— Collectif —
La dernière campagne électorale de la CTM avait eu le mérite de faire entendre des voix nouvelles et d’aligner les principaux candidats sur un diagnostic clair de la situation locale : malgré ses nombreux atouts, la Martinique va mal : elle vieillit et elle offre peu de perspectives à ses habitants, ses services publics sont en panne et le pays désespère sa population. Cette même campagne électorale avait permis d’identifier quelques grands enjeux d’avenir : le dérèglement climatique, la perte d’attractivité du territoire, les difficultés économiques conduisant à l’appauvrissement des Martiniquais et au réveil des tensions sociétales. Elle avait permis aussi de suggérer quelques pistes permettant de dessiner une Martinique plus fluide, plus dynamique, mieux épanouie. Elle avait permis enfin d’imaginer une coopération féconde entre élus, État et socioprofessionnels, affranchie de tout dogmatisme, afin de coconstruire le projet de développement dont le pays a tant besoin.
Elle avait permis d’espérer…
Après l’avènement au pouvoir du PPM et l’étrange anesthésie de l’opposition, force est de constater que la situation n’a pas beaucoup évolué. Aujourd’hui, la population est déçue. Tous les espoirs éveillés par une campagne prometteuse se sont envolés. Ils ont été enveloppés dans un écran de fumée idéologique aussi dangereux qu’aventureux. La mobilisation collective tant espérée est morte et enterrée. Les projets de développement sont restés dans les cartons. Le BTP continue de creuser sa tombe, emportant avec lui les clés de la relance économique. Dans d’autres secteurs, les quelques entreprises qui subsistent encore sont pointées du doigt comme une source de problème, jamais comme une chance de solution. Ne reste plus qu’une obsession idéologique d’enfermement identitaire et de bouc-émissarisation de « yo » pour justifier le mal développement du pays. Ne reste alors qu’un chemin qui n’ose pas dire son nom, et qui se cache bien mal sous les dogmes du moment :
Le chemin de l’indépendance.
Car oui, quand dans la même année, on impose un drapeau, un hymne et une langue officielle, quand on exige que les principaux leviers économiques soient remis entre les mains exclusives du pouvoir local, quand on ne manque jamais une occasion d’accabler la France et de lui mettre son nez dans les plaies de l’Histoire pour lui rappeler son éternelle culpabilité, quand on ne cesse de flatter l’identitarisme resserré comme unique boussole, en n’hésitant pas au besoin de falsifier la pensée d’Aimé Césaire… Quand on exige tout ça avant même d’apporter un début de réponse aux problèmes quotidiens des transports, d’accès à l’eau ou de traitement des déchets, alors oui, on met un voile opaque sur sa propre impuissance et on sort le joker de « l’excuse statutaire » pour mieux « brilé en kay pou an rat ». Plutôt que d’assumer les responsabilités que confèrent les règles républicaines et les pouvoirs de la décentralisation, on préfère risquer de rompre les amarres pour dériver (sans jamais le dire, bien sûr) vers l’indépendance !
Ainsi, à la tête de la CTM il n’est plus question que de « Martiniquité » construite sur le dos du lien républicain que l’on ne cesse de distendre à longueur de lettres ouvertes, de communiqués, de harangues en plénières. Il n’est question que de couplets au peuple à qui on veut faire croire que tous ses problèmes viennent de France, et que sans un statut reconfiguré, aucun développement n’est possible ! Il n’est question que de manifestations de mépris, d’ironie ou de contestation systématique envers les représentants de l’État post-colonial. Il n’est question que de victimisation populiste, et de bras de fer clivants. Oubliant au passage que des départements français comme la Guadeloupe et la Réunion engrangent des succès majeurs depuis 20 ans, malgré leurs deux assemblées inscrites dans la plus parfaite identité législative nationale.
Monsieur le Président du Conseil Exécutif de la Martinique, le temps est venu pour vous de clarifier le débat, car si votre volonté est de conduire la Martinique vers l’indépendance, alors vous devez le dire clairement. Vous devez l’annoncer ouvertement, sans manœuvre, sans faux-semblant. Vous devez le faire, non seulement au nom du peuple, mais avec le peuple.
Car de deux choses l’une :
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Ou nous assumons enfin notre pleine appartenance à la République Française, et nous activons avec pragmatisme tous les outils de la décentralisation et tous ses leviers économiques dont nous disposons afin de construire un avenir meilleur pour nos populations.
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Ou nous tenons absolument à déroger aux règles de l’unité républicaine pour marquer notre identité martiniquaise redevenue partielle, alors nous choisissons de quitter notre famille française. Car on ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre en méprisant la crémière.
Cette question ne doit pas être traitée « anba-fey ‘ » par des manœuvres qui ne relèvent d’aucun mandat du peuple. Au mieux, cette question doit être abandonnée car elle ne figure pas au programme de votre dernière campagne électorale. Au pire, elle doit être tranchée rapidement, une bonne fois pour toute, par l’expression populaire, dans le cadre d’un référendum au libellé clair : « voulez-vous oui ou non que la Martinique devienne indépendante de la France ? »
Monsieur de Président du Conseil Exécutif, permettez-nous de vous rappeler que vous avez été élu avec 16,90% du corps électoral martiniquais, soit moins de deux Martiniquais sur dix. Ce score n’enlève rien à votre légitimité, bien sûr, mais ne vous autorise pas, en conscience, à revendiquer une modification statutaire que personne ne vous a demandé d’obtenir. Dès lors, l’honnêteté politique doit conduire votre majorité à s’en tenir stricto-sensu au projet validé par moins de deux électeurs sur dix. Un projet dans lequel ne figurent pas les thèmes qui semblent constituer aujourd’hui votre priorité.
Monsieur le Président du Conseil Exécutif de la Martinique, vous n’avez pas été élu pour distendre le lien national et flatter les ressorts de l’identitarisme martiniquais. Vous n’avez pas été élu pour entraîner vos concitoyens dans vos dérives idéologiques. Vous avez été élu pour œuvrer au développement de la Martinique en mobilisant tous ses acteurs, sans esprit de clivage. Vous avez été élu pour assumer les compétences dévolues à votre collectivité. Vous avez été élu pour œuvrer concrètement avec vos partenaires des EPCI et des communes à l’amélioration des services publiques qui pèsent sur la vie quotidienne de nos concitoyens : les transports, la santé, l’eau et l’assainissement, les déchets, les écoles, les routes, la sécurité, la gestion des fonds européens… Mais aussi le développement économique, facteur essentiel d’épanouissement et d’espérance.
La Martinique dont vous avez la charge a certes ses propres difficultés. Mais elle a aussi des atouts considérables que lui envient 95% des habitants de la planète. Parmi ces atouts figure son appartenance à la République française. Atout qu’il vous revient maintenant de transformer en solution, plutôt qu’en problème. Votre chemin de distanciation et de rupture est une erreur magistrale, à l’heure où vous devez, sans complexe, raffermir notre lien républicain pour en faire une force originale.
Monsieur le Président du Conseil Exécutif de la Martinique, les débats clivants que vous avez initiés aboutiront immanquablement à mettre la Martinique dans un angle mort de la République. Nous vous invitons à recentrer votre action dans les seules lignes du programme qui a porté votre candidature en 2021. Nous vous invitons à mettre sur pied une vraie séquence de co-construction du projet Martinique en étroite collaboration avec l’État, en y associant toutes les forces vives du pays, sans aucune exclusive, dans un esprit pur d’unité.
Quelques citoyens martiniquais, dont :
Elie Caronique, Fred Chalons, Éric Eriale, Laurent Eugénie, José Gabelus, Éline Gamess, Julien Gouait, Aurore Holmes, Max Jean-Baptiste, Yvon Joseph-Henri, Gabriel Lagrandcourt, Thierry Lesel, Pierre-Alex Marie-Anne, Hubert Marie-Joseph, José Marraud des Grottes, Christian Methon, Christian Mith, Yves-Léopold Monthieux, Félicia Nuissier, Max Pied, Roger Pierre-Charles, Michel Ponnamah, Emmanuel de Reynal, Pierre Sandreschi, …