— Par Nicolas Senèze —
Si l’économie de la Martinique résiste à la crise sanitaire, des faiblesses structurelles pourraient aggraver la crise sociale.
Métropolitain bien inséré dans les réseaux économiques martiniquais, Éric Dupré y accompagne de jeunes chefs d’entreprise à travers le Réseau Entreprendre. « Je n’ai pas vu de baisse du nombre de projets. Et pas non plus de hausse des défaillances », explique-t-il, soulignant que « l’économie martiniquaise a plutôt bien résisté à la crise ».
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Son entreprise, qui fournit des équipements d’entrepôts, est d’ailleurs florissante, signe de la bonne capacité d’investissement des entreprises martiniquaises. Celles-ci ont bien bénéficié des prêts garantis par l’État (PGE) : 750 millions d’euros, soit 8 % du PIB de l’île. « Une part importante n’a pas encore été consommée », constatait encore fin décembre 2020 l’Institut d’émission des départements d’outre-mer (Iedom), l’équivalent de la Banque de France pour l’outre-mer.
Le poids du secteur non-marchand
Des secteurs ont certes souffert des trois confinements successifs qu’avait déjà connus la Martinique. Le tourisme d’abord, qui représente 7 % du PIB et environ 10 000 emplois, mais aussi la moitié des exportations de l’île. Le petit commerce ensuite, avec une chute de 27 % de la consommation en 2020.
« Mais le poids du secteur non-marchand a servi d’amortisseur à la crise », relève Éric Dupré. Les fonctionnaires représentent en effet 40 % de la population active et, grâce à leur traitement majoré, 30 % de l’économie. Quant aux salariés du privé, beaucoup ont bénéficié du chômage partiel.
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Le nouveau confinement laisse toutefois les employeurs dans le flou. « Le gouvernement a annoncé une baisse de la prise en charge de l’activité partielle. Mais cela s’applique-t-il à cette nouvelle fermeture très stricte ? Je ne sais pas à quel taux nos salariés seront pris en charge », s’inquiète Bernard Édouard, président du Medef Martinique. « Si la crise économique y a été atténuée, il ne faut pas pour autant négliger les faiblesses structurelles de la Martinique », tempère Olivier Léna, directeur interrégional Antilles-Guyane de l’Insee. Il relève ainsi que, si elle a moins baissé, l’économie martiniquaise partait aussi de moins haut que celle de la métropole et que, même si le chômage est stable, le taux d’emploi a reculé de un point, à 56 %.
De grosses difficultés de formation et d’insertion
« La Martinique connaît de grosses difficultés de formation et d’insertion : beaucoup de jeunes partent étudier en métropole et ne reviennent pas », résume-t-il. Autrefois un des départements les plus jeunes de France, la Martinique a ainsi vieilli, et beaucoup des jeunes qui restent sont peu formés. Multipliant les petits boulots, souvent dans l’économie informelle, ces « jobeurs » n’ont pas bénéficié des aides de l’État et risquent de s’enfoncer dans la grande pauvreté.
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