— Le Jdd.fr avec AFP —
La Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a condamné jeudi la France pour son refus de reconnaître la filiation entre deux couples et leurs enfants nés d’une gestation pour autrui aux Etats-Unis. « Pour nous, cela change tout », a réagi l’une des familles qui avaient saisi la juridiction européenne.
Nul doute que la condamnation de la France jeudi par la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) va faire parler. En avril 2011, la Cour de cassation avait opposé une fin de non-recevoir à deux couples français souhaitant faire transcrire dans l’état civil français les actes de naissance de leurs enfants nés par gestation pour autrui (GPA) aux Etats-Unis⋅ La plus haute juridiction de l’ordre judiciaire avait alors jugé « contraire à l’ordre public (…) la décision étrangère (de reconnaissance de la filiation par GPA, Ndlr) qui comporte des dispositions heurtant des principes essentiels du droit français ».
Mais la CEDH – saisie par les deux couples – a estimé jeudi que le refus des autorités de transcrire des actes de filiation réalisés aux Etats-Unis à la suite de naissances par mère porteuse portait atteinte à l’identité des enfants⋅ « Interdire totalement l’établissement d’un lien de filiation entre un père et ses enfants biologiques » est « contraire » à la convention européenne des droits de l’Homme, écrit-elle dans son arrêt⋅
Cela « porte atteinte à leur identité au sein de la société française »
La Cour européenne s’est toutefois gardée de se prononcer sur le choix des autorités françaises d’interdire la GPA, en vertu de « l’ample marge d’appréciation » que doivent se voir accorder les États dans un domaine qui pose « de délicates interrogations éthiques » et de l’absence de consensus sur le sujet en Europe. » Cette marge d’appréciation doit néanmoins être réduite dès lors qu’il est question de la filiation, car cela met en jeu un aspect essentiel de l’identité des individus », estime également la CEDH, pour qui le refus d’accorder aux enfants concernés la nationalité française « porte atteinte à leur identité au sein de la société française ». Elle a décidé d’allouer à chacun des enfants 5.000 euros au titre du dommage moral.
La Cour admet aussi que l’intention de la France relève de buts « légitimes » tels que la protection de la santé et la protection des droits et des libertés d’autrui. Elle relève aussi que le refus des autorités françaises de reconnaître les filiations d’enfants nés par GPA à l’étranger « procède de la volonté de décourager ses ressortissants de recourir hors de France à une méthode de procréation qu’elle prohibe sur son territoire ».
Désormais, la France peut demander un nouvel examen de l’affaire par la Grande Chambre de la Cour européenne. Mais elle devra de toute façon se conformer à l’arrêt final de la CEDH, en adaptant si nécessaire sa législation. « Cette décision fera évidemment jurisprudence en France et ailleurs. Le droit français ne peut en aucun cas rester en l’état puisque la jurisprudence de la Cour de Cassation vient d’être battue en brèche », a fait valoir Me Spinosi, l’avocat des époux Mennesson. Selon lui, « 2.000 enfants en France sont placés dans une situation identique à celle » de ses clients.
« Nos filles ne seront plus les fantômes de la République »
Début 2013, la ministre de la Justice, Christiane Taubira, avait déjà diffusé une circulaire invitant les juridictions à « faire droit » aux demandes de certificats de nationalité pour les enfants nés à l’étranger de Français dans le cadre de la GPA. Mais dans ses arrêts successifs, la Cour de cassation avait, elle, estimé que les enfants conçus par GPA « ne peuvent figurer dans les registres d’état civil puisque cette technique est interdite en France ».
L’initiative de la Garde des Sceaux avait été vivement critiquée par certains élus de l’opposition et par les milieux proches de la « Manif pour tous », hostiles au mariage gay, qui craignent de voir un jour les homosexuels accéder légalement aux méthodes de procréation médicalement assistée. François Hollande a répété à plusieurs reprises son opposition à la GPA….
A-Ch. D. (avec AFP) – leJDD.fr : http://www.lejdd.fr/Societe/GPA-la-Cour-europeenne-des-droits-de-l-Homme-condamne-la-France-673439
Lire un dossier complet sur le thème : Retour sur une question controversée : le sort des enfants nés d’une mère porteuse à l’étranger
Par Gaëlle Ruffieux
http://rdlf.upmf-grenoble.fr/?p=4989