Chlordécone : manifestation en Martinique contre la possible prescription d’une plainte
Plusieurs milliers de personnes ont commencé à manifester samedi à Fort-de-France, en Martinique, contre la prescription d’une plainte déposée il y a 14 ans pour empoisonnement au chlordécone par des associations martiniquaises et guadeloupéennes. «Matinik lévé» (Martinique, lève-toi!), scandent les manifestants, rassemblés par une quarantaine d’associations, de syndicats et de partis politiques de l’île pour dire «non à l’impunité» et réclamer une justice pour les victimes de l’insecticide. «Ils nous empoisonnent, ils nous tuent», affirme une banderole de la CGT Martinique tenue par deux femmes vêtues de rouge. Dans un air de carnaval, d’autres manifestants avaient opté pour le rouge, vert ou noir, couleurs du drapeau revendiqué par les indépendantistes.
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Plusieurs associations de Martinique et de Guadeloupe ont été auditionnées les 20 et 21 janvier par les juges d’instruction parisiens en charge de l’affaire. Dès 2006, elles avaient déposé plainte contre l’empoisonnement de leurs îles au chlordécone. Mais lors de cette audition, les juges d’instruction chargés de l’affaire depuis 2008 ont expliqué aux plaignants qu’il pourrait y avoir prescription des faits et que le dossier pourrait déboucher sur un non-lieu. Une option qui a heurté l’opinion et conduit à cette grande mobilisation ce samedi.
Sur une pancarte, un manifestant avait calculé «la facture» martiniquaise pour l’Etat français: «plafond annuel de sécu (41.136 euros) X population concernée (370.000 habitants) X 500 ans = 7,6 milliards d’euros». La mobilisation est soutenue par certaines personnalités publiques comme le chanteur et comédien Joey Starr.
Cependant, certains ont choisi de ne pas s’y associer, comme Yan Monplaisir, maire de Saint-Joseph en Martinique et vice-président de l’Assemblée territoriale de Martinique, qui craint «la multiplication des revendications que nous voyons s’y greffer et le risque de récupération par des activistes qui ont, à plusieurs reprises, fait démonstration d’actes de violences».
L’insecticide a été autorisé entre 1972 et 1993 dans les bananeraies des Antilles et a infiltré les sols pour des centaines d’années, polluant eaux et productions agricoles, alors que sa toxicité et son pouvoir persistant dans l’environnement étaient connus depuis les années 60. La pollution des sols va durer près de 600 ans et touche l’agriculture, la pêche, et la santé des habitants puisque le pesticide a aussi contaminé l’eau et une partie des aliments. Plus de 90% de la population adulte en Guadeloupe et Martinique est contaminée par le chlordécone, selon Santé publique France, et les populations antillaises présentent un taux d’incidence du cancer de la prostate parmi les plus élevés au monde.
Source : LeFigaro avec AFP