— Propos recueillis par Célia Cuordifede —
L’île de l’Océan Indien va devoir rester confinée plus longtemps que prévu, pour endiguer l’épidémie de Covid-19. Pour le député de Mayotte, Mansour Kamardine (LR), il est nécessaire d’entamer un déconfinement strict avec une distribution de masques gratuits, compte tenu de la difficulté de nombreux habitants à rester confinés. Entretien.
Sur la carte du déconfinement, Mayotte est le seul territoire d’Outre mer classé rouge. Les 280.000 mahaorais devront donc patienter au-delà du 11 mai avant d’être déconfinés. ”La prolongation du confinement est l’unique manière d’éviter la saturation d’un système hospitalier déjà très sollicité par l’épidémie de dengue”, a déclaré le Premier ministre Edouard Philippe devant les sénateurs, ce lundi 4 mai. Jusqu’ici, l’île de l’Océan Indien a recensé 854 cas, dont 10 décès. 47 personnes sont actuellement prises en charge dans le service de réanimation du centre hospitalier de Mamoudzou.
Mais pour le député de Mayotte, Mansour Kamardine (LR), le gouvernement ”doit prendre en compte les réalités du terrain, où le confinement est pour une grande majorité de la population très compliqué à respecter du fait de la pauvreté, de la promiscuité ainsi que du manque d’accès à l’eau courante”. Ce mercredi 6 mai, il a adressé un courrier au Premier ministre afin d’argumenter sa demande. Pour Marianne il explique pourquoi un déconfinement strict avec des mesures de couvre-feu serait plus adapté.
Marianne : Face au Covid-19, dans quelle situation se trouve Mayotte ?
Mansour Kamardine : Le premier cas avéré a été détecté le 14 mars. L’épidémie circule donc depuis le début sur l’île. Elle s’est silencieusement développée pendant six semaines sur l’ensemble du département compte-tenu des capacités ridicules de vingt tests par jour le premier mois. De plus ces tests ont d’abord été réservés aux personnels soignants et aux forces de l’ordre durement touchés par le Covid-19, à cause d’un manque généralisé de masques, de gel hydroalcoolique et de blouses.
Aujourd’hui l’épidémie explose et apparaît au grand jour du fait d’une capacité de tests plus importante. L’Insee observe une surmortalité de 30% par rapport à l’année dernière sur la période du 1er au 21 mars. L’épidémie a peut-être débutée avant le premier cas avéré, de façon silencieuse comme c’est désormais établit en Italie, voire en métropole. Et si le virus circule autant c’est à cause de la difficulté que nous avons sur l’île à faire respecter le confinement.
Ces derniers jours, plusieurs affrontements entre des groupes de jeunes et la police ont eu lieu sur le territoire, en marge de rassemblements. Pourquoi le confinement est-il si compliqué à faire respecter ?
Le terrain est très défavorable au déploiement des politiques publiques et très favorable au développement de l’épidémie. La synergie des deux est explosive. 55% de la population a moins de 20 ans, la moitié de la population vit d’expédients, 40% dans des bidonvilles, 30% sans accès à l’eau courante, 54% dans des logements insalubres, 20% sans électricité. Dans ces conditions de vie, le confinement ne pouvait concerner que la moitié de la population. Enfin Mayotte compte environ 200.000 clandestins selon les dernières estimations de la gendarmerie elle-même. La crise sanitaire a entraîné parallèlement une crise à caractère humanitaire qui ne pouvait déboucher que sur une crise sécuritaire qui est de plus en plus vive. Je l’ai signalé à plusieurs reprises aux autorités nationales dès le mois de mars.
Certaines personnalités politiques, dont la présidente du Rassemblement National Marine Le Pen, plaident pour le déploiement d’une politique sécuritaire plus stricte pour faire respecter le confinement. Etes-vous du même avis ?
Cela fait plusieurs semaines que j’alerte le gouvernement en disant que les moyens des forces de l’ordre en présence sont insuffisants au regard des enjeux. Je parle d’une population qui, encore une fois, ne mange pas à sa faim, vit au jour le jour des ventes à la sauvette et n’a pas accès à l’eau potable… Il y avait là un risque évident d’atteinte aux personnes et aux biens. Il faut renforcer le dispositif sécuritaire. Ce qui est terrible avec le gouvernement c’est que je lui notifie depuis deux mois un certain nombre de choses, notamment sur le plan sécuritaire, mais il tarde à les prendre en compte.
Dans ces conditions, le report du déconfinement annoncé par Edouard Philippe lundi 4 mai est-il une mesure essentielle ?
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