Maya Kamaty aux Francofolies de La Réunion 2023 : quand le Maloya rencontre l’électro-pop urbaine

 A revoir le 30 septembre à 21h sur France 4

— Par Hélène Lemoine —

Maya Kamaty, artiste phare de la scène réunionnaise, à envouté les Francofolies de La Réunion le 10 septembre 2023 avec un concert inoubliable. Née le 26 septembre 1985 à Sainte-Clotilde, Maya Kamaty Pounia a grandi au cœur d’un bouillonnement artistique. Fille de Gilbert Pounia, le leader du mythique groupe Ziskakan, et de la conteuse Annie Grondin, Maya a très tôt baigné dans la culture militante et l’expression artistique réunionnaise. Mais si ses racines sont profondément ancrées dans le patrimoine musical de son île, la chanteuse, auteure-compositrice-interprète, s’est donné pour mission de réinventer le Maloya en le mariant avec des sonorités contemporaines.

C’est cette quête d’identité musicale, à la fois respectueuse de la tradition et avide de modernité, qui a façonné son parcours. Après une formation au Conservatoire de musique de La Réunion, Maya s’éloigne du Maloya à l’adolescence. C’est lors de ses études à Montpellier qu’elle redécouvre la richesse de sa culture créole et décide de l’explorer pleinement à travers sa musique. De retour à La Réunion, elle fonde son propre groupe en 2012, empruntant ses deux prénoms pour nommer la formation : Maya Kamaty. Dès ses premiers pas sur la scène du Sakifo Musik Festival, elle impose son style et sa voix unique, faisant résonner le créole réunionnais avec une force nouvelle.

Son premier album Santié Papang, sorti en 2014, est une ode à l’héritage maloya, où se mêlent les instruments traditionnels tels que le kayamb et le roulèr, sur fond de ballades folk envoûtantes. Cet album, profondément marqué par l’influence des grands noms du Maloya comme Alain Péters et Danyèl Waro, lui permet de conquérir un large public. Il est rapidement désigné « Coup de cœur » de l’Académie Charles-Cros et propulse Maya sur la scène internationale, de l’Australie à la Chine, en passant par l’Afrique du Sud et le Canada.

Mais Maya Kamaty n’est pas une artiste qui se repose sur ses lauriers. Toujours en quête d’évolution, elle amorce un virage radical avec Pandiyé, son second album sorti en 2019. Avec la complicité du producteur Victor Vagh, elle opte pour une fusion plus audacieuse entre le Maloya et l’électro-pop, un mélange à la fois organique et électronique qui brouille les frontières des genres. L’album est salué par la critique pour sa capacité à marier l’intime et le grandiose, avec des influences qui vont de Björk à Susheela Raman. Maya explore ici des terrains plus électriques, tout en gardant au centre de sa musique le créole, langue qu’elle considère comme un vecteur universel.

Aux Francofolies de La Réunion, Maya Kamaty est montée sur scène avec son dernier album, Sovaz. Cet opus marque une nouvelle mue artistique : exit les arrangements folk, place à une musique urbaine, brute, imprégnée de l’urgence de la rue. Sovaz est un album de rupture, où les rythmes syncopés et les paroles tranchantes expriment la rage et la révolte de Maya face aux violences et aux inégalités qu’elle observe dans la société réunionnaise et l’industrie musicale. Plus que jamais, elle donne de la voix pour celles qui en sont privées. C’est dans cette démarche qu’elle s’inscrit également avec le morceau Meute, publié à l’occasion de la Journée internationale des femmes en 2022, en collaboration avec une vingtaine d’artistes réunionnaises.

Ce concert aux Francofolies a été l’occasion pour Maya Kamaty de partager cette énergie transgressive, propre à son dernier projet. Sur scène, sa musique créole s’habille désormais de textures urbaines, d’accents électroniques, et de grooves explosifs. Chaque chanson résonne comme un cri, un appel à l’insoumission, à l’émancipation. Maya ne craint pas de s’affirmer, de briser les codes et de s’élever contre les normes figées, tant sur le plan musical que social. Elle revendique une liberté totale dans sa création, refusant de rentrer dans une case ou un genre unique. Sa « Kreol Urban pop » incarne une nouvelle forme d’expression, ancrée dans la modernité tout en restant profondément enracinée dans la culture réunionnaise.

Sa performance aux Francofolies de La Réunion a été un moment fort, un véritable tourbillon d’émotions où Maya Kamaty, avec sa voix puissante et envoûtante, emmena le public dans une aventure musicale singulière. Entre le Maloya traditionnel et les influences urbaines les plus contemporaines, son concert a été une démonstration éclatante de la diversité et de la richesse de la musique créole. À ne pas revoir, car Maya Kamaty ne fait pas que chanter : elle raconte, elle dénonce, elle libère. Et c’est dans cette libération artistique et personnelle que réside toute la puissance de son art.