Le 25 mai 2023, lors des commémorations du 175e anniversaire de l’abolition de l’esclavage en Martinique, l’Assemblée de Martinique a adopté une délibération historique. Cette délibération déclarait le créole comme langue officielle de la Martinique, sur un pied d’égalité avec le français. Cette décision a été approuvée à l’unanimité des conseillers territoriaux, à l’exception d’une abstention.
Cependant, cette initiative a suscité des contestations et des débats juridiques. Le préfet de la Martinique, Jean-Christophe Bouvier, a élevé des objections en invoquant l’article 2 de la Constitution française, qui stipule que « la langue de la République est le français ». Le préfet a affirmé que cette délibération était en contradiction avec la Constitution française et qu’elle devait être suspendue.
Le 11 septembre de la même année, le préfet a introduit un recours devant le tribunal administratif de Martinique pour demander la suspension provisoire de l’article 1 de la délibération. Il a également invoqué la décision du 15 juin 1999, qui stipulait que « l’usage du français s’impose aux personnes morales de droit public », pour soutenir sa position.
Le tribunal administratif a finalement rendu sa décision le 4 octobre 2023, en rejetant le recours du préfet. Le juge des référés a analysé en détail la délibération et a conclu que l’article 1 de celle-ci n’avait qu’une portée préparatoire.
« Dans son ordonnance du 4 octobre 2023, le juge des référés relève que la délibération litigieuse a pour objet, à son article 3, d’autoriser le président de l’Assemblée de Martinique à transmettre à la Première ministre, à la présidente de l’Assemblée nationale et au président du Sénat, une proposition de loi visant à modifier et adapter la législation applicable, ainsi que le permettent les dispositions régissant le statut de la collectivité territoriale de Martinique (article L. 7252-1 du code général des collectivités territoriales).[…] Il en déduit que l’article 1er de la délibération reconnaissant la langue créole comme langue officielle de la Martinique ne constitue qu’une simple mesure préparatoire à la transmission à la Première ministre, à la présidente de l’Assemblée nationale et au président du Sénat de la proposition de modification de loi adoptée par l’Assemblée de la Martinique, laquelle vise à changer le rôle et la place de la langue créole”.Tribunal Administratif de Martinique –
En d’autres termes, cet article autorise le président de l’Assemblée de Martinique à transmettre une proposition de loi aux plus hautes instances de l’État français.
Cette proposition de loi a pour objectif de modifier et d’adapter la législation applicable en Martinique, conformément aux dispositions régissant le statut de la collectivité territoriale de Martinique (article L. 7252-1 du code général des collectivités territoriales). Le juge des référés a conclu que l’article 1 de la délibération n’avait pas de portée normative en soi, mais qu’il constituait une étape préliminaire dans le processus législatif visant à reconnaître le créole comme langue officielle de la Martinique.
Par conséquent, le tribunal administratif a jugé que le recours du préfet était irrecevable, car l’article 1 de la délibération ne pouvait pas être contesté devant lui en tant que mesure préparatoire. Cette décision maintient ainsi la reconnaissance du créole comme langue officielle de la Martinique, bien que des questions constitutionnelles demeurent en suspens et pourraient être abordées lors du jugement au fond, qui reste à venir.