Rédigée par Mireille Delmas-Marty, Patrick Chamoiseau et Michel Le Bris, la Déclaration de St-Malo appelle à mettre en place une gouvernance mondiale, dans la gestion des migrants.
Face au désastre humanitaire qui accompagne des migrations d’une ampleur sans précédent, les surenchères répressives qui tiennent lieu de politique des migrations sont un déni de réalité ». Le texte intégral de ce que Patrick Chamoiseau a présenté comme un « Appel de Saint-Malo » a été lu dimanche 20 mai 2018, pendant le Festival Etonnants Voyageurs, à l’Auditorium du Palais du Grand Large. Le voici :
Appel de Saint-Malo
Face au désastre humanitaire qui accompagne des migrations d’une ampleur sans précédent, les surenchères répressives qui tiennent lieu de politique des migrations sont un déni de réalité. Les écrivains, artistes et réalisateurs réunis à Saint-Malo appellent la Communauté internationale à mettre en place une gouvernance mondiale nourrie de nos traditions multiséculaires et de nos imaginaires. L’urgence est à la construction d’un principe d’hospitalité qui deviendrait opposable aux États.
Le point de départ est le constat d’interdépendance. Comme l’a reconnu l’Assemblée Générale des Nations Unies en 2016 « aucun Etat ne peut à lui seul « gérer des déplacements massifs de réfugiés et de migrants ». Les conséquences, qu’elles soient « politiques, économiques, sociales, développementales ou humanitaires » atteignent non seulement les personnes concernées et les pays d’origine mais les pays voisins et ceux de transit, ainsi que les pays d’accueil.
Comme pour le climat, l’interdépendance appelle un devoir de solidarité qui mobilise de multiples acteurs bien au-delà du dialogue interétatique. Des scientifiques (les climatologues sont remplacés par démographes et anthropologues) deviennent lanceurs d’alerte et veilleurs. Des collectivités territoriales (Etats fédérés et grandes villes) s’engagent. Des partenariats s’organisent avec les migrants et les diasporas et plus largement avec la société civile dans sa diversité : ONG et syndicats, citoyens spontanément solidaires malgré les risques de poursuite pénale.
Il reste à mettre en oeuvre les responsabilités « communes et différenciées » des États. Communes parce que les objectifs sont les mêmes : des migrations « sûres, ordonnées et régulières ». Différenciées parce qu’elles varient nécessairement d’un pays à l’autre selon des critères à définir : quantitatifs, comme la population, le PIB ou le nombre moyen de demandes ; qualitatifs comme le passé historique ou la situation socioéconomique.
La force et la faiblesse de ce modèle de gouvernance mondiale est qu’il repose essentiellement sur la bonne volonté des acteurs. Pour être efficace, il doit être pleinement reconnu en termes de légitimité. La célébration des 70 ans de la Déclaration universelle des droits de l’homme, en décembre 2018, est l’occasion de cette reconnaissance. À l’image du développement durable qui a permis de pondérer innovation et conservation, le principe d’hospitalité, régulateur des mobilités humaines, permettrait de pondérer exclusion et intégration et d’équilibrer les droits et devoirs respectifs des habitants humains de la Maison commune.