— Par Max Dorléans pour le GRS —
Précédant de quelques jours leurs collègues de France et leurs principaux syndicats de médecins libéraux – sauf le Syndicat de la Médecine Générale – un certain nombre de médecins de Martinique ont appelé le 26 février 2015 à une « grève administrative » contre le projet de loi de santé du gouvernement, et plus précisément contre l’utilisation de la carte Vitale. Une grève au demeurant plus médiatique qu’effective, mais dont la portée sacrifie directement le patient. Ainsi, en refusant d’utiliser la carte Vitale que le gouvernement entend généraliser, c’est directement le patient qu’ils pénalisent car celui-ci se voit obligé non seulement de débourser le prix de la consultation pour être soigné… mais également d’attendre des semaines pour être remboursé. Non seulement cette forme de « prise d’otage » de la patientèle est scandaleuse, mais de plus elle est profondément réactionnaire car elle prive le patient de la possibilité de ne pas faire l’avance de sa consultation, alors que de plus en plus de personnes renoncent à des soins pour des raisons financières.
Pourtant, la cible des médecins ne devrait donc pas être le patient qui aujourd’hui fait les frais du fonctionnement dégradé de la santé. Mais bien le gouvernement et Mme Touraine à qui ils devraient – ce qui est légitime – exiger des garanties leur permettant d’être payés rapidement et sans complications administratives particulières. Mais tel n’est pas le choix des principaux syndicats de médecins libéraux. Contre l’intérêt des patients ils s’opposent, avec des arguments scandaleux, au principe même de la gratuité immédiate des soins, c’est à dire à un droit aux soins pour toutes et tous. Un vrai scandale, puisque face à la crise profonde que traverse la médecine générale, ce n’est ni au niveau de la carte Vitale, ni non plus dans la défense d’un exercice libéral à bout de souffle et d’intérêts corporatistes (paiement à l’acte et course aux actes, refus du tiers payant, dépassements d’honoraires, totale liberté d’installation) que les médecins trouveront une solution à leurs préoccupations.
Défense d’un système régressif et de plus en plus inégalitaire
Et aujourd’hui, avec cette revendication réactionnaire, ils enfourchent une mauvaise bataille, et permettent à Touraine d’apparaître à peu de frais, progressiste avec la généralisation du tiers payant. Alors qu’elle même, comme Bachelot avant elle, et tous les gouvernements de droite comme de gauche n’ont fait que porter atteinte, depuis une trentaine d’années avec les différentes réformes, à la Sécu et la santé, avec la privatisation accélérée du droit à la santé et à la protection sociale.
Partie prenante du système de santé, c’est dans la contestation globale de ce système régressif refusant la solidarité collective qu’ils devraient, à côté d’autres, se mobiliser et informer sur les dangers qui menacent le système, en tant qu’acteurs essentiels du dispositif général de santé et de soins.
Sauf que cette démarche, une majorité d’entre eux n’entend surement pas faire, car le système actuel – régressif et de plus en plus inégalitaire – défend pour l’essentiel leurs intérêts à court terme, même s’ils sont de temps à autre égratignés.
En réalité, contrairement à ce que croient la majorité d’entre eux, et feignent de croire la majorité de leurs syndicats, c’est pour mieux rendre acceptable cette privatisation que le projet de loi généralise le « tiers payant » , comme l’a reconnu la ministre de la santé.
Aujourd’hui, non seulement il faut s’opposer à la surenchère des professionnels libéraux, mais également il faut que nos parlementaires (Azérot, Nilor…) se penchent sur le fond les dynamiques portées par la loi Touraine (qui sera discutée dans quelques semaines au Parlement) pour non seulement la combattre, mais aussi et surtout pour informer la population sur ses dangers et sa dynamique contraire aux intérêts de la majorité de la population.
Max Dorléans, Groupe Révolution Socialiste (GRS)