— Par Sophie Joubert —
L’universitaire et essayiste, spécialiste du théâtre du XXe siècle, est décédé le 20 août à 85 ans.
Volontiers provocateur et farouchement indépendant, Michel Corvin était, à 85 ans, un immense lecteur, un défricheur curieux des écritures contemporaines, un spectateur assidu et attentif aux formes nouvelles. Avec gourmandise, il préférait parler de jeunes auteurs presque inconnus plutôt que des Surréalistes dont il était pourtant un grand connaisseur. « Il avait du goût pour ce qu’il ne connaissait pas encore, il était plutôt du côté des voyous que de l’orthodoxie » analyse Olivier Neveux, professeur d’histoire et d’esthétique du théâtre à l’université Lumière Lyon-2 et rédacteur en chef de la revue Théâtre/Public.
Né le 10 septembre 1930, Michel Corvin a fait sa thèse de doctorat sur les avant-gardes théâtrales de l’entre deux-guerres. Avec son collègue et ami Bernard Dort, dès les années soixante, il renouvelle l’étude du théâtre en luttant contre la suprématie du texte. Au sein de l’Université, il fait figure de frondeur en s’intéressant à des personnalités marginales, écrit sur Artaud, Kleist, le mouvement Dada, mais aussi sur Feydeau et le théâtre de Boulevard. Parmi les contemporains, il s’est passionné pour Roland Dubillard, Noëlle Renaude ou Valère Novarina à qui il a consacré un ouvrage « Marchons ensemble, Novarina » (Les Solitaires intempestifs, 2012). Pour le grand public, il restera le maître d’œuvre du « Corvin », le « Dictionnaire encyclopédique du théâtre », paru en 1991 et régulièrement mis à jour : « les latinistes ont le Gaffiot, et nous avons le Corvin » poursuit Olivier Neveux « mais le dictionnaire a fait écran à une autre partie de son travail, notamment son édition du théâtre de Jean Genet dans la collection de la Pléiade, il s’est colleté à une œuvre impossible à un moment où l’Université était archi-brechtienne »…