— Par Fara C. —
Le compositeur et improvisateur antillais se produira au Festival Gnaoua et musiques du monde d’Essaouira
De son incandescent concert à la Fête de l’Humanité 2011, nous gardons un souvenir ému et joyeux. Mario Canonge, nouvellement quinquagénaire, avait présenté son CD Mitan, sorte de célébration de la mi-temps de sa vie, entre délicatesse et jubilation, éloge conjugué d’un swing à fleur de touches et d’une plantureuse syncope créole. Pour la première fois, l’émérite pianiste, compositeur et improvisateur antillais se produira au Festival Gnaoua et musiques du monde d’Essaouira. « Passionné par les rencontres, je me sens totalement concerné par la philosophie du festival : les artistes en provenance de l’étranger se confrontent sur scène avec des musiciens gnaouas, en toute fraternité. Un défi stimulant. » La règle est claire, les artistes internationaux invités jouent d’abord au sein de leur propre formation, puis, en seconde partie, en compagnie d’un groupe gnaoua, avec lequel ils ont auparavant répété. Canonge s’associera à un maâlem – ou maître, dans la culture gnaoua – particulièrement expérimenté : Mohamed Kouyou (de Marrakech), qui, en 2008, offrit un moment de grâce lors de son accolade musicale avec le légendaire jazzman Wayne Shorter. Pour les musiciens, la venue au festival d’Essaouira est l’occasion d’une immersion dans l’effervescence culturelle de la fascinante cité portuaire. La plupart d’entre eux restent durant tout le festival, qui « a placé l’échange, le partage et la convivialité au cœur de sa philosophie », rappelle l’érudit maâlem Abdeslam Alikane, codirecteur artistique et acteur historique du festival. Aux multiples concerts d’accès libre, dans les coulisses ou dans les rues de l’ancienne Mogador, Mario Canonge ne manquera pas de croiser le boss de la basse Marcus Miller, l’envoûtant trompettiste Ibrahim Maalouf, le griot malien Bassekou Kouyaté, le reggaeman sénégalais Meta, le djinn du violon Didier Lockwood, Ayo, déesse des vents folk et soul… Sans oublier les nombreux musiciens marocains à l’affiche – vingt maâlems, des jeunes pousses et des talents confirmés. Parmi ces derniers, l’ingénieux Foulane explore le rebab berbère (ancestral instrument à cordes), tandis que la troupe Ganga d’Agadir synthétise à merveille inspiration gnaoua et racines berbères, au rythme des grands tambours « gangas ».
Les Gnaouas, dont les ancêtres ont été déplacés de gré ou de force – notamment lors de razzias – d’Afrique subsaharienne vers le Maghreb, ont élaboré au fil des siècles un syncrétisme mêlant, à leurs patrimoines originels, des éléments berbères et des apports arabo-musulmans. Ce qui frappe Mario Canonge, c’est que « les peuples arrachés à leur terre natale déploient un vrai génie pour perpétuer et enrichir les fragments de mémoire que les dominateurs n’ont pu annihiler. Chacun à leur façon, réinventé un langage commun, où la musique a un rôle essentiel. ».
Festival Gnaoua et musiques du monde d’Essaouira, du 12 au 15 juin, www.festival-gnaoua.net.
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