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Par Elisabeth Badinter, philosophe Irène Théry, sociologue, EHESS
Dans une tribune (Le Monde du 12 décembre), un groupe de personnes se réclamant du féminisme a pris le parti de diviser les couples homosexuels et de désigner des boucs émissaires en opposant gestation pour autrui (GPA) et procréation médicalement assistée (PMA). Selon elles, la GPA n’aurait rien à voir avec l’infertilité et serait au centre de la domination des hommes sur les femmes, des riches sur les pauvres, et son évocation serait responsable de la frilosité supposée du gouvernement à légaliser l’accès des couples de femmes à la PMA.
Pourquoi tant d’amalgames alors que nul ne demande que la légalisation de la GPA en France soit inscrite dans le projet de loi ? La GPA est une pratique reconnue comme partie intégrante de la PMA par l’Organisation mondiale de la santé. Elle mérite à l’avenir un débat informé et serein. Ce débat devra dénoncer avec force tous les cas où des femmes sans droits, poussées par le besoin dans les griffes d’intermédiaires sans scrupules, sont privées de leur pouvoir de décision et interdites de toute relation avec les couples pour lesquels elles portent un enfant.
Mais ce débat devra aussi permettre une analyse approfondie des pratiques dans les pays où le cadre légal de la GPA repose sur le respect des valeurs et des droits fondamentaux. Il devra faire connaître à nos concitoyens la réalité de ces GPA éthiques qui sont aussi contraires à la marchandisation des femmes que l’adoption est contraire aux enlèvements d’enfants, et le don d’organes au trafic d’organes.
Ce débat fera découvrir à ceux qui les ignorent tous ces cas où les gestatrices, leur mari et leurs enfants partagent avec le couple des futurs parents une aventure humaine non seulement respectueuse des droits, mais créatrice de relations intenses. Il fera comprendre pourquoi l’une de ces gestatrices, interrogée récemment à Paris, a pu dire : « A part ma propre famille, rien ne m’a autant valorisée dans ma vie. »
Petits fantômes
Mais la question pour laquelle nous nous mobilisons, c’est l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de même sexe et celle de la PMA aux couples de femmes. Cette avancée législative devrait permettre à toutes les unions et familles d’accéder à une reconnaissance et à une sécurisation que les institutions refusent aux couples de même sexe. Dans ce cadre, les enfants pourront avoir leur second parent enfin légalement reconnu.
Là aussi, nous n’accepterons pas que la GPA soit le bouc émissaire pour continuer à discriminer des enfants. C’est pourquoi nous demandons que la filiation des enfants nés par GPA à l’étranger soit légalement reconnue. Aujourd’hui, ces enfants sont les petits fantômes de notre République alors que leurs parents sont français. Combien de temps va-t-on continuer à refuser l’état civil à certains enfants à cause de leur origine procréative ? La France ne saurait accorder plus ou moins de droits à un enfant en fonction de son mode de conception.
Autres signataires : Geneviève Delaisi de Parseval, psychanalyste ; Maurice Godelier, anthropologue, médaille d’or du CNRS ; Martine Gross, sociologue, CNRS ; Sylvie et Dominique Mennesson, coprésidents de l’association Clara (Comité de soutien pour la légalisation de la GPA et l’Aide à la reproduction assistée) ; Israël Nisand, gynécologue obstétricien, professeur des universités ; Serge Portelli, magistrat, vice-président du Tribunal de Paris ; Hervé Lancelin et Alexandre Urwicz, coprésidents de l’ADFH (Association des familles homoparentales)
Elisabeth Badinter, philosophe Irène Théry, sociologue, EHESS
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