ gramè pa ka fè w pè : lèzòm pa okipe yo de lejann ankò kounye a, paske yo pa obsede ase, paske yo pa konn gou bouch yo, paske yo pè tout sa ki retounen tounèf…
…epi gade tout chans nou, kit se premye kit se dènye chans, yo tout ap jwe tèt yo sou konpa Monn lan avèk Mwen, gras ak kadans kèk imaj…
…powetik…

1 « Comme en Quatorze », Meeting n° 11 – textes bilingues, Editions meet, 2013, p. 27-36.
2 Frédéric Louis Sauser, alias Freddy, signe au bas de son poème Les Pâques à New York qui paraît à Paris en novembre 1912, Blaise Cendrart – le poète, l’artiste est né des cendres de l’Autre. Plus tard, Cendrart devient Cendrars.