Paris – Voté sans difficulté mais par la seule majorité: le projet de loi climat a franchi mardi le cap de l’Assemblée, malgré les vives critiques de la gauche et des écologistes sur ses « insuffisances ».
Adopté en première lecture par 332 voix contre 77, et 145 abstentions, dont 6 LREM, le texte est attendu au Sénat courant juin. « Le combat écologique n’est jamais terminé mais avec cette loi nous marquons un tournant« , s’est réjouie la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili après le scrutin.
Inspiré des travaux de la Convention citoyenne pour le climat (CCC) voulue par Emmanuel Macron, le projet gouvernemental comprend une batterie de mesures, comme la suppression de certaines lignes aériennes intérieures en cas d’alternatives de moins de 2h30 en train, la création d’un délit d’écocide ou l’interdiction de la mise en location des logements passoires thermiques en 2028.
Barbara Pompili a rappelé le « processus inédit » de la CCC. Mais le gouvernement se retrouve en porte-à-faux avec ses membres qui jugent leurs propositions « détricotées« .
Malgré « quelques avancées« , des ONG du Réseau action climat dénoncent aussi un « formidable gâchis« . Une nouvelle « marche climat » est annoncée dimanche, après celle du 28 mars.
Fumigènes à la main et cadenas au cou, une dizaine de militantes d’Extinction Rebellion se sont enchaînées aux grilles du Palais Bourbon mardi, fustigeant un texte « indigent« .
– « Les grosses bagnoles » –
Dans l’hémicycle, la gauche a regretté « l’autosatisfaction » du gouvernement (Guillaume Garot, PS), malgré un « empilement de mesures anecdotiques » (Hubert Wulfranc, PCF). C’est une loi « de communication » (Loïc Prud’homme, LFI), « pas à la hauteur de l’urgence » climatique selon l’écologiste Delphine Batho.
Plusieurs élus déplorent le manque d’ambition du volet publicité, qui ne restreint pas la réclame pour les véhicules les plus polluants, comme les « grosses bagnoles« , dixit François-Michel Lambert (Libertés et Territoires).
Marquée par la crise des « gilets jaunes » née d’une taxe carbone sur les carburants, la majorité a insisté sur la « ligne de crête » entre « ambition écologique » et « acceptabilité sociale« .
Ce mouvement social « nous a rappelé comment l’acceptation de la population à la transition était cruciale et n’allait pas de soi« , a redit Marie Lebec (LREM) dans l’hémicycle.
Une prudence manifeste au sujet de la filière poids lourds, très hostile au texte. Les LREM soulignent ainsi les nombreuses « étapes » avant la mise en place éventuelle d’une écotaxe régionale dans les collectivités volontaires.
Remontée contre une « écologie punitive« , de « taxes » et de « culpabilisation permanente » (Jean-Marie Sermier, LR), la droite a majoritairement choisi l’abstention, promettant la défense d’une « écologie positive » lors de la présidentielle 2022. Les élus RN se sont également abstenus.
– « 30 milliards du plan de relance » –
Fin février, le Haut Conseil pour le climat, une instance indépendante, avait pointé « la portée réduite » de certaines mesures, au regard des objectifs de réduction de 40% des émissions de gaz à effet de serre en France, en 2030, par rapport à 1990.
L’Union européenne vient en outre de renforcer ses ambitions en 2030, pour baisser les émissions de 55% par rapport à 1990.
« Ce n’est pas ce projet de loi seul » qui permet d’atteindre les objectifs français, mais « la somme » de plusieurs lois et les « 30 milliards de l’axe verdissement du plan de relance« , nuance le ministère de la Transition écologique.
Le rapporteur général Jean-René Cazeneuve (LREM) insiste sur les « avancées significatives » obtenues durant les débats, au retentissement limité par la crise sanitaire.
L’interdiction de la mise en location des « passoires thermiques » (logements classés F et G en performance énergétique) en 2028 a été élargie aux logements classés E en 2034.
Les députés ont aussi voté un « accompagnement individualisé » des ménages à chaque étape de la rénovation et une garantie partielle pour des prêts (« avance-mutation« ) de familles modestes.
Ont également été ajoutées des mesures en faveur du vélo, comme l’élargissement de la prime à la conversion à l’acquisition de vélos électriques.
Pour l’aérien, la suppression de certaines lignes intérieures (entre Paris-Orly et Nantes, Bordeaux ou Lyon) a animé les débats, bien qu’elle entérine des décisions déjà prises avec Air France. La disposition a été contestée par une poignée de députés de tous bords, principalement élus du Sud-Ouest, où Airbus et ses sous-traitants irriguent l’activité économique.
Source : AFP / Orange