— Par Nadia Chonville, doctorante en sociologie à l’UAG, pour TERRA NOVA Martinique —
Au niveau national, abstraction faite des divergences essentielles qui persistent entre les soutiens et les détracteurs du texte, tous les points de vue ont eu l’occasion de s’exprimer au sujet du mariage pour tous, preuve de la bonne santé de notre démocratie. Cela n’a pas été le cas en Martinique, où les organisations militantes sont entravées par l’homophobie.
DÉBAT SUR LE MARIAGE POUR TOUS : VARIATIONS RÉGIONALES
La Martinique est située dans l’une des régions du monde les plus homophobes. Ainsi, à Sainte-Lucie et à la Dominique, les deux îles voisines, les relations sexuelles entre personnes du même sexe demeurent purement et simplement interdites par la loi. En Martinique, l’homosexualité ne peut être pénalement sanctionnée, mais sa désapprobation sociale est tout à fait comparable à celle que l’on peut observer dans les îles voisines. Elle contraint les victimes d’agressions à ne pas porter plainte. Elle enferme les Lesbiennes, Gays, Bisexuels et Transsexuels (LGBT) dans une vie régie par la loi du silence : l’homophobie latente et active ne leur laisse le choix qu’entre la clandestinité et l’exil.
Selon les statistiques les plus courantes, 5 à 10% des êtres humains ne sont pas exclusivement hétérosexuels. En Martinique, cela représenterait entre 20 000 et 40 000 individus! Mais l’homophobie en Martinique est si forte que la quasi-totalité de ces personnes gardent secrète leur homosexualité.
Le droit d’expression étant un luxe inaccessible, les LGBT martiniquais ont peiné à se mobiliser pour revendiquer le droit au mariage. Le collectif qui regroupe ces associations est animé par une dizaine de personnes, et a pour l’instant une capacité de mobilisation de moins de 100 personnes. Les associations membres étant très jeunes, elles ne disposent presque pas de financements. Les ressources humaines et économiques nécessaires à l’organisation d’une véritable campagne de promotion du mariage pour tous sont hors de leur portée.
UNE MOBILISATION PASSIONNÉE DES LAÏCS CHRÉTIENS
Depuis l’annonce du projet de loi « Mariage pour tous » , l’Église catholique martiniquaise, à travers les Associations Familiales Catholiques, a réussi à mobiliser de très nombreux fidèles autour de la lutte contre la remise en question des « valeurs familiales chrétiennes » .
A titre de comparaison, la Fédération Martiniquaise des Associations Familiales Catholiques compte 13 associations (les LGBT, 3), environ 1400 membres (les LGBT 40), et ont mobilisé 1400 personnes environ (les LGBT, 65). Depuis septembre 2012, elles s’organisent pour militer contre le projet de loi relatif au mariage pour tous. Là où les uns ont brandi quelques pancartes en carton, les autres ont eu les moyens de faire voler un avion portant une banderole « Un papa une maman » dans le ciel de Fort-de-France et d’avoir des placards dans France-Antilles ou à l’arrière des bus « Mozaïk » .
En Martinique, le débat sur les droits des homosexuels n’a pas été un débat laïc. Il est inséparable des convictions religieuses. C’est de l’Église et non pas de la société civile qu’émane principalement la mobilisation contre le projet de loi. Les prises de positions politiques de nos élus l’ont aussi illustré. Notons que jusqu’à la veille du débat parlementaire, les seuls élus à s’être publiquement prononcés sur le projet de loi relatif au mariage pour tous en Martinique étaient opposés au projet, bien qu’appartenant à la majorité présidentielle.
Nadia Chonville, doctorante en sociologie à l’UAG, pour TERRA NOVA Martinique