— Par Michel Herland —
On l’a dit et redit : si la Martinique n’a guère d’atouts à faire valoir pour son développement, il y en a au moins un qui pourrait être bien mieux mis en avant, c’est son patrimoine naturel et historique. Nous ne reviendrons pas ici sur la négligence à l’égard de la nature martiniquaise, comparée aux îles voisines, ne serait-ce que la Guadeloupe : les panneaux absents ou illisibles, les chemins de randonnée livrés aux broussailles et plus généralement un manque d’entretien flagrant à tous les niveaux qui conduit à s’interroger sur l’ambition réelle de nos édiles en matière de tourisme. Le patrimoine historique matériel (meubles et immeubles) a fait l’objet en 1998 d’une recension à l’initiative de la Fondation Clément. Une nouvelle édition, en 2013, a révélé, à ce niveau-là également, le manque d’implication de la population comme de ses élus, certains éléments patrimoniaux ayant purement et simplement disparu entre les deux dates[i]. Faut-il dire : « Heureusement l’Etat veille ? » Le fait est qu’il peut imposer la protection des éléments du patrimoine naturel ou historique dont l’intérêt justifie – à ses yeux – la conservation. C’est ainsi que la Martinique peut s’enorgueillir aujourd’hui d’abriter 101 monuments historiques (inscrits ou classés) recensés dans un beau livre publié par les soins de la DAC Martinique et, à nouveau, de la Fondation Clément.
Une première introduction, par Marc Botlan, inspecteur général des monuments historiques, explique la définition désormais très extensive du « monument » aux yeux du ministère des Affaires culturelles et rappelle opportunément qu’Aimé Césaire s’était personnellement investi pour le classement du lycée Schoelcher (inscrit partiellement en 2010). La seconde introduction, par notre ex-collègue Danielle Bégot, examinant le regard porté sur la Martinique dans le passé, révèle a contrario – si l’on peut dire – que notre île, à l’instar des autres colonies, fut longtemps considérée comme vierge de tout monument digne de ce nom, ce concept étant l’apanage de la Métropole (comme naturellement de la Grèce et l’Italie). Il faut dire qu’en France même, il fallut attendre les années 1980 pour que des constructions datant d’une période plus récente que le Moyen Âge ou la période classique devinssent éligibles en tant que monument historique. En Martinique, le Fort Saint-Louis sera le premier monument classé (en 1973), suivi par les églises du Carbet (1978) et de Case-pilote (1979). Quant aux monuments les plus récemment inscrits, en décembre 2013, il s’agit, d’une part, de la dernière maison habitée par Césaire, à Fort-de-France, et, d’autre part, de quatre phares de l’île (Prêcheur, Pointe des Nègres, Fort Saint-Louis, Caravelle).
Le livre est richement illustré de photographies de Jean-Baptiste Barret. 40 monuments jugés les plus intéressants sont présentés sur une double page : à gauche une notice historique rédigée par Jeanne Cazassus-Bérard, à droite une photographie. A côté des monuments attendus, on trouve quelques surprises comme la ruine de la Maison coloniale de santé, à Saint-Pierre, ou la fontaine aux Enfants, installée au Lamentin, un exemple de « multiple » avant l’heure, puisque produit d’une fonderie industrielle, acheté sur catalogue.
Les 101 monuments sont tous rassemblés à la fin de l’ouvrage, avec toujours une photographie pour chacun, mais de format plus réduit, à raison de sept ou huit par double page. Sont indiqués le lieu, l’année ou la période la plus représentative de la construction, la date de l’inscription à l’inventaire des monuments historiques et, éventuellement, du classement.
101 monuments historiques – Martinique, DAC et Fondation Clément, Paris, HC éditions, 2014, 104 p.
[i] Voir notre article : « Valoriser le patrimoine martiniquais – la Fondation Clément et Hernando de Soto », Antilla n° 1611, 8 mai 2014.