— Par Diana Sedal Yanes —
L´héritage de Martí et de Bolivar comme guide pour la lutte révolutionnaire des peuples
La pensée éthique et pédagogique latino-américaine possède une portée universelle et une grande richesse idéologique se matérialisant chez d’importants penseurs, dont la transcendance serait impossible à ébaucher en marge de la scène historique culturel dans lequel nos nations se sont développées. La synthèse de ces idées sont précisément, Simón Bolívar et José Martí, lesquels légitiment la plus haute et complète expression de l’anti-impérialisme, du latino-américanisme, de la dignité sociale, du patriotisme et de l´indépendance nationale, des valeurs qui sont l´essence même des projets de libération des deux penseurs et formant le corpus éthique sur lequel repose l’éducation civique citoyenne et qui aujourd´hui s´élève contre les prétentions dominatrices des centres du pouvoir.
Bolivar et Martí ont, dans leurs aspirations fondamentales, la réalisation d´une nouvelle patrie, non seulement en raison de sa richesse matérielle, mais aussi par la grandeur d´âme et le raisonnement de ses hommes. Dans l´accomplissement de ce désir, les valeurs morales sont configurées comme la force motrice vers la perfection humaine. Leur forte connotation humaniste et de dignité favorise la réflexion de cette étude, dont le but est de révéler la convergence et l’actualité des idées des deux penseurs dans le contexte de la mondialisation.
L’éthique de Martí et de Bolivar constitue le fondement de l´éducation et de l´idéologie, visant à transformer la réalité sociale en fonction d´un ordre politique conséquent et représentatif du pouvoir de tous.
Simon Bolivar (1783-1830) était un homme du peuple qui a dédié sa vie à la lutte pour l´indépendance latino-américaine. C´était un homme qui a su voir les nécessités et les urgences du Continent et de ses Nations et, par conséquent, il a su définir les objectifs de la lutte émancipatrice hispano-américaine, se donnant pleinement à la réalisation de cet objectif à partir d´une vision critique des gouvernements et des formes de gouvernement.
Il est difficile d´esquisser la pensée éthique et pédagogique de Bolivar sans faire référence à sa conception de l´indépendance et de l´intégration, car l’une est étroitement liée à l´autre dans sa vision révolutionnaire, formant une unité dans la pratique sociale qui le guidera dans toutes ses actions. L’éthique a toujours été associée avec l´indépendance, constituant le principal objectif de sa vie, exprimée en valeurs morales telles que le respect, le patriotisme, la dignité, l´honneur et l’honnêteté qui sont configurés dans un idéal éducatif visant à la liberté sociale et personnelle.
Chez Simón Bolívar, nous pouvons trouver une pensée éthique incarnée dans l´aspiration de l´indépendance et de la liberté continentale, ce n´est pas précisément un système de normes et de principes harmonieusement fondé et articulé, c’est simplement un courant des idées qui émanent dans ses écrits et ses discours qui ont mûri dans sa vie quotidienne, laissant pour la postérité des leçons morales concrètes l’ayant immortalisé pour toujours.
La richesse théorique acquise par Bolivar, à travers son Maître Simón Rodríguez, a son origine dans les idées de l´Illuminisme , de l´Empirisme et de l´Encyclopédisme, et en particulier dans le legs pédagogique de John Locke (1632-1704) et de Jean-Jacques Rousseau (1712-1778), dont il a consulté, de ce dernier, Émile, Du contrat social, aussi bien que La Déclaration des droits de l´homme et du citoyen, qui d´une façon ou d’une autre ont eus une influence sur sa conscience de l´indépendance dont l´essence avait tendance à renverser le régime colonial.
La culture bolivarienne de l´idée de la liberté et de l´indépendance a été étroitement liée à l´éducation et à la culture, les deux gravement détériorées chez les peuples latino-américains dont le discours d´Angostura, le 15 février 1819, donne foi :
« Le triple joug de l´ignorance, de la tyrannie et du vice uni le peuple américain, nous n’avons pas pu acquérir ni savoir, ni pouvoir, ni vertu. Nous avons reçu les leçons des disciples de maîtres si pernicieux, et les exemples que nous avons étudiés sont les plus destructeurs. On nous a dominé plus par tromperie que par la force et le vice nous a dégradé par la superstition ».
L´héritage légué par le colonialisme à nos Nations s’est généralisé durant les années, privant les hommes du continent non seulement de l´éducation spirituelle de leurs droits et de leurs devoirs essentiels, mais aussi privant un bon nombre de ceux-ci à vivre avec une certaine impuissance devant de telles réalités, et c´est précisément le résultat de l’étroite vision des gouvernements américains qui se sont conformés pour servir les colonisateurs et non pas pour servir le peuple. C’est pour cette raison que Bolivar, en analysant la réalité sociale d´Amérique Latine, considère l´éducation comme une nécessité pour l´exercice de la vie publique vue en deux directions, la première en matière d´éducation que doit avoir le gouvernant pour orienter les destinées de sa nation et la seconde, dans la vision que doit avoir le gouvernement pour promouvoir une vie de tempérance, de sagesse et des légitimes valeurs morales chez les citoyens. Cette idée énoncée dans le discours de Bogotá en janvier 1815 :
« …la sagesse, la valeur et la tempérance offrent à l´âme un ordre et une harmonie dans ses fonctions, ce que Platon appelait la justice intérieure. La justice extérieure est seulement la réalisation d’un ordre analogue dans la société. L´homme le plus juste en lui-même est aussi le plus juste dans ses relations avec les autres. La justice porte en elle la bienfaisance. Il faut faire le bien pour tous les hommes ; il ne faut faire du mal à personne. On ne doit pas faire une injustice pour lutter contre une injustice. La justice est la reine des vertus républicaines et grâce à elle on soutient l´égalité et la liberté ».
Ici est explicite la conception de justice s´articulant dans la trilogie Roussélienne, Liberté, Égalité et Fraternité, qui a été acceptée et défendue dans son combat pour l´émancipation sociale.
Bolívar considérait la justice comme une vertu essentielle, celle-ci étant la mise en place d´un nouvel ordre qui doit avoir comme base la reconnaissance de l´égalité des droits de tous les êtres humains, l´opportunité et la condition externe pour une bonne vie.
L’obtention de la justice au détriment du sacrifice personnel est la plus haute vertu que Bolívar avait comme révolutionnaire, se donnant à une cause qui l´a accompagnée dans sa vie et ses brillantes conceptions pour le sentiment d´attachement à la patrie et aux idéaux les plus légitimes qu’il a défendu.
L´idéal qui le consacre pour toujours à la vie sacrifiée et au don de soi à la cause de la liberté est présent dans son épistolaire et il est matérialisé en idées très profondes sur la moralité et le sacrifice. En ce qui concerne ce dernier, il a dit :
“ (…) ce n´est pas un sacrifice pour moi, c’est un triomphe pour mon cœur. Celui qui abandonne tout pour être utile à sa patrie ne perd rien, et gagne tout ce qu’il lui consacre ».
De même, il se réfère à l’utilité de la fortune dans la lettre à Pedro Briceño Méndez : « La fortune ne doit pas lutter victorieuse contre ceux que la mort n’intimide pas ; et la vie n’a pas de prix si elle est glorieuse ».
La formation d´un corpus moral systématisé n’était pas dans le centre de l´activité du Libertador, il avait d´autres urgences et il était plus engagé dans la transformation de la vie et des hommes et des femmes du continent qu’avec la théorie. Toutefois, en même temps qu’il se dédiait aux activités révolutionnaires il a abordé sa conception éthique et morale dans plusieurs de ses écrits, ainsi que la façon dont celle-ci devrait régir la vie des citoyens et du gouvernement.
La morale bolivarienne s´articule naturellement avec ses aspirations de bien-être social et de liberté morale. Dans ses déclarations les plus diaphanes en relation avec l’Idéal moral figure : « Rien, à part les mauvaises actions, ne devraient déranger les hommes sensés ».
Bolivar attribue une importance cruciale à la morale, il la conçoit comme le soutient de la société et le fondement de la vie. Dans la lettre adressée à José María Castillo Rada il écrit : « (…) la destruction de la morale publique cause rapidement la destruction de l´Etat ».
Lors du congrès d´Angostura il avait déjà souligné : « la moral et les lumières sont nos premiers nécessités », là il exprime l´importance de l´éducation et la nécessité pour sa préparation pour prendre part à la vie publique, car pour lui, l´éducation était une source de libération et elle pouvait contribuer à éliminer les différences entre les hommes, c´est pour cette raison qu’il n’a jamais rejeté l´éducation dans sa pratique politique, bien au contraire, il a contribué à son développement par le biais de la création des écoles et des universités, à Guayaquil et au Pérou, à Caracas et en Colombie.
À partir de ces éléments nous pouvons considérer que la position éthique de Simon Bolivar se manifeste dans la volonté de changement social, dans l´élimination de toute forme de discrimination, dans la mise en place des indispensables garanties sociales, de paix et d´égalité des droits et dans cette direction il assoit des valeurs telles que la justice, la loyauté, la fidélité, où la justice devient le noyau de son impératif éthico-moral, car c’est la vertu qui concède à chacun ce que le correspond par droit et évidemment l´engagement de lutter pour sa défense.
L´aspect moral et l´éducation citoyenne ont été une préoccupation constante pour ce lutteur car il voyait en elles le soutient de la cause de la liberté et de l´individu. Là, on note une convergence avec Martí dans sa maxime « être cultivé est la seule façon d’être libre ».
La référence à José Martí (1853-1895) dans ces réflexions n’est pas occasionnel, elle est obligée, car si en Amérique Latine il y a penseur qui s´approche presque naturellement à Simon Bolivar c’est précisément Martí, non seulement par son idéal émancipateur et ses soifs d´indépendance, mais aussi pour la convergence de leurs conceptions éthiques et éducatives.
L´idéal moral de José Martí constitue le sommet de la pensée éthique à Cuba et la plus haute expression de l´éthique de libération nationale et continentale, déjà préconisée par Bolivar, enrichie par Félix Varela, José de la Luz y Caballero et Enrique José Varona. Dans ce sens, la morale depuis l’optique de Martí se caractérise essentiellement par la négation de l´individualisme et l´accomplissement du devoir social simplement et naturellement.
Dans l’attention offerte par le Maître aux valeurs, sa façon de percevoir les hommes et leur comportement est déterminante. Il les capte dans la réalité dans leur culture et leur histoire avec leurs idéaux, leurs paradigmes, leurs relations et leurs conduites. Les valeurs morales sont au cœur de son axiologie et elles accordent une connotation éthique à son humanisme. Les valeurs morales et la richesse spirituelle occupent une place importante. Il considère qu’en s’approchant au bien, à la vérité et à la beauté, l’homme se perfectionne.
Les vertus dans l´humanisme de Martí sont les valeurs morales. Elles ont une relation spéciale avec le bien : c’est la source d’où elles seront prises et incorporées comme conscience à la vie humaine. Ce parcours rencontre le perfectionnement avec l´incorporation de la vérité et de la beauté.
Bien qu’au long de l’œuvre écrite de José Martí on puisse trouver diverses réflexions sur les valeurs morales, dans La Edad de Oro (L’Âge d´Or) apparaît un concentré diaphane mettant l´accent sur le présent et pointant vers le futur. Les enfants sont l´incarnation du transit d’être à devoir être, lequel s’obtient grâce aux efforts de l´homme.
Dans son œuvre dédiée aux enfants de nôtre Amérique, il aspire que ceux-ci soient « des hommes qui disent ce qu´ils pensent et qu’ils le disent bien : des hommes éloquents et honnêtes ». La sincérité est étroitement liée à l´honnêteté et au courage : « un homme qui cache ce qu’il pense, ou qui n´ose pas dire ce qu´il pense, n´est pas un homme honnête » et il souligne la lutte pour être honnête et que tous les autres y parviennent. Tout le monde devrait se perfectionner et contribuer à l´amélioration des autres. Martí montre le chemin : l’étude, le travail, le sacrifice éternel.
Les conceptions éthiques de Martí sont fondées sur l´humanisme révolutionnaire qui vise à l´amélioration de l´homme, à rendre culte à l´amour et, à la fois, il appelle à la lutte et au combat pour la préserver. Cela s´articule avec d´autre non moins important pour Martí dont la hiérarchie s’impose selon les nécessités et le moment. La sincérité, la dignité, l’humilité, l’honneur, l’honnêteté, la solidarité, le patriotisme, l´amour et l´accomplissement du devoir se placent par leur persévérance et leur réticence.
Dans l’idéal éthique de Martí, l´amour, l’humanisme et le patriotisme forment une triade invisible expliquant par elle-même la force propulsive de la transformation, à partir de la conviction de ce qui est essentiellement significatif dans la vie.
L’amour comme force humaine suprême, valeur en soi et conduite des valeurs, s´intègre harmonieusement avec le patriotisme, conçu par Martí comme une synthèse de toutes les valeurs. « Le patriotisme n´est rien de plus que l´amour. »
La haute estime pour le patriotisme et son ascension en tant que valeur qui agit comme un prisme et un aimant se voit très tôt dans la pensée de Martí. C´est son parcours de l´humanisme. Son humanisme est patriotique. Il y arrive au moyen de l´amour et du raisonnement. C’est pour cela qu’il perméabilise toute la subjectivité sociale et individuelle.
Les aspirations d´amélioration humaine présentes dans un système de valeurs morales, avec patriotisme comme colonne vertébrale, conduisent l´homme aux deux autres valeurs. Celles-ci méritent une mention spéciale pour constituer le fondement de la patrie dans l´avenir et d´être les principaux aspects de la lutte révolutionnaire. Ce sont la dignité et la justice.
La dignité est l´auto-estime, la honte, prix élevé de la condition humaine et le respect absolu pour l´avoir. Cela signifie la possibilité de penser et d´agir pour soi-même et c’est la force qui anime son humanisme et le différencie d’une miséricorde superficielle. C’est le bien préférable par Martí pour l´avenir de la patrie, dont le fondement doit être : « Tout homme véritable doit ressentir sur la joue le coup que reçoit n’importe quel homme sur la joue ». Martí aspirait que ceci se manifeste dans la conduite des hommes, dans toutes leurs activités et dans toutes leurs relations humaines, lesquelles doivent se développées sur la base de la justice.
L´égalité sociale est le fondement de la justice, celle-ci conçue comme une valeur morale. Il souligne sa passion pour elle comme l´antithèse de l´infamie et de la violation du droit à Manuel Mercado. Par conséquent, il considérait que la perte du sentiment de ce qui est juste entraînerait la décadence humaine.
L´idéal de justice de Martí s´exprime dans sa conception de la République, qui, comme projet alternatif devant la domination coloniale espagnole, représente une nouvelle vision des problèmes de l’homme et, à la fois, reproduit la pensée libérale de l´époque, la surpasse en concevant la révolution de libération nationale comme une condition pour la libération individuelle et de toute la société.
Pour Martí, atteindre la justice présuppose la réalisation de différentes transformations : créer une culture originale et intégrative du meilleur de l´humanité et de l´histoire de la patrie ; dans l’économico-social, le fondamentale est d´éliminer le retard et de réduire les grandes différences sociales ; politiquement, c´est d´établir un état indépendant et souverain, basé sur la plus authentique démocratie et sur l´égalité sociale ; dans le juridique, c’est un droit spécial de garantie des égalités devant l’œuvre sociale.
Dans la pensée éthique de Martí on apprécie une articulation éthique et politique qui émerge comme résultat d’une vision anthropologique socioculturelle, avec ses déterminations historiques et politiques et son application consciente à l´analyse de la société.
Le lien éthico-politique dans la pensée de Martí répond à la conviction que l’émancipation humaine et de la patrie ne sont pas possible seulement au moyen de la morale car il n’a y pas de révolution sans la création d’une nouvelle éthique. En lui, la prédication de la morale adressée au progrès humaine ne disparaîtra jamais parce que il ne méprise pas sa capacité pour perfectionner et libérer l’homme.
La liberté est étroitement liée à la capacité rationnelle humaine, avec les connaissances. Avec celles-ci peuvent apparaître des solutions qui auront la politique comme voie pour les réaliser.
Dans l’œuvre de Martí, il y a un riche idéal éthico-politique, consubstantiel à un humanisme pédagogique qui donne une primauté aux valeurs. Il n´est pas possible d´oublier que nous sommes en présence d´un homme fondateur, dont la pensée et les praxis sont en fonction de la formation humaine de l´homme dans nôtre Amérique. Toute son œuvre est formative ; elle apporte toujours un message de la perfection humaine pour l’ascension de l´homme.
La multiplicité de la pensée éthiquo-éducative de Martí et de Bolivar réside dans la diversité des valeurs qu’ils ont ébauché et la profondeur qui souligne son importance en exprimant la relation entre les différents regards du problème moral dans son lien avec l´humain transcendant pour l´homme, la patrie et la région. Cela rend les conceptions de ces deux penseurs convergentes, qui, malgré les distances se rapprochent pour leur identité politique et culturelle, faisant que Cuba et le Venezuela se regardent et se perçoivent de plus en plus depuis une réalité spécifique et commune.
De l´importance de leurs idéaux, Simon Bolivar et José Martí sont et seront les paradigmes des peuples latino-américains ayant encore le défi de réaliser leurs rêves d´obtenir une Amérique libre et indépendante, dans le cadre de l´énorme crise que nous partageons avec tous les peuples de la Terre, la foi simple et profonde de José Martí quant à l´amélioration humaine et l´utilité de la vertu devient une vérité quotidienne
4e Conférence Internationale « L’œuvre de Karl Marx et les défis du XXIe siècle »
Lettres de Cuba