— Par Loïc Céry(*) —
Retour sur les soubresauts actuels autour de la véritable guerre des dates de commémoration du souvenir de l’esclavage, après la grève de la faim de Serge Romana et la réintroduction par le Sénat de l’article 20A si controversé, du projet de loi Égalité réelle outre mer. Chronique d’un saccage annoncé.
À vrai dire, c’est au gré d’un excellent sujet du JT de France Ô du mercredi 18 janvier 2017, au moment même de la réintroduction au Sénat de l’article 20A, qu’on peut mesurer combien ce qui est aujourd’hui considéré par le CM98 comme une victoire, provient d’une très longue guerre des dates de commémoration. Archives à l’appui (c’est aussi la force des synthèses journalistiques de fond), on reverra ici combien dès l’instauration en 2006 du 10 mai comme Journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions, Serge Romana s’est toujours opposé à ce choix, en faisant prévaloir la légitimité exclusive du 23 mai, en référence au 23 mai 1998 et à la manifestation des Antillais de Paris, manifestation dont il fut l’un des organisateurs, avant de fonder son association CM98. On reverra ici cette opposition à toute légitimité du 10 mai pourtant démocratiquement choisi après une consultation à laquelle il avait participé. On réentendra aussi les mots très clairs du Président Chirac lors de la première journée du 10 mai, il y a plus de 11 ans de cela, quand il proclamait : « Mémoire et justice devaient être rendues à ces millions et ces millions de victimes anonymes de l’esclavage ».
C’est dire combien dans toute cette affaire, il aura été particulièrement insupportable d’entendre les mensonges les plus grossiers concernant cette date du 10 mai, censée célébrer les seuls abolitionnistes français : cette date bel et bien choisie, selon son appellation même, pour célébrer les victimes, le crime de la traite, celui de l’esclavage et le moment des abolitions. Et ce, en ne figeant jamais la commémoration en une fixité victimaire. Le sujet de France Ô, à regarder et diffuser d’urgence :
Au début du ramdam médiatique créé autour de la grève de la faim de serge Romana, j’avais pour ma part pointé du doigt avec vigueur la désinformation véhiculée dans les premiers jours. C’est avec la même vigueur que nous saluons ici le rétablissement très synthétique des faits, dans cette mise en perspective indispensable.
Les manipulations du sénateur Larcher, la solitude du sénateur Desplan, la sagesse fuyante du gouvernement
Cette objectivité devant les faits est aujourd’hui d’autant plus précieuse que mercredi 18 janvier justement, lors de l’examen des amendements visant la réintroduction de cet article 20A lors de la deuxième séance publique du débat sénatorial sur le projet de loi Égalité réelle outre mer, c’est à un véritable tour de force qu’on a pu assister : le sénateur Serge Larcher, en présentant son amendement d’un ton tremblant, prétend sans broncher, en plein hémicycle, qu’en vertu d’un « imbroglio » actuel dans la législation, « Actuellement, il y a une mémoire de l’abolition de l’esclavage, de Champagney en 1789 à la révolution de 1848, consacrée par la journée du 10 mai. »
Ne serait-ce que dans cette déclaration liminaire, se manifeste sans vergogne une contre-vérités factuelle qu’il faut relever, et c’est celle de la présentation ouvertement tronquée de ce qu’est la journée nationale du 10 mai, Journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions, ici présentée comme célébrant « une mémoire de l’abolition de l’esclavage, de Champagney en 1789 à la révolution de 1848 ». Mais à vrai dire, avant même de faire le bilan indispensable de ce débat assez rocambolesque en soi, il faut l’avoir vu :
Ce débat de 27 minutes est en lui-même assez dense, quant aux manipulations utilisées dans la présentation du 10 mai, mais aussi quant positions des uns et des autres, j’en propose par conséquent une synthèse nécessaire, fondée sur le verbatim du débat, autour des points suivants :
La présentation de l’amendement de réintroduction présenté par le sénateur Serge Larcher (et défendu par ailleurs par trois autres collègues à lui, Jacques Gillot et Jacques Cornano pour la Guadeloupe et Maurice Antiste pour la Martinique), outre même la présentation mensongère du 10 mai, rappelle bien que cet article a été écrit pour satisfaire les désidératas d’une association, le CM98 qui en a été le promoteur. L’association est ouvertement citée, à côté de deux autres, de Guadeloupe et Martinique, citées pour faire bonne figure. « Aujourd’hui, on assiste à l’émergence d’une mémoire qui se veut apaisée et qui se bat avant tout sur l’hommage aux victimes de l’esclavage. Cette politique mémorielle est conduite par des associations d’entrepreneurs de mémoire comme le CM98, association nationale, « Lanmou ba yo » en Guadeloupe, l’association martiniquaise de recherche sur l’histoire des familles. » La réclamation controversée et contestée par tant d’associations qui à aucun moment n’ont été concertées en quoi que ce soit pour la rédaction de cet article, est donc présentée par les mots du sénateur Larcher, comme porteurs d’une « mémoire apaisée ». Il s’agit de balayer purement et simplement les controverses suscitées par cet article, de les ignorer ni plus ni moins. Plus loin, on a encore ceci : cette vision pour le moins partiale « permettra de faire émerger une nouvelle citoyenneté, un nouveau contrat entre les outre mer et la République ». Il fallait bien défendre l’amendement de réintroduction de l’article, on peut en accepter le principe. Mais de là à ainsi manipuler les faits (la présentation tronquée du 10 mai, l’habillage de la célébration des victimes comme une mémoire apaisée, le progrès ainsi réalisé cers une nouvelle citoyenneté), on en arrive à un tel flot de démagogie, qu’il convient surtout d’insister sur le fait que cet amendement de réintroduction concrétise l’appui politique ouvertement revendiqué par M. Serge Romana au soit du mercredi 18 janvier, lors de la célébration par le CM98 de la « victoire ainsi obtenue », avec remerciements au passage, adressé au sénateur Larcher. Dans le débat au Sénat, le sénateur Jacques Gillot a lui aussi défendu l’amendement de réintroduction, mais en des termes excluant toute la démagogie dont a fait preuve Serge Larcher.
Le sénateur de Saint-Martin Guillaume Arnell demande une discussion en séance publique : Bien que soutenant la réintroduction de l’article, on ne peut qu’être frappé par l’insistance de sénateur Arnell sur la nécessité d’une nouvelle discussion en séance publique, à propos de cet article. Cela illustre bien ma gêne devant cet article : le sénateur insiste sur cette nécessité, en précisant à propos de la grève de la faim entamée devant le Sénat par Serge Romana avant l’examen du texte : « Il me paraît difficile pour la représentation nationale, ici, de travailler sous cette forme de pression. Si nous venons à voter en faveur, cela pourrait être interprété comme résultant d’un acte de pression sur les parlementaires que nous sommes et ce serait regrettable, alors que nous comprenons chacun d’entre nous le sens de la démarche ». On ne peut négliger cette gêne des parlementaires, soumis à un véritable chantage. Il demeure, malgré l’adoption de cet amendement du sénateur Arnell demandant un nouveau débat, que ce vote s’est bel et bien effectué sous la pression effective de ce chantage. Ce sont là, les simples faits. Et ce n’est pas faute d’avoir alerté les sénateurs, par le message que nous leur avons adressé le 16 janvier. Le 18 janvier, c’est sous la pression d’une grève de la faim médiatisée et d’un lobbying forcené, que le Sénat a décidé la réintroduction de l’article 20A. La discussion ouverte, nous l’attendons toujours.
L’amendement déposé par la sénatrice Aline Archimbaud : En arguant de la nécessité du « devoir de mémoire », la sénatrice précise que « la distinction entre les deux journées est demandée de longue date par de nombreuses associations et descendants de victimes ». On retrouve là le même argument qui avait été évoqué par le rapporteur de la loi à l’Assemblée, Victorin Lurel. Rappelons encore une fois qu’il s’agit là, ni plus ni moins, que de la réitération de la propagande dont s’est servi le CM98 auprès des députés qui ont porté l’amendement 132 lors de la lecture à l’Assemblée, repris donc aujourd’hui par une sénatrice. Il convient surtout de ne pas accuser Mme Archimbaud, qui doit croire en toute bonne fois la véracité de ce qu’on lui a présenté ainsi. Rétablissons encore une fois, sempiternellement s’il le faut, que cet argument est un simple mensonge : cette « distinction entre les deux journées », celle du 10 mai et celle du 23 mai n’a jamais émané de « nombreuses associations », mais bien d’une seule, le CM98 qui a institué cette date du 23 mai. Aucune autre association n’a jamais demandé cela. Présenter cette demande comme étant l’émanation d’un souhait collectif, redouble en fait le coup de force d’aujourd’hui, du lobbying effectué par le CM98 : il s’agit d’entériner le fait que cet amendement initial déposé à l’Assemblée n’a résulté d’aucune consultation avec les autres associations. Un pur mensonge par conséquent, répété avec la bonne foi de ceux à qui on l’a seriné, et qui le présente au sein d’une assemblée républicaine, comme une évidence. Tout ceci est scandaleux, nous le répétons ici avec toute la force nécessaire : c’est seulement au prix du dévoiement de l’action associative que l’on peut ainsi manipuler la représentativité dont on se décrète l’incarnation. Le CM98, en ayant fait pression sur les parlementaires, ne porte que sa parole et ses demandes. En aucun cas il ne saurait être tenu pour le porte parole des toutes ces centaines d’associations qui travaillent en l’Hexagone et dans les outre mer, à faire vivre cette mémoire de l’esclavage.
L’ « avis de sagesse » exprimé par la ministre des outre mer Éricka Bareigts : Sur la même ligne que celle exprimée par le rapporteur de la loi au Sénat, le sénateur Darnaud, la ministre des outre mer réitère l’ « avis de sagesse » qu’elle avait émis au nom du gouvernement lors de la lecture du texte à l’Assemblée. Il s’agit d’un avis permettant au gouvernement ou au rapporteur de se dédouaner en quelque sorte d’une prise de position, favorable ou défavorable, en s’en remettant à la « sagesse » du vote des parlementaires. Pour le gouvernement, devant la controverse suscitée par l’article 20A, cette position peut paraître très opportune. Cela se confirme par l’étonnant argument évoqué tant par le rapporteur que par la ministre elle-même, à savoir la prochaine fin de la mission de préfiguration confiée à Lionel Zinsou, de ce projet de Fondation nationale pour la mémoire et l’histoire de l’esclavage, dont François Hollande avait émis le projet lors de son discours du 10 mai 2016, à la Journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions. Nous nous pouvons qu’avouer notre étonnement devant un tel argument, pour deux raisons : déjà, on se demande bien le rapport qui peut exister entre le projet de cette fondation, et la nécessité de trancher la question soulevée par cet article (si on peut nous expliquer, nous sommes preneurs) ; ensuite, il faut rappeler pour ceux qui ne le sauraient pas que ce dossier du projet de la fondation en question est toujours aujourd’hui au point mort, alors que la remise du rapport de Lionel Zinsou avait été prévue pour l’automne dernier, et la création effective de cette fondation, programmée pour la fin 2016. Nous précision également qu’au nom de l’Institut du Tout-Monde et des associations représentatives, nous avions remis au Président de la République une lettre que nous mettons en annexe à ce billet. Rien n’y a fait : après avoir quitté le comité de pilotage de cette mission de préfiguration devant les atermoiements que ledit comité faisait perdurer, cette démarche n’a guère été suivie d’effet. La mise en place de cette fondation s’effectue par conséquent dans des conditions de complète opacité, dans l’entre-soi établi autour de l’actuel CNMHE, du CM98 et des coordonnateurs de ce comité. Encore des procédés scandaleux que nous avons dénoncés. Entendre donc la ministre des outre mer se réfugier derrière l’argument de cette fondation inexistante, pour justifier un avis de sagesse dans ce débat parlementaire, à deux reprises, est donc pour le moins, étonnant.
L’explication de vote de la sénatrice Éliane Assassi : « Je crois qu’aujourd’hui on peut s’accorder sur l’idée que la disposition proposée par l’article 20A n’est pas consensuelle, ce qui me fait dire qu’elle mériterait un débat de fond sur la colonisation et sur ses conséquences d’une part, et sur la politique mémorielle française d’autre part. […] Nous rappelons qu’aujourd’hui à nos yeux, la multiplication des journées de commémoration ne peut que diluer un message pourtant essentiel, en créant de la confusion. Mais j’insiste : nous aurions aimé un vrai débat, certes ici au Parlement, mais j’oserais dire surtout avec nos concitoyens parmi lesquels la jeunesse. Parce que certains s’emparent du débat, et pensent qu’il est clos et qu’il est soldé […] alors même que ce débat n’est pas clairement clos. » Et même en reconnaissant que la mesure prévue par l’article ne la satisfait pas, la sénatrice dit ne pourvoir accepter sa suppression en commission des lois. La sénatrice Assassi en appelle donc, comme son collègue Arnell, à un débat renouvelé autour de cet article.
L’intervention du sénateur Félix Desplan : En défendant à nouveau son amendement de suppression présenté le 11 janvier en commission des lois, qui avait abouti au retrait de l’article 20A, le sénateur Félix Desplan a su maintenir sa position et son analyse, dans une indépendance frappante. Très solitaire face à l’amendement de réintroduction ou aux positions réclamant un nouveau débat, Félix Desplan a attiré l’attention sur le risque de dilution de la substance de la commémoration, compte tenu de la multiplication des dates. Il a aussi tenu à réclamer un regard sur l’histoire qui soit à même de valoriser la résistance des esclaves, plutôt qu’une attitude passive.
Mais la réintroduction de l’article 20A ne pouvait être évitée, compte tenu du rapport de force engagé entre le seul sénateur Desplan et tous les autres, favorables à des degrés divers, à cette réintroduction. Aujourd’hui, le processus parlementaire va suivre son cours, et le projet de loi Égalité réelle en viendra sans doute à être discuté en commission mixte paritaire. Pour autant, le rapport de force restant le même, il est plus que probable que les dégâts soient confirmés. Ces dégâts sont bien réels, et ils sont profonds et durables. Sans exagérer en que ce soit, on peut le dire : comme nous le craignions quand nous mobilisions les uns et les autres à travers notre pétition en évoquant la rupture d’un précieux équilibre acquis en 2001 et en 2006 autour de la mémoire de l’esclavage, on assiste sous nos yeux à un authentique saccage des efforts accomplis depuis 11 ans, pour que ce 10 mai s’affirme comme ce qu’il avait été conçu dès 2006, à savoir la date d’un rassemblement de tous autour des mémoires de ceux qui ont subi et résisté, et d’un souvenir vécu au présent, dans la connaissance de l’histoire. La profonde perversité de cet article 20A ne consiste pas seulement en la division de la commémoration en deux dates distinctes, partie émergée de dégâts bien plsu vastes :
Cet article vide entièrement de son sens initial le 10 mai. On l’a revu plus haut avec l’archive éloquent du discours de Jacques Chirac en 2006, spécifiant bien que cette journée du 10 mais constituait aussi un hommage aux victimes, dans le même mouvement unitaire du souvenir de la traite et des abolitions. Aujourd’hui, à la faveur de la réécriture de la loi, ce 10 mai sera dévolu à la « commémoration de l’esclavage et des abolitions », en une formule elle-même inquiétante car si on peut célébrer les mémoires, on ne saurait commémorer l’esclavage. Les attendus des amendements concernant cet article, dès l’Assemblée et au Sénat, attribuent désormais au 10 mai la seule célébration du combat des abolitionnistes français. Voici donc ce 10 mai désormais voué, par cette réécriture qui en est le saccage, à se faire l’écho, en quelque façon, de ce que fut pendant longtemps, outre mer, ce qu’on nomma le « schœlcherisme » en vertu duquel un regard unilatéral porté sur le mouvement abolitionniste négligerait les luttes des esclaves eux-mêmes pour leur émancipation. Qui, dès lors, ainsi poussé dans les seuls retranchements de ce périmètre-là, consentira à se prêter le 10 mai, à une commémoration tronquée, partielle et finalement caricaturale, dénuée du souvenir de ceux qui endurèrent le système esclavagiste et résistèrent ? Qui acceptera de se plier ainsi à une telle absurdité, provenant d’un véritable coup de force, une folie législative ?
Cet article légitime désormais la division et le communautarisme. En arguant des risques de divisions dans leurs argumentaires, les tenants de cet article n’ont tout de même pas reculé devant la manipulation suprême, en présentant le 23 mai come porteur d’un esprit de « réconciliation ». On ne mène pas, au profit d’une seule association, une réécriture de la loi qui vaudra pour tous, sans provoquer impunément les centaines d’autres associations qui, répétons-le encore et encore, n’ont jamais été consultées le moins du monde à propos de ce bouleversement législatif. Véritable coup de force, véritable politique du fait accompli, cette opération aura réussi pour de bon à cristalliser, et pour très longtemps, la division la plus radicale entre les acteurs de cette mémoire. On l’a vu, l’attitude du CM98 depuis 2006 avait consisté à exiger plus qu’à dialoguer : exiger une hégémonie qui lui sera aujourd’hui accordée. Mais nous restons dans un pays libre, dans cette République qui plus que jamais est un idéal. Personne ne saurait accepter cette confiscation-là, et tous les Français devraient se lever contre cette insulte à la démocratie. Un amendement écrit par le CNMHE dont ce n’est pas le rôle, commandité par une association aux visées antidémocratiques, confié aux bons soins de parlementaires avides de clientélisme : tout cela est un affront à la démocratie, c’est-à-dire à tous et à chacun. Cette législature se sera donc achevée par le mépris des acteurs associatifs ultra marins, au cœur même d’un projet de loi par ailleurs méritoire. En acceptant d’entériner un cavalier législatif opportun, le Parlement aura « en sagesse », laissé se dévoyer l’idéal républicain et la démocratie, idéal que nous reprenons désormais à notre compte puisqu’il a déserté ces couloirs du pouvoir législatif.
L’adoption de cet article s’opère au même moment que la confiscation privée du projet d’une Fondation nationale. Le projet, confié à une mission de préfiguration si peu soucieuse de démocratie, périclitera, ou mettra devant le fait accompli d’un alibi tous ceux qui auraient eu vocation à en élaborer le contenu. En confiant cette mission à une mission de préfiguration opaque et hasardeuse, le président Hollande s’est désintéressé de la concrétisation du beau projet qu’il avait émis dans son discours du 10 mai 2016. Non seulement nous regrettons cet état de fait, mais au surplus, nous regrettons que nos efforts à nous, associations représentatives, pour faire entendre notre voix hors du cénacle antidémocratique initialement mis en place, que ces efforts donc aient été inutiles. Face à nous, ce mur ,de l’entre-soi ou désormais se trame pour tous une politique mémorielle d’État confiquée par des intérêts privés, se donnant la caution d’un discours lénifiant, doucereux et mensonger sur ce que devrait être une « mémoire apaisée ». On apaise en méprisant, on méprise en passant outre, pourvu que celui qui parle le plus fort et qui n’hésite devant aucun tapage, aucun chantage, même le plus rocambolesque, arrache la mise, comme au casino. Les associations ainsi méprisées, auront le seul choix qui vaille, peut-être le plus glorieux finalement, en référence à la lutte de très glorieux ancêtres : elles devront marronner hors du marigot de ce pouvoir et faire vivre cette mémoire selon ce qu’elles ont toujours effectué : un travail de fond. Nous autres, à l’Institut du Tout-Monde, nous inspirons du combat qui fut mené par Édouard Glissant, celui d’un rassemblement des mémoires. Sans appui, sans magouille, sans manipulation.
C’est en grande partie l’inspiration même de la Loi Taubira de 2001 qui aura été saccagée par cette vaste manipulation. Plus que jamais, la mémoire de l’esclavage sera donc un combat, en France. Ce champ mémoriel aura en sa façade officiel, été ruiné par les luttes de pouvoir, et l’affaiblissement d’institutions démocratiques à bout de souffle. Peu importe, finalement. Et puisque cette mémoire est celle de tous, nous continuerons d’exercer notre office en toute clairvoyance, en toute vigilance et en toute indépendance.
(*)Loïc Céry
Coordonnateur du pôle numérique de l’Institut du Tout-Monde, Directeur de la revue La nouvelle anabase, Fondateur de l’IFUPE et des sites Édouard Glissant.fr, Sjperse.org, Les Mémoires des esclavages.com