— Par Michaël Hajdenberg —
Grâce à un surcroît de temps libre, un homme sans emploi s’occupe un peu plus de ses enfants. Mais il ne nettoie pas plus souvent les vitres. Quant à tourner le bouton de la machine à laver le linge, cela reste hors de son champ de compétences. La doctorante Myriam Chatot a mené une étude sur le sujet. Entretien concret.
La question avait été étudiée au début des années 2000 par la sociologue Muriel Letrait, chiffres de l’INSEE à l’appui. La chercheuse s’était rendu compte que les hommes perdant leur emploi consacraient plus de temps au bricolage, au jardinage. Plus marginalement aux promenades, au sport, aux jeux, aux courses et à la télévision.
Certes, les chômeurs consacraient plus de temps aux travaux ménagers, aux soins et à la cuisine. Ils s’occupaient aussi deux fois plus de leurs enfants. Mais, expliquait Muriel Letrait, « l’ampleur de ce phénomène reste néanmoins assez limitée puisque près de 40 % des chômeurs n’ont pris en charge aucune tâche ménagère et un chômeur sur deux ayant des enfants de moins de quinze ans n’a pas déclaré leur avoir consacré du temps au cours de la journée de référence. Les variations constatées par rapport aux hommes actifs occupés suggèrent donc seulement un léger élargissement des activités des hommes vers des tâches plus traditionnellement féminines ».
Myriam ChatotMyriam Chatot
La situation a-t-elle évolué depuis ? Doctorante à l’EHESS, Myriam Chatot a publié un mémoire, récompensé en 2014 par la CNAF, sur les pères au foyer en France. Un travail plus qualitatif que quantitatif. Elle a cherché à savoir concrètement dans quelle mesure le non-emploi avait un impact sur les tâches domestiques. Entretien.
Le chômage d’un homme conduit-il à un changement dans la répartition des tâches domestiques ?
Oui et non. Muriel Letrait avait montré que les hommes chômeurs consacraient plus de temps à des activités traditionnellement masculines comme le bricolage ou le jardinage, comme s’ils essayaient de compenser à la maison leur perte d’identité masculine dans la sphère professionnelle. Les pères au chômage que j’ai rencontrés se définissent comme pères au foyer. Cela crée une ambiguïté, peut-être une spécificité. Un père au foyer s’implique plus par exemple dans sa tâche parentale.
Comment expliquer qu’il n’y ait pas un investissement plus important ? Ce n’est donc pas une question de temps ?
Non, ce n’est pas une question de temps. La plupart des hommes que j’ai rencontrés ont fait des arbitrages : ils s’occupent beaucoup des enfants, mais sinon, passent beaucoup de temps dans une optique de reconversion professionnelle. Certains dans le secteur associatif. D’autres dans de petites tâches qui pourront être valorisées plus tard sur le plan professionnel.
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