— Par Gracienne Laurence (*) —
Le directeur du Centre hospitalier universitaire de Martinique (CHUM), les autorités médicales et sanitaires n’ont cessé de tergiverser au sujet de l’existence de la maternité du Centre hospitalier Louis Domergue (CHLD) situé à la ville de La Trinité. Cette maternité fermera-t-elle ou ne fermera-t-elle pas ? C’est la question qui mérité d’être posée car sa suppression du paysage sanitaire martiniquais est programmée depuis 2006.
En effet le 20 avril 2023, la direction du CHUM annonçait la cessation provisoire de toute activité obstétricale et chirurgicale dans cette unité de soins à cause d’une panne des extracteurs d’air dans les blocs opératoires pour une durée de deux semaines, afin de réaliser des travaux de réparation. Pour toute personne qui connaît le milieu médico-chirurgical, les raisons avancées par le chef du CHUM paraissent peu crédibles car l’entretien de tout bloc opératoire fait l’objet d’un protocole de surveillance strict afin d’éviter toute défaillance du système sous peine de mise en danger de la vie d’autrui. De surcroît, dans ce bloc, il y a plusieurs salles opératoires. Pourquoi les fermer toutes ?
Quinze jours plus tard, le travail reprenait à la maternité sans que les travaux n’aient été effectués. Mais le mercredi 15 juin le patron du CHUM informait la population martiniquaise par voie de presse de la suspension momentanée des accouchements à la maternité de La Trinité et du transfert de toutes les gestantes hospitalisées vers la MFME (maison de la femme de la mère et de l’enfant) à Fort-de-France. Parallèlement les sage-femmes étaient redéployées sur cette seule maternité publique et les aides-soignantes sur l’hôpital Mangot-vulcin. Cette nouvelle perturbation de l’organisation des soins au CHLD est selon le directeur du CHUM, due à un manque de médecin anesthésiste et de la nécessité d’effectuer des travaux sur une durée de 10 ans, alors que la reconstruction de l’hôpital de La Trinité devrait débuter sur le site de Desmarinières en juillet 2024. Il n’y est prévu ni maternité ni bloc opératoire. Toute cette communication un peu confuse et maladroite est probablement motivée par la volonté de l’ARS (agence régionale de santé) et du CHUM ne pas provoquer le mécontentement de la population ainsi que celui du monde de la santé, donc le démantèlement du CHLD se fait en sourdine.
Désormais, la population de la région Nord-Atlantique de la Martinique doit comprendre qu’elle ne bénéficiera plus, d’une offre de soins complète au plus près de chez elle. Le glas a sonné pour la maternité en dépit des non-dits des responsables. Les femmes enceintes n’auront d’autres choix que de se rendre à Fort-de-France pour donner la vie à leurs enfants, avec le risque d’un accouchement inopiné en cours de route car il n’est pas toujours facile de prévoir avec exactitude le moment de l’évènement.
La disparition de cette maternité publique, dans un contexte de forte baisse du taux de la natalité, ce qui inquiète les démographes, tombe fort mal à propos. Elle pourrait freiner les couples dans leur désir d’enfants ou être une tracasserie de plus dans leur vie.
L’aménagement du territoire ici comme en France hexagonale n’est pas pensé en fonction des besoins des populations. Il répond à des logiques financières. L’humain y est secondaire. Depuis que l’Etat a choisi d’appliquer à la santé une conception néo-libérale, les établissements de soins n’ont cessé de diminuer. L’Etat préfère investir dans la fabrication d’armes de guerre, au détriment de tout ce qui pourrait aider au bien-être et à l’épanouissement des citoyens.
Cette maternité dont il faudra parler dorénavant au passé a pourtant rempli pleinement sa mission au service des habitants du Nord-Atlantique mais aussi de tous les martiniquaises et martiniquais. Malgré les normes de plus en plus contraignantes et exigeantes, cette maternité a toujours été en conformité. Au moment de sa fermeture camouflée on y réalisait environ 500 accouchements. Elle n’a jamais atteint le chiffre fatidique de 300 accouchements fixé par les différents ministères de la santé pour justifier de la fermeture d’une maternité. Dès 1980 le service de gynéco-obstétrique du centre hospitalier de la ville de la Trinité a été le plus performant de la Martinique sous la houlette du Dr Raymond Mézin et de ses collaborateurs les Dr Charles Quist et Serge Duville. Les femmes y accouchaient avec bonheur dans une ambiance chaleureuse et conviviale qui n’altérait en rien la sécurité des soins qui leur étaient offerts. Aujourd’hui tout cela fait partie du passé. Le personnel désappointé et après un temps de sidération tente de s’adapter à sa nouvelle situation (nouveaux plannings, nouveaux horaires, nouveaux trajets…). Mais ainsi va la vie. Il faut savoir tourner les pages d’un livre et le fermer.
(*) Gracienne LAURENCE
Sage-femme retraitée de la Maternité de la Trinité Ancienne conseillère régionale